Virage numérique: la construction accélère le rythme


Édition du 08 Mars 2023

Virage numérique: la construction accélère le rythme


Édition du 08 Mars 2023

Plusieurs outils technologiques, comme les exosquelettes, pourraient en outre diminuer les accidents de travail. (Photo: Getty images)

CONSTRUCTION. En matière de mutation numérique, la construction se classe en queue de peloton. L’industrie semble toutefois déterminée à combler son retard. Alors que les technologies peuvent améliorer la productivité et la qualité des bâtiments, protéger la santé et la sécurité des travailleurs tout en respectant la planète, plusieurs entrepreneurs manquent de ressources pour les intégrer efficacement. Survol d’un secteur en pleine transformation.

L’industrie de la construction a atteint des sommets historiques ces dernières années. « En 2021, on a eu presque 68 000 mises en chantier. C’était la meilleure année depuis 1987 », souligne Paul Cardinal, directeur du Service économique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).

Le boom du secteur se mesure facilement. « Si l’on oublie l’année où la construction a été arrêtée pendant la pandémie, on a connu trois années records, surtout en ce qui concerne le nombre d’heures travaillées », dit Guillaume Houle, responsable des affaires publiques et porte-parole de l’Association de la construction du Québec (ACQ). 

L’année 2022 entrera dans les annales : les heures travaillées ont atteint les 210 millions. « Vous auriez demandé à n’importe quel entrepreneur au début des années 2010 si on allait un jour franchir la barre des 200 millions, on aurait ri de vous », assure Guillaume Houle. 

Bien qu’un repli soit attendu cette année, l’activité demeurera élevée, avec un total prévu de 202 millions d’heures travaillées. L’APCHQ prédit pour sa part une baisse des mises en chantier, en raison notamment de la hausse des taux d’intérêt. 

Manque criant de logements, coûts de construction élevés, main-d’œuvre qui fait défaut et virage vert obligé forment un cocktail difficile à avaler pour l’industrie. « Ça met énormément de pression sur les entreprises », estime le responsable des affaires publiques de l’ACQ, qui croit que la transformation numérique résoudrait bien des problèmes.

 

Pression de toutes parts 

Paul Cardinal remarque que les 46 000 mises en chantier prévues dans la province en 2023 ne suffiront pas à la demande. « Il faudrait doubler ce nombre pour rétablir l’équilibre. On estime qu’il manque près de 100 000 logements au Québec. » 

Après l’explosion des coûts de construction entre 2019 et 2021, avec une hausse moyenne de 35 %, les entrepreneurs peuvent souffler. « Ça se stabilise, dit l’expert de l’APCHQ. L’augmentation frôle les 5 % depuis un an, soit un peu moins que l’inflation. » Le prix du bois d’œuvre, du verre, de l’acier et de l’aluminium est même en baisse. Cependant, les coûts de l’énergie, du gypse et du béton continuent de monter.

À l’instar des autres secteurs, la construction doit faire face à un déficit de main-d’œuvre. Au deuxième trimestre de 2022, en période de pointe, 17 000 travailleurs manquaient à l’appel. « En raison des importants investissements publics, entre autres pour la rénovation et la construction des écoles, la pénurie se fera encore sentir pendant des années », croit Guillaume Houle.

Le développement durable fait partie des grands chantiers de l’industrie. « Avec le gouvernement du Québec, on essaie notamment de trouver comment récupérer les matériaux de construction, de rénovation et de démolition », donne-t-il en exemple. 

L’APCHQ reconnaît également qu’il y a un effort à faire pour réduire les GES. « Au Québec, 80 % des logements sont chauffés à l’électricité. Le reste est chauffé au mazout ou au gaz. Il y a un blitz de rénovations à faire pour améliorer l’efficacité énergétique de nos maisons », dit Paul Cardinal.

 

Les technologies à la rescousse 

La construction est en outre l’un des secteurs les moins productifs au Québec, une réalité qui préoccupe grandement l’ACQ. La solution passe indéniablement par la mutation numérique. « Le contexte de rareté de main-d’œuvre a fait figure de signal d’alarme. Il faut faire mieux avec ce qu’on a », résume Joseph Faye, directeur des Services corporatifs. Celui-ci rappelle qu’une entreprise qui mise sur l’innovation a deux fois plus de chances d’accroître sa productivité de façon importante. 

« Le virage numérique entraîne un gain de productivité. En permettant l’échange des données plus facilement et en rendant les informations disponibles à tous, on réduit les erreurs et on peut identifier les conflits avant la construction », ajoute Charbel Khoury, directeur de l’Initiative québécoise pour la construction 4.0. 

Plusieurs outils technologiques, comme les exosquelettes, pourraient en outre diminuer les accidents de travail.

L’évolution doit toucher l’ensemble de l’industrie. Le hic, c’est que cette transformation demande du temps et de l’argent, deux denrées rares pour les petits constructeurs. « Quand on fait tout, on n’a pas le luxe de réfléchir à un plan d’action, souligne Joseph Faye. Pourtant, selon notre sondage réalisé en 2020 auprès d’entrepreneurs, 75 % avaient un intérêt fort ou très fort pour les technologies. »

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