Pas seulement le bitcoin, les cryptoactifs sont incontournables
François Remy|Publié le 11 octobre 2021L’écosystème des actifs digitaux se montre incroyablement vaste. (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
C’est la Bank of America qui le dit. La deuxième plus grande banque des États-Unis, en termes de dépôts et de capitalisation de marché, livre un fervent plaidoyer à l’égard des monnaies numériques et autres actifs cryptographiques.
L’écosystème des actifs numériques a attiré une attention considérable et, par-là, soutenu l’accélération des investissements. Une adoption accrue et les nouvelles applications de la blockchain telles que la DeFi (finance décentralisée) et les NFT (tokens non fongibles) alimentent la croissance du marché. Le principal risque planant autour de ces développements restant la réglementation, susceptible d’affecter chaque partie de l’écosystème.
Voilà en substance ce qu’expliquent Alkesh Shah, stratégiste Actifs cryptos et numériques, et son collègue Andrew Moss, stratégiste Recherche mondiale, de la Bank of America (BofA pour les habitués) dans leur première note de couverture des actifs digitaux.
Nouvel univers technologique
C’est que l’univers du bitcoin, des altcoins et des innovations technologiques qui y sont nés a atteint une masse critique qu’on ne peut raisonnablement plus laisser de côté. Face au constat des plus de 2000 milliards de dollars de market cap et plus de 200 millions d’utilisateurs, les stratégistes de BofA assument même l’idée que «les actifs numériques basés sur la crypto pourraient constituer une classe d’actifs entièrement nouvelle.»
Au sein de cet univers technologique, le bitcoin, la cryptomonnaie originelle, y occupe naturellement une place importante, pour ne pas dire centrale, mais l’écosystème des actifs digitaux se montre incroyablement vaste, insiste-t-on à la BofA.
«Des tokens agissent comme des systèmes d’exploitation informatiques, des applications décentralisées (DApps) fonctionnent sans intermédiaires, des stablecoins [corrigent la volatilité grâce à leur lien avec] des monnaie fiduciaires, les monnaies numériques des banques centrales (MNBC) vont remplacer les devises nationales, et les NFT, [sortes de certificat numérique d’authenticité intégré d’un actif] permettent de connecter entre eux les créateurs et les fans», énumèrent les stratégistes du géant bancaire américain.
Conséquence de ces développements technos soutenus, les actifs numériques et les technologies de la chaîne de bloc ont attiré les investissements en capital-risque: plus de 17 milliards $US au premier semestre 2021, dépassant significativement les 5,5 G$US de l’année dernière.
Bienvenue dans la «tokenomie»
«Cela crée une nouvelle génération d’entreprises pour le commerce des actifs et offres numériques, mais aussi de nouvelles applications à travers l’ensemble des industries, la finance, ainsi que les chaînes d’approvisionnement, les jeux vidéo et les médias sociaux», épinglent Alkesh Shah et Andrew Moss. Citons la blockchain Ethereum, la plateforme décentralisée aux smart contracts (contrats intelligents dont l’exécution est programmée), qui permet la création de centaines d’applications qui transforment notre façon de considérer l’assurance, le droit, l’immobilier et bien d’autres industries.
«Les actifs numériques qui permettent de créer des applications, comme l’a fait l’iPhone d’Apple avec son App Store, sont ceux qui prennent le plus de valeur. Notre point de vue est qu’il pourrait y avoir plus d’opportunités que les sceptiques ne le pensent. Dans un avenir proche, vous pourrez utiliser la technologie de la blockchain pour déverrouiller votre téléphone, acheter une action, une maison ou un appartement, une fraction d’une Ferrari; recevoir un dividende, emprunter, prêter ou épargner de l’argent, ou même payer de l’essence ou une pizza», soulignent les stratégistes de Bank of America.
Autre exemple chiffré pour mesurer l’ampleur du phénomène, les ventes de NFT ont atteint plus de 3 milliards $US rien que sur le mois d’août. Alors que les opérations sur l’ensemble de l’année 2020 avaient généré 250 millions $US.
La réglementation, frein et accélérateur
Cette montée en popularité des cryptoactifs se traduit par une augmentation de la pression exercée sur les institutions financières afin que celles-ci en facilitent les opérations transactionnelles, notamment par les plateformes de courtage à escompte.
«L’approche réactive de certaines grandes banques américaines sert notamment à éviter l’exode de capitaux vers les plateformes d’échanges spécialisées dans les cryptoactifs. Il est raisonnable d’anticiper une tendance similaire au Canada prochainement», a assumé l’Autorité des marchés financiers québécoise dans son rapport annuel 2020 sur les institutions financières.
Forcément, le fait qu’on ne puisse plus ignorer l’univers du bitcoin pousse les autorités à réagir. Certains gouvernements, comme ceux de la Chine et de l’Inde, ont interdit le commerce de cryptomonnaies.
Les gouvernements du monde entier travaillent, bon an, mal an, à l’élaboration d’un environnement réglementaire. Car comme l’a récemment déclaré le gendarme boursier américain, la SEC, l’avenir de l’industrie des actifs numériques se trouve «dans le cadre des politiques publiques».
«L’incertitude réglementaire est le plus grand risque à court terme à notre avis, mais la réglementation peut conduire à une plus grande participation des investisseurs sur le long terme, une fois que les “codes de conduire” pour les actifs numériques seront établis», ponctuent les analystes cryptos de Bank of America.