Selon Louis Hébert, la PME doit déterminer si elle possède les compétences managériales pour soutenir son expansion. (Photo: 123RF)
ENTREPRENEURIAT. Une forte croissance est le rêve de bien des PME. Les Affaires explore donc les défis que doivent surmonter celles qui vivent une telle situation, afin d’éviter que l’aventure ne tourne au cauchemar.
« Il n’y a rien qui cause plus de turbulences que la croissance, remarque Louis Hébert, professeur de stratégie au Département de management de HEC Montréal. Que ce soit du point de vue financier, de la structure ou du personnel, elle peut faire ressortir certaines faiblesses de l’organisation. »
Selon lui, la PME doit déterminer si elle possède les compétences managériales pour soutenir son expansion. « La taille et le poids de l’organisation augmentent, donc cela demande des fondations plus solides, note l’universitaire. Si l’expansion se déroule à l’étranger, cela nécessitera une internationalisation de l’entreprise. Du point de vue géographique, il faut des aptitudes pour développer des réseaux de distribution, des relations avec les clients, etc. »
Pour Annie Boilard, dont la PME Réseau Annie RH a connu des épisodes de forte croissance et qui conseille des entreprises qui progressent rapidement, une organisation qui passe par cette étape se retrouve dans le chaos.
« Quand on est en boom, c’est parce qu’on a du succès et qu’on est bon, affirme-t-elle. Mais là, on fait face à des enjeux de production. Tu ne cherches pas la perfection dans cette phase-là. On ne peut pas régler tous les problèmes. »
D’après elle, la croissance sans acquisition provient d’une des quatre réalités suivantes : 1 – vendre à plus de monde ; 2 – vendre dans un nouveau marché ; 3 – vendre de nouveaux produits dans le même marché ; 4 – vendre de nouveaux produits dans de nouveaux marchés.
« Le coût de la croissance varie selon ces quatre créneaux, dit-elle. Le premier est généralement le plus simple, tandis que le quatrième est le plus ardu, car c’est le plus dispendieux. »
« Quand tu as une grande croissance, les quatre créneaux se mêlent, ajoute-t-elle. Donc il faut recentrer sa croissance sur les plus faciles. Parfois, il y a des projets sexy avec des produits novateurs sur de nouveaux marchés, mais cela coûtera cher. On doit faire attention. »
L’appât d’être en avance afin d’obtenir un avantage concurrentiel décisif peut également bousculer les plans d’expansion. « Si vous êtes le premier sur un marché, c’est important de grandir très vite », remarque Brian King, professeur agrégé au Département d’entrepreneuriat et d’innovation de HEC Montréal.
Grossir par acquisition
Un bon moyen de croître est de faire des acquisitions. Mais attention, cette pratique est plus compliquée qu’il n’y paraît.
« Acheter et signer le chèque, c’est la partie la plus facile, souligne le professeur Louis Hébert. Le défi, c’est d’arrimer les deux organisations pour créer des synergies. »
Voici, selon lui, les trois facteurs de base pour une acquisition réussie :
1 – S’assurer que la logique stratégique de l’acquisition est bonne et valide ;
2 – Être très diligent dans la sélection des cibles ;
3 – Avoir une image d’acquéreur préférentiel, car cela ne donne rien d’acheter une PME contre son gré.
« Pour mettre la main sur une entreprise, il faut la séduire, ajoute-t-il. Cela prend un certain talent de négociateur et de vendeur pour l’amener à la table. J’ai des exemples de patrons qui avaient des cibles en tête, mais qui savaient que ce n’était pas possible à court terme ; mais ils conservaient des relations avec leur vis-à-vis. »
Le professeur estime qu’il sera beaucoup plus facile de mobiliser la direction, le personnel, les clients, les actionnaires et les fournisseurs de l’entreprise acquise avec une intention stratégique claire. Habilement communiquer ses objectifs est un facteur de succès dans l’intégration de la nouvelle entreprise, selon lui.
Cette réflexion stratégique est aussi essentielle avant d’obtenir les capitaux nécessaires, juge David Bouchard, vice-président au financement corporatif pour KPMG Canada. « Pour monter un plan de financement crédible, il faut tout évaluer, poursuit-il. Par exemple, est-ce que les fournisseurs ont la capacité de suivre notre croissance ? Si on sait que c’est viable et rentable, alors on va chercher l’argent. Le financement, c’est l’aboutissement d’un processus. »
Finalement, mieux vaut profiter de cette période excitante où tout semble possible. « Enjoy the ride, lance Annie Boilard. Quand tu es là-dedans, c’est chaotique, mais c’est aussi très stimulant. »