Valérie Plante, mairesse de Montréal; Stéphane Boyer, maire de Laval; Julie Bourdon, mairesse de Granby (Photo: courtoisie)
ARCHITECTURE. Montréal, Laval et Granby: trois villes, trois maires, des défis différents, mais une même volonté de densifier intelligemment. Les Affaires a discuté de cette question cruciale avec les élus Valérie Plante, Stéphane Boyer et Julie Bourdon.
Les Affaires — Quel est l’effet de la densification sur l’économie locale ?
Valérie Plante (V.P.) — La densification amène une diversité des usages dans les nouveaux quartiers, un dynamisme économique. Même dans les quartiers existants, ça permet de revitaliser les artères, comme le long de la ligne bleue.
Stéphane Boyer (S.B.)— Les citoyens nous disent souvent qu’ils aimeraient avoir un café, une boulangerie, une pharmacie près de chez eux. Pour un boulanger, s’installer dans un quartier de maisons unifamiliales n’a pas vraiment de sens. Il n’y a pas assez de clients potentiels. Dans un quartier plus dense, ça devient intéressant. Les entreprises ont aussi accès à plus de main-d’oeuvre. C’est un cercle vertueux.
L.A. — Comment peut-on mobiliser la population ?
Julie Bourdon (J.B.)— Quand on reçoit un papier qui nous invite à une consultation publique pour un projet de densification derrière chez nous, on ne sait pas à quoi s’attendre. Ça crée de l’incertitude et c’est normal. Il faut informer les citoyens et les amener à participer.
V.P. — Pour éviter le réflexe du «pas dans ma cour», il faut travailler en amont. Par exemple, pour le site Louvain Est dans Ahuntsic-Cartierville, les citoyens sont impliqués depuis le début. On peut ainsi entendre leurs rêves pour le quartier et expliquer les raisons de densifier. Le plan particulier d’urbanisme est aussi un grand exercice où citoyens, groupes d’intérêt, chercheurs et promoteurs peuvent se prononcer sur l’avenir de la ville.
S.B. — Il faut montrer des exemples positifs. Laval compte 130 000 maisons unifamiliales. C’est notamment possible d’ajouter un logement au sous-sol ou dans le garage. Sans façonner le visage du quartier, ça crée un revenu pour la famille et ça augmente un peu le nombre de résidents.
L.A. — Comment peut-on collaborer avec les partenaires privés ?
J.B. — Granby a demandé à la firme d’urbanisme L’Arpent d’élaborer un plan de densification. En parallèle, on travaille sur une politique d’habitation en collaboration avec les organismes communautaires et les promoteurs. On connaîtra ainsi les besoins en logements et les endroits où on veut densifier.
V.P. — Montréal a décidé de créer une cellule facilitatrice, notamment dans Ville-Marie. Elle réunit les fonctionnaires en urbanisme de l’arrondissement, les promoteurs immobiliers et les constructeurs pour assurer une conversation constante sur nos positions respectives. On vient aussi de nommer un directeur général adjoint au développement économique, qui s’occupera notamment de la stratégie immobilière.
L.A. — Faut-il revoir la fiscalité des municipalités pour encourager la densification ?
V.P. — Il faut la transformer pour plein de raisons. C’est un modèle complètement dépassé. Quand on densifie, ça amène des défis pour créer des infrastructures. Les citoyens s’attendent aussi à des services et à des espaces verts proches. Tout ça coûte très cher. Les municipalités doivent diversifier leurs sources de revenus. Ce n’est pas normal que 70 % de nos revenus dépendent de la taxe foncière.
S.B. — En ce moment, ça coûte parfois plus cher d’habiter dans un logement plus dense à cause de la façon dont les lois permettent aux villes de taxer. Si on tient pour acquis que la densification est bien pour la société, on devrait encourager le concept.
L.A. — Quels sont les principaux défis à la densification ?
S.B. — Faire une densité qui s’intègre dans la collectivité, convaincre les promoteurs de faire de bons projets, adapter nos règlements pour aller dans ce sens… Bref, c’est avec un mélange de sensibilisation, d’implication, d’encadrement réglementaire et fiscal qu’on va créer un consensus en faveur de la densification.
V.P. — En plus du défi fiscal, les projets de densification doivent s’inscrire dans la lutte aux changements climatiques et respecter le caractère unique des quartiers.
J.B. — Après l’acceptabilité sociale, le défi est d’avoir l’espace pour densifier. Sinon, ça prend de la volonté politique pour aller de l’avant.
L.A. — Comment peut-on favoriser la qualité architecturale dans les projets de densification ?
V.P. — Il y a tellement d’exemples réussis d’intégration de modernité à des ensembles patrimoniaux. À Montréal, on veut s’éloigner du façadisme [qui consiste à conserver seulement la façade d’un immeuble patrimonial]. Les concours architecturaux garantissent une intégration réussie avec les objectifs de densification.
J.B. — On aimerait pouvoir donner des points pour la qualité architecturale. On se retrouve aussi pris parfois avec des entrepreneurs parce qu’on procède par appels d’offres. On peut quand même inclure le volet architectural dans nos appels d’offres pour avoir de beaux projets.
Les propos ont été édités à des fins de concision.