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La prospérité du Québec menacée par un manque d’électricité?

Jean-Paul Gagné|Publié le 02 novembre 2023

La prospérité du Québec menacée par un manque d’électricité?

Au lieu de voir la sobriété électrique comme une contrainte, pourrait-on la percevoir comme un vecteur de bien-être? (Photo: Getty Images)

CHRONIQUE. François Legault est allé inaugurer le complexe La Romaine pour promouvoir l’hydroélectricité comme principale source d’énergie pour combler les immenses besoins en électricité du Québec au cours des prochaines décennies. Finis les surplus d’énergie à Hydro-Québec. On pourrait même en manquer si on répondait à toutes les demandes qui arrivent de partout.

Alors qu’Hydro-Québec actualise son plan stratégique et cherche de nouveaux moyens de répondre à la demande à moyen et à long terme, le premier ministre a déjà statué qu’il n’y a « pas d’acceptabilité sociale pour le nucléaire ». Voilà une option à oublier pour Michael Sabia.

Le plan stratégique 2022-2026 publié sous la direction de Sophie Brochu n’est plus à jour. Avec la double nomination de Pierre Fitzgibbon à l’Économie et à l’Énergie, les objectifs premiers de ce plan, à savoir rendre Hydro-Québec carboneutre en 2030 et d’économiser 8,2 térawattheures (TW h) d’énergie (l’équivalent du complexe La Romaine) d’ici 2029, sont devenus irréalistes. D’où la démission fracassante de Mme Brochu, avant la fin de son mandat, en disant qu’elle ne voulait pas qu’Hydro-Québec devienne un Dollarama de l’énergie (c’est-à-dire faire du commerce avec l’énergie). 

Le plan 2022-2026 prévoyait une augmentation de la demande d’électricité de 20 TW h entre 2019 et 2029 et de 100 TW h d’ici 2050. Or, M. Fitzgibbon avance maintenant une croissance des besoins qui pourraient atteindre 150 TW h d’ici 2050, comparativement à une production actuelle d’environ 180 TW h. C’est énorme.

Notre hydroélectricité est tellement prisée que plusieurs sociétés étrangères veulent investir au Québec pour réaliser leur objectif de carboneutralité. À preuve, les multinationales qui veulent y développer leur filière batteries. 

M. Fitzgibbon, qui autorise désormais tous les projets nécessitant 5 mégawatts (MW) et plus de puissance, n’a accepté que 11 des 20 projets qui lui avaient été présentés en date du 31 mars dernier. Ces 11 projets obtiendront une puissance de 956 MW, en regard des 2671 MW demandés pour les 20 projets. Le ministre aurait un carnet d’une cinquantaine de projets requérant 5 MW et plus. L’arbitrage de ces demandes sera difficile, car le volume des projets acceptés ou pas aura une incidence majeure sur notre prospérité, les besoins de main-d’œuvre et l’immigration. On est dans un nouveau paradigme.

On nageait dans les surplus lorsqu’on a négocié les contrats d’exportation vers New York et le Massachusetts. Il faudra maintenant leur livrer respectivement 10,4 TW h et 9,45 TW h d’énergie annuellement, soit 11 % de notre capacité actuelle. 

Les véhicules électriques, dont on subventionne l’achat, absorberont une grande partie de la nouvelle production d’énergie. On en prévoit deux millions dès 2030. 

Autre facteur qui pourrait réduire notre capacité de répondre à la demande, la baisse du niveau d’eau dans les barrages, à cause des incendies de forêt et du faible volume de pluie dans le nord du Québec, réduira de 20 TW h la production d’énergie disponible entre mai dernier et le 1er janvier 2024. Pas sûr que ces phénomènes soient temporaires. 

Hydro-Québec pourrait acheter davantage d’électricité des réseaux voisins, surtout en période de pointe. Elle pourrait aussi devenir plus proactive dans des mesures incitatives ou contraignantes pour décourager la consommation. Hilo, le programme incitatif de gestion dynamique de la demande du secteur résidentiel, a donné des résultats mitigés.

 

Produire plus, consommer mieux

Le gouvernement joue sur deux fronts. Alors que François Legault travaille sur l’offre en proposant de nouvelles centrales hydroélectriques, Pierre Fitzgibbon s’affaire à freiner la demande. D’où son étonnante prédiction sur la réduction du tiers du parc automobile pour atteindre la carboneutralité en 2050. Le ministre rêverait-il à un bonus-malus sur l’achat des véhicules, à des taxes kilométriques ou à d’autres mesures d’écofiscalité ? Parions que son patron n’est pas d’accord. 

Pour empêcher une pénurie d’énergie au-delà de 2026, Hydro-Québec a lancé un appel d’offres pour 3000 MW d’énergie éolienne. Aussi, elle réinvestit dans des centrales existantes pour ajouter 2000 MW de puissance d’ici 2035.

En plus de mesures visant les particuliers, Hydro-Québec devrait envisager des actions plus structurantes, comme le renforcement du code du bâtiment, la géothermie, le solaire résidentiel, un apport accru du secteur privé (Innergex fournit 200 MW d’énergie solaire à Amazon en Ohio) et une transformation du réseau de distribution pour le rendre multidirectionnel (entre les clients et Hydro-Québec et entre eux).

Par ailleurs, il paraît réaliste, sinon inévitable qu’il faudra ajouter de la capacité hydroélectrique. Cela prendra du temps, de la détermination et beaucoup de négociations avec les Premières Nations (projet Petit Mecatina) et avec Terre-Neuve-et-Labrador (complexe Churchill Falls). Voir ma chronique du 15 février 2023, « Pas de renégociation des ententes sur la rivière Churchill sans les Innus ». 

Mais par-dessus tout, c’est un changement de mentalité qui s’impose. Au lieu de voir la sobriété électrique comme une contrainte, pourrait-on la percevoir comme un vecteur de bien-être… comme le sont le port de la ceinture de sécurité, l’antitabagisme et la modération envers l’alcool ?

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J’aime

Les concessionnaires automobiles ne manquent aucune occasion d’accroître leurs ventes lors de l’achat d’une voiture par un client. C’est en ce moment que commencent les pressions pour pousser des sous-produits secondaires, qui sont offerts à des prix exorbitants. Heureusement, l’un de ces produits, la fameuse assurance remplacement de la valeur à neuf, leur sera interdite quand le projet de loi omnibus no 30 du ministre des Finances du Québec aura été sanctionné. Les concessionnaires du Québec ont vendu l’an dernier 64 000 contrats de ce type à un prix moyen de 2323 $ pour un total de 148 M$, auquel s’est ajoutée une commission juteuse de 45 % qui, elle, a rapporté 67 M$ aux concessionnaires. 

 

Je n’aime pas

Selon une étude de l’Institut économique de Montréal, 44 % des infirmières de moins de 35 ans qui ont intégré la profession entre 2016 et 2021 l’ont quittée, comparativement à 37 % pour la période 2011-2015. Quelque 70 % des infirmières déplorent la surcharge de travail, les heures supplémentaires obligatoires et le manque de flexibilité pour les vacances, alors qu’environ 60 % invoquent l’insuffisance des salaires. Pourrait-on profiter des négociations en cours pour s’attaquer à ce problème ? 

 

 

Ce texte fait partie de notre édition de la mi-octobre 2023.