Penser aux autres plutôt qu’à soi pour réussir son «pitch»
Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑octobre 2022«À force d’en faire et de se planter, on développe une confiance scénique» pour les présentations, dit Gaëtan Namouric. (Photo: Sylviane Robini)
DES LEADERS ET DES MOTS. «Ça ne se peut pas qu’on ait de si bonnes idées au Québec, mais qu’on les présente si mal», dit sans détour Gaëtan Namouric, fondateur de la firme d’accompagnement stratégique Perrier Jablonski, en entrevue.
C’est pour cette raison qu’il a décidé d’écrire le livre «Ce que vous avez à dire n’intéresse personne», qui porte sur l’art du pitch.
«Il y a une lacune évidente dans cette discipline, précise-t-il en entrevue téléphonique. On a des gens experts dans leur domaine, mais qui manquent de technique.»
Version longue d’une journée de conférences que ce stratège donne à ce sujet, ce bouquin vise donc à outiller. «Il n’y avait pas d’ouvrage qui regroupait tout ce que j’avais rassemblé, dit-il. Rien qui pouvait vraiment s’adresser à un public québécois, car un pitch est éminemment culturel. Par exemple, dans les présentations d’Apple, on a recours à des formulations comme amazing ou incredible. Ici, on n’utilise pas ces mots-là.»
Titre provocateur
Le titre du livre vise assurément à bousculer le lecteur pour lui offrir une leçon vitale afin de réussir sa présentation. «La première lacune qu’on a, c’est qu’on pense trop à soi, assure-t-il. J’ai vu plein de gens pratiquer, réfléchir à ce qu’ils vont dire en oubliant à qui ils s’adressent. L’erreur est de ne pas considérer l’auditeur qu’on a en face de nous, qui a des besoins. Il faut adapter notre pitch en conversation. Sinon, on va être content de notre performance, sauf que ce ne sera pas intéressant.» L’empathie envers ceux qui recevront notre message est ainsi essentielle.
L’autre grande faute, selon lui, c’est d’être porté par notre propre engouement. Par exemple, un présentateur rationnel va croire que ses arguments seront suffisants pour convaincre, tandis qu’un émotif sera enclin à miser sur son énergie ou son charisme.
«On prend trop de risque en étant uniquement nous-même, dit celui qui enseigne à l’École des dirigeants HEC Montréal. La persuasion, c’est d’amener les gens avec nous, en les faisant rêver. Ensuite, il faut les ramener dans le rationnel et avoir des solutions concrètes à offrir.» Les émotifs auraient donc avantage à travailler leur raisonnement dans leur présentation, et les rationnels, à peaufiner des idées qui touchent davantage les sentiments.
Évidemment, un pitch réussi repose sur une bonne histoire. Pour que l’on soit efficace, Gaëtan Namouric suggère d’aller à l’essentiel. Le récit sert à accrocher son client potentiel, mais il faut ensuite le convaincre à coups d’arguments. «En bref, un pitch est un discours puissant, constant, cohérent, répété et répété», écrit-il.
Rien d’inné
L’auteur juge que c’est à force de pratiquer qu’on peut devenir un bon présentateur. C’est loin d’être un don naturel.
«J’étais un timide maladif et je fais maintenant plein de conférences, avoue-t-il. À force d’en faire et de se planter, on développe une confiance scénique. On apprend à gérer l’imprévu.» Dans ce qu’il assimile à «jouer une pièce de théâtre», il estime qu’une préparation minutieuse est essentielle. Cela signifie avoir très bien cerné ce qu’on veut véhiculer pour ainsi se donner une marge de manoeuvre afin d’improviser, pour s’adapter au contexte et au public.
«Il ne faut pas être trop stressé, ajoute-t-il. Il y a toujours de l’imprévu, donc il faut se garder de l’énergie pour le gérer. Être bien préparé permet de passer à travers.» L’auteur apporte des suggestions sur une foule de détails, tels que comment contrôler sa gestuelle. Steve Jobs le faisait en s’imaginant caresser un ballon de soccer invisible, tandis que l’ex-chancelière allemande Angela Merkel formait un losange avec ses doigts.
Pas pour récolter d’argent
Le pitch est souvent associé à l’idée de séduire des investisseurs afin d’amasser des fonds pour son entreprise. Gaëtan Namouric n’a pas écrit ce livre dans cette optique.
«On a des entreprises qui nous appellent, car elles comptent par exemple dévoiler leur plan stratégique et elles veulent optimiser leur présentation», note-t-il. Le patron de Perrier Jablonski estime donc que son ouvrage est surtout pour les gestionnaires, mais qu’il peut également servir à tous ceux qui veulent vendre une proposition.
Son livre est parsemé de conseils tirés de son expérience, mais appuyés par de la théorie. Par exemple, il recommande fortement de ne jamais entamer une allocution avec une question ni de terminer avec une séance de questions-réponses. Ailleurs, il vante ce qui est répété dans toutes les écoles de journalisme:«Une idée, une phrase.»Mais attention, ces conseils concrets sont soutenus par toute une littérature qui va de Descartes à Pixar en passant par des articles scientifiques tels que l’influence de l’âge sur le cerveau. Cela en fait un livre à la fois pratique, divertissant et instructif. En somme, une excellente carte de visite pour ses services !
Ce que vous avez à dire n’intéresse personne est publié par Perrier Jablonski.