(Photo: Jinyun pour Unsplash.com)
BLOGUE INVITÉ. Les start-ups ont malheureusement tendance à vendre ce qu’elles construisent pour moins que ce que cela vaut.
En tant qu’entrepreneur, il est presque impossible de comprendre la valeur de ce que nous construisons. Par exemple, il y a quelques années, j’ai été contacté par une entreprise pour un mandat de consultation dans le but de redresser une compagnie en difficulté. En toute transparence, le mandat ne m’intéressait pas du tout. Malgré tout, j’ai pris l’appel, question de politesse et étant donné que c’était la référence d’un contact privilégié. Lorsqu’on m’a demandé mon taux horaire, j’ai lancé un nombre insensé juste pour me débarrasser de l’affaire. À ma grande surprise, le prospect a accepté sans broncher le prix proposé. On parlait à ce moment de près de 3000$ par jour.
Malgré l’acceptation de mon «tarif», je n’ai pas accepté le mandat (j’avoue que ce ne fut pas facile de dire non à ce moment), car j’avais déjà lancé Connect&GO et j’étais convaincu que je devais y consacrer le maximum de mon énergie. Cependant, c’est le jour où j’ai réalisé que je me sous-évaluais moi-même ainsi que la valeur de mon travail. Alors que je cherchais à comprendre pourquoi le prospect n’avait pas automatiquement refusé mon offre qui me semblait bien trop élevée, j’ai réalisé que c’était probablement moi qui avais la mauvaise perspective sur la valeur de mon temps.
C’est aussi la raison pour laquelle, aujourd’hui, en tant que conférencier, j’ai la meilleure agente: Anne Marcotte, qui s’occupe des négociations pour moi. Chaque fois qu’elle m’appelle pour me dire qu’on me propose 5000$ pour donner une conférence dans un congrès, mon premier réflexe, c’est de me sentir mal. Pour être franc avec vous, chaque fois je me dis que j’aurai probablement accepté 500$, car j’adore donner des conférences et brasser un peu les gens. Mais Anne me rappelle que ce que je partage aux gens, c’est plus de 15 ans d’entrepreneuriat et d’apprentissages, incluant des erreurs qui m’ont coûté des centaines de milliers de dollars et que c’est ce que je vaux. Vous savez quoi? Elle a bien raison, mais je continue de préférer que ce soit elle qui négocie pour moi! Haha!
Il s’avère que la plupart d’entre nous, entrepreneurs, avons l’habitude de nous vendre à bas prix.
Pourtant, nous ne rencontrons souvent aucune difficulté à accepter les taux horaires de nombreux professionnels qui nous entoure. Un avocat à 500$ de l’heure à Montréal, mais bien sûr, c’est que ça vaut! Un consultant en commercialisation à 375$, évidemment! Mais lorsqu’on pense à nous, on est généralement gêné de demander 150$ de l’heure, sauf si nous sommes à la tête d’une firme de service dont le principal modèle d’affaires est de vendre des heures!
La racine du problème
Je pense qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous vendons ce que nous construisons (ou nous-mêmes) pour moins que ce qu’il vaut vraiment.
Tout d’abord, l’entrepreneur va souvent être le dernier à se payer dans son aventure entrepreneuriale et même lorsqu’il se paiera, cela prendra des années avant qu’il finisse par se payer un salaire équivalent à ce qu’il serait payé dans le marché.
Le second point est que l’entrepreneur est souvent un généraliste au départ, plutôt qu’un spécialiste. Il accomplit une foule de tâches différentes et il est plus difficile de comprendre et percevoir la réelle valeur de ce travail. De plus, la majorité des entrepreneurs n’ont pas de «titre professionnel» tel que comptable ou ingénieur et n’ont pas non plus tous réalisé de grandes études et, de facto, dévalorisent souvent la valeur qu’ils ont.
Quant à la valeur de ce qu’il vend, l’entrepreneur d’une start-up aura souvent l’impression que son produit n’est pas aussi complet que ce que le marché propose ou qu’il n’a pas encore la crédibilité et que donc, que la meilleure manière de réussir à convaincre les potentiels clients est d’offrir son produit pour une bouchée de pain. C’est une grande erreur!
Les dangers d’être moins cher
Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas l’option la moins chère que nous ne pouvons pas plaire au client soucieux des prix.
Vous avez probablement entendu ce dicton un million de fois: une chose vaut exactement ce quelqu’un paiera pour l’avoir. Pour ma part, je ne veux jamais être l’option la moins chère. C’est la recette parfaite pour échouer en tant qu’entrepreneur. La plupart des gens associent l’option la moins chère à la qualité la plus basse, que ce soit vrai ou non. J’ai souvent hésité à choisir l’option la moins chère, même si ce n’est qu’une bouteille d’eau dans une station-service, car il doit y avoir quelque chose qui ne va pas. C’est stupide, je le sais. Mais, l’aspect de prendre l’option du milieu ou parfois, l’option la plus chère me réconforte. C’est de la simple psychologie du consommateur.
