Réal Bouclin, président fondateur et chef de la direction du Groupe Sélection (Photo: Martin Flamand)
CHAPEAU LES PDG: GRANDE ENTREPRISE. Réal Bouclin s’est arraché les cheveux au plus fort de la pandémie. Non seulement il devait protéger ses employés, mais il devait aussi protéger la quinzaine de milliers de résidents dans ses complexes immobiliers, à commencer par les personnes âgées.
«Je n’aurais jamais pensé gérer une business à sauver des vies ! Ce n’était pas notre plan d’affaires. Notre plan, c’est d’élever l’art de vivre. Sauver des vies, ça change complètement la donne», confie en entrevue le fondateur et chef de la direction de Groupe Sélection, un leader au Canada dans le secteur des résidences privées pour retraités.
Réal Bouclin a fondé la société en 1989 en achetant un triplex dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Groupe Sélection gère des actifs de plus de 5,5 milliards de dollars, emploie 5 000 employés et compte plus de 70 complexes en développement, en construction et en opération.
L’entreprise exploite des résidences pour personnes âgées (la marque Sélection Retraite) ainsi que des résidences multigénérationnelles (les marques Yimby, Hoop et Waltz). Entre 2013 et 2020, le nombre d’appartements gérés par Groupe Sélection a bondi de 322 % et la grande majorité de la croissance est organique — elle fait parfois des acquisitions. Outre sa croissance et sa démarche multigénérationnelle, sa gestion de la crise sanitaire a été l’un des éléments qui ont été remarqués par les membres du jury indépendant de Les Affaires. Selon les données de Groupe Sélection, 97 % des 15 000 résidents n’ont pas contracté la COVID-19, et ce, grâce aux mesures sanitaires très strictes mises en place rapidement dès le début de la pandémie.
Nous avons d’ailleurs dû présenter un passeport vaccinal pour interviewer Réal Bouclin au siège social de Groupe Sélection, à Laval, qui est situé dans une résidence pour retraités.
Sur un plan plus personnel, l’entrepreneur raconte que cette crise a été la pire qu’il a jamais vécue.
«Ç’a été extrêmement difficile. Pendant à peu près un an, j’ai travaillé sept jours sur sept, 18 heures par jour, le samedi et le dimanche. Il fallait tenir les troupes, garder les gens engagés», dit-il, en soulignant que ses employés ont été «exceptionnels» durant cette épreuve.
Une crise transformatrice
La pandémie a transformé le Groupe Sélection, l’incitant à améliorer et à diversifier les activités et les services offerts à toutes ses clientèles durant le confinement. «Ce dont je me suis rendu compte, et on ne s’en sort pas, c’est qu’il faut performer encore plus, il faut toujours innover plus», dit Réal Bouclin.
L’entreprise a par exemple développé un nouveau service de télémédecine pour ses résidents (et ses employés), qui va demeurer en place.
Réal Bouclin veut aussi pousser plus loin l’interaction entre les générations sur un même site avec ses filiales Yimbly (jeunes professionnels et étudiants), Hoop (familles) et Waltz (condos de luxe), et ce, en développant davantage le mantra de l’entreprise d’«élever l’art de vivre». En effet, à ses yeux, cette approche, combinée à un meilleur régime de vie (activité physique, alimentation saine, stimulation cognitive), prolonge l’autonomie des gens.
«En regroupant des générations, on crée cet art de vivre là de façon beaucoup plus poussée, beaucoup plus motivante», dit-il. Selon lui, cette approche apporte aussi deux autres avantages. D’une part, elle permet de faire des économies d’échelle dans l’achat des terrains et le fonctionnement. D’autre part, elle permet à l’ensemble des marques de s’améliorer entre elles en partageant leurs meilleures pratiques.
Le groupe à l’assaut de l’Amérique du Nord
La vision stratégique de l’entreprise — l’art de vivre multigénérationnel — n’a pas échappé à Blackstone, une importante firme américaine d’investissement.
En août, celle-ci a conclu un partenariat avec Groupe Sélection pour créer une coentreprise qui englobera environ 15 % de ses immeubles de résidences pour personnes âgées.
«Ce qui intéresse Blackstone, c’est le Montreal Style, et comment on peut l’exporter», insiste Réal Bouclin. Il précise que ce partenariat accélérera la pénétration du marché américain et de l’Ouest canadien, en l’occurrence la Colombie-Britannique et l’Alberta — Groupe Sélection est déjà présent en Ontario. Aux États-Unis, l’entreprise vise le Nord-Est des États-Unis et le sud du pays, incluant la Floride, un État où la moitié de la population est âgée de 50 ans et plus. La société a déjà enclenché des démarches, souligne l’entrepreneur.
«Il y a des terrains en négociation actuellement», dit-il, sans donner plus de détails. Si tout se passe bien, les travaux de construction devraient débuter en 2022, voire en 2023. Une fois le premier coup de pelle donnée, il faut compter 18 mois avant que les premiers résidents puissent aménager dans un immeuble.
Réal Bouclin voit grand aux États-Unis. D’ici trois à cinq ans, il estime que la moitié des actifs en développement du Groupe Sélection seront situés au sud de la frontière.
Vers une entreprise de services avec de l’immobilier ?
L’expansion géographique ne sera pas le seul gros changement pour l’entreprise; la mission même de l’entreprise pourrait évoluer, admet l’entrepreneur. «On utilise, dans le fond, l’immobilier pour rendre nos services», souligne-t-il. Groupe Sélection pourrait-il devenir un jour une entreprise de services avec une offre immobilière ? «C’est une bonne question», dit-il, en précisant que celle-ci a déjà été abordée par l’équipe de direction, et que ce scénario est plausible.
«C’est ce qu’on se dit: on s’en va là, note Réal Bouclin. Peu importe la forme que cela prendra, moi ce qui me motive, ce n’est pas de construire, c’est de changer les façons de faire.»
Grandes réalisations en 2021
- Groupe Sélection a embauché 875 employés depuis le 1er janvier.
- En mars, elle a renouvelé l’image de marque de produits multirésidentiels (Hoop et Waltz).
- En août, elle a créé une coentreprise avec la firme américaine d’investissement Blackstone, qui englobera environ 15 % de ses immeubles de résidences pour personnes âgées, pavant ainsi la voie à une percée aux États-Unis.
- Depuis le début de la pandémie, seulement 3 % de sa clientèle a contracté la COVID-19 grâce à de strictes mesures sanitaires encore en place aujourd’hui.