(Photo: 123RF)
La BOUSSOLE BOURSIÈRE est une rubrique qui traite d’un événement marquant et de son effet sur le marché boursier en s’appuyant sur l’analyse d’experts. Cette analyse pourra être autant fondamentale que technique.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Entre le pessimisme des investisseurs et la tempête parfaite que traversent les marchés boursiers, assisterons-nous bientôt à un renversement brusque de la direction des marchés? Pour les tenants de l’analyse technique, plusieurs facteurs ou éléments d’analyse s’approchent des niveaux où un renversement de la tendance du marché pourrait se produire.
Entre autres, les indicateurs de sentiment, tels les sondages hebdomadaires de l’American Association of Individuals Investors (AAII), indique Ron Meisels, fondateur de Phases & Cycles, une firme de gestion de portefeuilles qui s’appuie principalement sur l’analyse technique.
Selon cet indicateur de l’AAII, près de 60 % des investisseurs sondés le 27 avril se disaient pessimistes quant aux perspectives des marchés boursiers, alors que la moyenne historique est de 30%. Pourquoi ce chiffre est si important? Il indique que la relation offre/demande est actuellement dominée par les vendeurs. En même temps, on peut croire que tous ces gens qui se disent aujourd’hui pessimistes quant aux perspectives des marchés ont probablement déjà vendu toutes les positions qu’ils ne voulaient plus détenir dans leurs portefeuilles. On peut en conclure qu’il n’y aura bientôt plus de vendeurs, et que les acheteurs désireux de profiter des aubaines pourraient bien alors reprendre le haut du pavé.
Au 12 mai, le phénomène ne s’était pas encore réalisé, constate Ron Meisels. Il ne peut toutefois pas s’empêcher de comparer cette situation avec celles de décembre 2018 et de mars 2020, alors que les marchés ont brusquement retrouvé une tendance haussière à partir de chiffres semblables à ceux que l’on observe en ce moment.
Le fondateur de Phases & Cycles prévoyait une correction importante des marchés en 2022, mais il note qu’elle est survenue plus tôt qu’il ne l’attendait. Il estimait que le creux du S&P 500 se situerait autour de 4300 à 4400 points, mais la guerre en Ukraine est venue aggraver la situation. Il perçoit maintenant que l’indice américain pourrait reculer à un niveau de support important entre 3800 et 3900 points, après quoi le début d’une remontée serait possible.
La tempête parfaite
Trois éléments sont dans la conversation quant à la volatilité des marchés boursiers, et ils sont tous reliés, explique Guy Côté, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale. Il est difficile de concevoir une reprise durable du marché sans la résolution de ces facteurs, selon lui.
D’abord, l’inflation. «Elle doit à tout le moins se stabiliser», dit-il. Les plus récents chiffres démontrent plutôt qu’elle continue de s’accélérer.
Ensuite, les turbulences sur les chaînes d’approvisionnement, dont l’une des sources importantes est l’objectif COVID zéro que vise la Chine. La diminution de la production manufacturière en Chine a des effets importants sur la quantité et les prix de nombreux intrants dans la production de biens partout dans le monde. «Tant que cette situation persiste, il sera difficile de prédire où la flambée inflationniste s’arrêtera», dit Guy Côté. Enfin, la guerre en Ukraine. Les perturbations sur la chaîne agricole sont évidentes, compte tenu de l’importance du pays dans la production agroalimentaire. Mais les sanctions imposées à la Russie, coupant son économie de celle du reste de l’Europe, sont probablement encore plus dommageables. «Tant que l’on ne trouvera pas de solutions à ces problèmes, la volatilité sur les marchés financiers persistera», avance le gestionnaire de la Financière.
Pas encore de capitulation
Pour l’instant, rien ne lui dit que la volatilité actuelle prendra fin bientôt, explique Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret Gestion de placements. «Néanmoins, certains indicateurs techniques peuvent signaler que certains titres se retrouvent à des points d’entrée intéressants, mais il s’agit de signaux généralement à court terme», dit-il. Ils ne sont pas nécessairement garants d’une tendance à plus long terme, selon lui.
Le seul moment où l’on assiste à un renversement brusque de la direction des marchés, c’est lorsqu’il y a une capitulation, c’est-à-dire lorsque tout le monde vend sans discernement, et qu’il n’y a plus d’acheteurs, explique Vincent Fournier. «Mais on n’en est pas encore là. Ces capitulations surviennent généralement lors des moments de déroute totale des marchés (krach)», dit-il. Les fluctuations actuelles des marchés boursiers constituent plutôt un rééquilibrage, aussi douloureux puisse-t-il être pour les investisseurs, estime le gestionnaire.
La hausse des taux d’intérêt, propulsée par l’inflation, modifie de façon importante les valorisations boursières. «Plus les taux d’intérêt montent, plus les multiples d’évaluation se contractent et les prix des actions chutent», explique-t-il. Jusqu’où cela nous mènera-t-il ? «Pour l’instant, nous naviguons à vue», dit Vincent Fournier. «Les hausses de taux d’intérêt sont en grande partie attribuables à l’inflation, et ils cesseront de monter lorsque l’inflation se stabilisera», ajoute-t-il. Si cela peut vous encourager, le réputé, sinon vénéré, investisseur Warren Buffet aurait recommencé à ajouter à certaines de ses positions, dont entre autres celle d’Apple, selon le gestionnaire de Claret.