Vous savez qui ne fait pas ça ? Le client qui n’a aucun enjeu dans la qualité du produit, celui qui prend une décision strictement sur le prix. Ainsi, si vous êtes l’option la moins chère, ils vont acheter votre produit à chaque fois! C’est super non? Il n’y a qu’un seul problème: si vous comptez sur ces clients, vous ne pourrez pas augmenter vos prix. Si vous le faites, vous allez alors perdre une grande partie de votre clientèle, qui n’est fidèle qu’à une seule chose: le prix.
Vous pouvez même tripler le nombre de fonctionnalités sur votre produit ou la qualité de son emballage en le rendant complètement écoresponsable, cela n’aura pas d’impact, car ce n’est pas pour cela que vos clients l’ont acheté. Ils l’auront acheté parce que c’était moins cher. En prime, les autres clients qui ont hésité la première fois ayant l’impression que le prix était trop bas risquent de garder cette impression même si vous augmentez votre prix.
Être cher est un problème beaucoup plus facile à avoir, tant que nous sommes l’option premium. Et les start-ups devraient toujours être des options premium. En tant que start-up, soit nous ajoutons la valeur supplémentaire que les joueurs historiques et la concurrence n’apportent pas, soit nous créons un marché qui n’existait pas auparavant. Si nous ne faisons pas une de ces choses, nous ne survivrons jamais, peu importe notre prix.
Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas l’option la moins chère que vous ne pouvez pas plaire aux clients soucieux des prix. Vous devez simplement vous assurer d’être en mesure de leur faire réaliser l’importance de la qualité et la force de votre proposition de valeur. Dès qu’ils auront compris que le coût supplémentaire se traduit par des avantages tangibles, vous avez gagné!
Ceci explique les trajets Uber ou les commandes DoorDash offerts gratuitement (à leurs frais) ou les 5$ de réduction sur la première commande d’un client. Dans le cas d’une entreprise B2B, cela peut se refléter par une évaluation gratuite ou encore un essai gratuit de la solution pour une période de 14 jours. Quelle que soit l’offre, le but est que le client comprenne sur une courte période pourquoi la qualité est importante pour vous et pour lui!
L’avantage de cette stratégie est que vous attirerez à la fois les consommateurs soucieux des prix ainsi que ceux qui recherchent de la qualité, mais souhaitent être convaincus. C’est l’occasion de leur prouver qu’au fond, ils souhaitent une solution de qualité plutôt qu’un prix. De ce fait, si vous prouvez votre valeur, ils accepteront de finalement payer le bon prix pour votre solution.
Un autre exemple pertinent est que lorsque vous avez acheté quelque chose, par exemple une maison, et que vous soumettez une offre en bas du prix demandé et que celui-ci est accepté sur le champ. Quel est votre sentiment? Celui que vous auriez dû demander encore moins. C’est la même chose lorsque vous offrez votre solution à vos clients. S’ils ne négocient jamais, ce n’est pas une bonne chose. Cela veut dire qu’il s’attendait probablement à payer plus — sauf si vous êtes un génie de la stratégie de prix et que vous avez visé 100% juste. De plus, si votre prix est trop élevé et que le client dit non, vous pouvez toujours descendre. En revanche, si votre prix est trop bas et qu’ils disent oui, vous ne pourrez jamais demander plus.
Bref, vous devez constamment analyser vos ventes, incluant chaque nouvelle fonctionnalité que vous livrez, le cycle et l’ensemble de clients. Si vous estimez que vous pouvez facturer davantage aux nouveaux clients, vous avez l’obligation d’augmenter vos prix. N’attendez pas, comme Shopify, plus de 12 ans avant de hausser massivement le coût de vos forfaits. Peut-être que si ceux-ci l’avaient fait plus tôt, ils n’auraient pas été dans l’obligation de diminuer de 10% son effectif dernièrement.
Vos clients historiques bénéficiant de tarifs plus bas apprécieront l’évolution de votre stratégie de prix qui sera en lien avec la valeur que vous créez! D’un autre côté, si en surveillant vos ventes, vous sentez que vous n’avez pas la traction souhaitée, vous aurez toujours la possibilité de baisser vos prix ou de faire des offres spéciales. En soi, laissez le marché faire cette correction pour vous plutôt que de le faire vous-même!
Bref, faites l’effort de respecter votre valeur: fixez vos conditions, soyez prêt à négocier et, si nécessaire, refusez l’opportunité. Croyez-moi, vous me remercierez plus tard.