«Déjà, au primaire, il fallait que je sois le premier à l’école», raconte Ghislain Bélanger. Une pression qui ne fait que croître avec le lancement de Novaconcept.(Photo: courtoisie)
300 PME : SANTÉ MENTALE DES DIRIGEANTS. En 1999, Ghislain Bélanger lance son entreprise Novaconcept, une agence spécialisée en conception de formation en ligne pour entreprises. Ce spécialiste des sciences cognitives a développé une expertise dans la conceptualisation et la structuration de contenus pédagogiques numériques. Petit à petit s’installe un mal-être indescriptible, impossible à vivre jusqu’à ce jour où il confie à sa conjointe, la mère de ses deux enfants : « Il faut que je trouve ce que j’ai parce que je ne suis plus capable. Je vais mettre un terme à ma vie… »
Âgé de 26 ans à l’époque, il cumule les casquettes de président et de chef de direction. « Être entrepreneur, c’est très exigeant. Ce sont des hauts et des bas, tu ne sais jamais… », relate Ghislain Bélanger, qui se souvient d’avoir toujours souffert d’anxiété de performance. « Déjà, au primaire, il fallait que je sois le premier à l’école. » Une pression qui ne fait que croître avec le lancement de Novaconcept. Il vit alors plusieurs épisodes d’angoisse insoutenables qui le conduisent à l’hôpital, où l’on ne lui diagnostique rien d’autre que des crises d’anxiété. Il repart avec en poche des anxiolytiques qui apaisent temporairement les épisodes aigus.
« Je me serais lancé en bas d’un pont… »
« Quelques mois plus tard, je ressentais un mal-être indescriptible. Je me serais lancé en bas d’un pont, façon de parler. » Palpitations, étourdissements, maux de ventre, anxiété, autant de maux physiques qui ont envahi progressivement sa vie. À l’hôpital Notre-Dame, où il se rend, le verdict tombe enfin, libérateur : dépression sévère. Il peut enfin mettre le doigt sur les raisons de ces maux physiques et de cette extrême fatigue qui le retiennent au lit, l’unique endroit où il se sent bien.
Rétrospectivement, Ghislain Bélanger se remémore les différents déclencheurs de cette plongée dans les abîmes de la dépression : le décès de sa mère et, parallèlement, la naissance de son deuxième enfant. Pour cet hypocondriaque terrorisé par la mort et cet angoissé de la performance, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Nous sommes en 2010, Novaconcept compte alors 17 employés et la croissance est au rendez-vous. Pierre Boucher, son associé depuis 2001, s’occupe du développement des affaires. Lui est responsable de la consultation, de la gestion des projets et de l’écriture. « Du jour au lendemain, mon absence mettait en péril le bon fonctionnement et l’avenir de l’entreprise. »
« Parlez-en »
Vient le temps de parler de la dépression avec sa famille, son associé, ses employés, ses clients. « Ils ont tous été très compréhensifs. »
Le retour au travail passera par une phase de transition à la maison. « Je télétravaillais avant que cela devienne une normalité — et surtout, à ce moment-là, j’ai appris à déléguer et à ne plus prendre tout le poids de la société sur mes épaules. »
Après six mois d’antidépresseurs, le traitement faisant pleinement son effet, accompagné d’une psychothérapie, Ghislain Bélanger reprend le chemin de son bureau, dont la porte demeure toujours ouverte. « Plusieurs de mes employés souffrent d’anxiété. Pour certains, c’est la peur de la cybercriminalité, pour d’autres, c’est la peur d’être piratés. Parler avec eux les rassure parce qu’ils savent ce que j’ai traversé. »
Ghislain Bélanger conseille de consulter préventivement lorsqu’ils se sentent fragilisés et plus vulnérables par rapport à certaines situations. « Quand ça se passe dans la tête, on se dit tout le temps qu’on peut y arriver, qu’on peut passer à travers, jusqu’au moment où le corps te lâche. »
Selon le dirigeant, il ne faut surtout pas avoir peur d’en parler avec ses proches, ses amis, ses parents. « Ma conjointe de l’époque et mon frère ont été d’un incroyable soutien. »
Novaconcept gère désormais entre 200 et 300 projets par année pour environ 40 à 50 clients. Son chiffre d’affaires a doublé pendant la pandémie, tout comme le personnel de l’entreprise, composé de 45 employés et de 60 collaborateurs pigistes.
L’entrepreneur apaisé et père de trois enfants, dont une petite dernière âgée de deux ans et demi qu’il vient d’avoir avec sa nouvelle compagne, a maintenant appris à prioriser son bien-être et sa santé mentale. « S’écouter, se donner le droit à des pauses, penser à soi en premier, c’est vital. »