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Réseau express de la Capitale: des projets qui divisent

Léa Villalba|Édition de la mi‑octobre 2021

Réseau express de la Capitale: des projets qui divisent

«Si on regarde les analyses, environ 27 000 personnes par jour font la navette entre Québec et Lévis. En de comparaison, le pont Champlain compte environ 160 000 déplacements. Ça revient donc cinq ou six fois moins cher par déplacement», selon Etienne Grandmont, directeur général, Accès transports viables. (Photo: courtoisie)

INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETSLe futur « troisième lien » de Québec a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Cependant, l’ensemble du futur Réseau express de la Capitale (REC) et ce qu’il implique en matière d’infrastructure — surtout à court terme — reste encore assez flou.

Le REC, projet de mobilité régionale présenté par le gouvernement du Québec en mai dernier, se chiffre actuellement à plus de 10 milliards de dollars (G$). Il prévoit quatre grands composants : la construction d’un tunnel de 8,3 km entre Québec et Lévis — souvent nommé troisième lien —, l’interconnexion des réseaux de transport des deux rives du Saint-Laurent, la desserte par voies réservées des banlieues nord de la capitale et l’aménagement d’un tramway au cœur de celle-ci.

Des projets « opposés dans leur philosophie », estime Jean Mercier, professeur associé au Département de science politique de l’Université Laval. « Le tramway vise à augmenter l’utilisation du transport en commun. Le troisième lien et la desserte par voies réservées des banlieues nord vont faire en sorte que la voiture continuera de dominer », explique le spécialiste des transports en commun, qui a récemment coécrit le livre « Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec ? »

Etienne Grandmont, directeur général d’Accès transport viables, est du même avis à propos des voies qui seront réservées aux autobus, mais aussi au covoiturage et aux voitures électriques. « Il suffit d’être deux dans une auto pour être considéré comme du covoiturage, donc je ne vois pas comment ça peut favoriser le transport en commun », fait valoir le dirigeant de cet organisme sans but lucratif qui défend les droits des utilisateurs du transport collectif et actif des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches.

Le professeur Gérard Beaudet, de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, croit lui aussi que le troisième lien risque de favoriser l’automobile. « Il s’agit d’un tunnel autoroutier, dont deux tiers des voies sont réservés aux voitures. On n’enlève pas d’espaces pour les automobiles, on en ajoute ! On nous parle de transports collectifs, mais c’est faux ! » lance-t-il. À son avis, ce tunnel va augmenter l’étalement urbain vers la rive sud et la région de Montmagny.

 

Plusieurs entreprises et citoyens s’impatientent

À l’inverse, plusieurs entreprises et citoyens à Lévis ont hâte de pouvoir traverser ce tunnel, « attendu depuis plus de 50 ans », selon la Chambre de commerce de Lévis.

Dès l’annonce du projet, la Chambre a fait appel à ses membres pour confirmer l’engouement autour du projet. « En deux ou trois jours, on a obtenu l’appui de près de 170 entreprises », se souvient Marie-Josée Morency, sa vice-présidente exécutive et directrice générale. En juin dernier, un sondage Léger a prouvé cette tendance en affirmant que 84 % des 751 entreprises lévisiennes interrogées étaient en faveur du tunnel.

Selon Marie-Josée Morency, le troisième lien « est un projet ambitieux et très rassembleur » qui permettra une meilleure mobilité sur la rive sud de Québec, augmentera l’attractivité de Lévis ainsi que la rétention de la main-d’œuvre locale. « Les deux ponts sont souvent congestionnés et le traversier ne fonctionne qu’aux heures, souligne-t-elle. Cet été, quand le pont Pierre-Laporte a fermé, certains employeurs faisaient venir leurs employés par hélicoptère ! D’autres payaient des chambres d’hôtel. Toutes les entreprises ne peuvent pas se permettre de tels frais. »

Quant à la population de la région de Québec, elle semble en faveur du REC dans son ensemble, si l’on se fie à un sondage Léger effectué cet été. En août, 70 % des 2 000 répondants se sont dits favorables au REC, contre 53 % en mai.

 

Une vision à long terme

Dans tous les cas, le projet demeure assez lointain. Le premier ministre François Legault a prévu une première pelletée en 2022 du côté de Lévis, et l’ouvrage — qui devrait coûter entre 6 G$ et 10 G$ — ne devrait être terminé qu’en 2031.

Le tramway, qui doit s’étendre sur 19,3 km entre Cap-Rouge et le secteur D’Estimauville, coûterait quant à lui près de 3,37 G$. Les travaux devraient commencer en 2023, et la mise en service est prévue pour la fin de l’été 2028. Ce projet a d’ailleurs été salué par plusieurs spécialistes, qui attendent un tel mode de transport depuis des décennies. Le tramway pourrait en effet faire passer de 10 % à 25 % le pourcentage de déplacements en transports en commun dans les prochaines années, calcule le professeur Jean Mercier.

Finalement, aucun échéancier n’a été communiqué concernant les 100 km de voies réservées ni l’interconnexion des réseaux de transport des deux rives du fleuve.