L’APCHQ prévoit respectivement 40 000 et 46 000 mises en chantier pour 2023 et 2024. (Photo: 123RF)
La pénurie de logements et de propriétés vécue actuellement au Québec va perdurer au cours des prochaines années et les prix continueront de monter, faute d’avoir une offre suffisante.
La rareté des logements et propriétés disponibles sur le marché ne fera d’ailleurs que s’accentuer si rien n’est fait, souligne le président et directeur général de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Maxime Rodrigue.
« Il faut construire 120 000 nouveaux logements par année pendant dix ans pour rétablir l’abordabilité du marché immobilier au Québec selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), rappelle-t-il. Pourtant, les mises en chantier ont baissé de 46% depuis le début de 2023 dans un moment où il faudrait plus que doubler les mises en chantier. À Montréal, la chute est de 73%. »
Le portrait n’est pas plus rose du côté de l’immobilier locatif. Le taux d’inoccupation se situait à 1,7% en octobre dernier au Québec (la dernière mesure provinciale complète effectuée par la SCHL). Cette rareté de logements combinée à des prix qui montent à vue d’œil et une baisse de l’accessibilité à la propriété incite les locataires à ne pas bouger en ce 1er juillet.
« Nous estimons à moins de 10% le pourcentage de locataires qui vont déménager au 1er juillet, indique le directeur des affaires publiques et gouvernementales de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), Marc-André Plante. En 2022, ils étaient environ 15%, et il y a déjà eu des années à 20% et même 25%. »
Pas de relâche en vue
Malheureusement pour les personnes qui cherchent un logement ou une propriété, il n’y a pas d’accalmie en vue. La SCHL prévoit que les loyers augmenteront de 30% au cours des trois prochaines années.
Du côté des propriétés sur le marché de la revente, le prix médian de vente a explosé au cours des quatre ans, passant de 255 000$ au premier trimestre 2019 à 400 000$ au même trimestre en 2023, une croissance de 56,8% selon les chiffres de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
Au cours de la même période, les inscriptions de propriétés en vigueur sont passées de 61 885 à 18 334, une diminution de 70,4%.
Le marché des propriétés neuves ne risque pas de venir mettre un peu de baume sur la plaie. L’APCHQ prévoit respectivement 40 000 et 46 000 mises en chantier pour 2023 et 2024. Chez Desjardins, la prévision est plutôt de 37 000 et 40 000. C’est donc entre 32,1% et 35,8% de ce que la SCHL considère essentiel pour un retour de l’abordabilité sur le marché.
« Il faut comprendre l’urgence de ce qui se passe présentement, laisse tomber Maxime Rodrigue. On ne verra peut-être pas l’ampleur du problème le 1er juillet 2023, parce que les municipalités sont fortement impliquées pour que les gens ne restent pas dans la rue. »
« Ce sera compliqué dans les prochains mois, affirme pour sa part Marc-André Plante. Même si aujourd’hui on donnait un électrochoc en retirant toutes les barrières à la construction résidentielle, on aurait quand même une crise en 2024 et 2025. »
Il indique qu’un projet de 200 logements prend entre trois et cinq ans à construire. Pour un quadruplex ou un quintuplex, le délai est de six mois à un an.
« Si ça nous prend plus de 600 000 unités, à coup de quatre ou cinq, ça prend du temps, soumet-il. La conjoncture est difficile, et elle va perdurer. »
Dans un contexte où l’immigration est à la hausse au Québec, le problème ne sera qu’amplifié, estime pour sa part le président de l’Association des propriétaires du Québec (APQ), Martin Messier.
« Dans un contexte où nous avons besoin de main-d’œuvre, il faut stimuler le facteur migratoire, précise-t-il. Mais on les loge où, ces gens-là? »
Plan d’ensemble
Les intervenants interrogés par Les Affaires affirment tous que la seule solution pour venir à bout ce cette crise, c’est un plan d’ensemble, une stratégie concertée qui rassemblera tous les intervenants du milieu de la construction et de l’habitation. Et le plus vite sera le mieux pour rattraper le retard qui s’accumule de jour en jour.
« Il faut faire un virage à 180 degrés de nos pratiques actuelles, estime Martin Messier. Actuellement, l’équilibre entre l’offre et la demande ne fait pas partie du débat. Le projet de Loi de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, adresse surtout la relation locateur-locataire. »
La fin de la cession de bail est un point positif pour un promoteur ou un investisseur immobilier parce qu’il reprend le contrôle du choix du locataire de ses logements. Mais l’influence de cette mesure sur l’offre et la demande demeure minime, avance Martin Messier.
« Il faut mettre tous les paliers de gouvernement, les promoteurs privés et les OBNL à l’exercice, plaide Marc-André Plante. Si nous ne le faisons pas, nous allons nous reparler dans un an et j’aurai les mêmes réponses pour vous. »
Cette planification stratégique devra nécessairement comporter des cibles annuelles chiffrées de constructions de logements locatifs et de propriétés, des plans de densification dans les municipalités, des programmes dédiés à stimuler la construction, des budgets et de l’imputabilité, estiment les trois intervenants consultés par Les Affaires.
Pour l’instant, ils ne veulent pas se prononcer sur le projet de loi 31. Ils préfèrent voir ce qui ressortira des consultations promises par la ministre de l’Habitation.
« Il semble qu’elle soit déjà à préparer un plan qu’elle présentera à l’automne, souligne Maxime Rodrigue. L’objectif ultime qu’on devrait tous viser, c’est construire plus, construire de manière durable et densifier. C’est le temps de s’asseoir ensemble et d’élaborer un vrai plan de match. »