PDG de l’année 2023 – Coup de coeur du jury | Marilyne Vallières
Catherine Charron|Édition de la mi‑novembre 2023La clé pour que les employés fassent leur la mission et la vision de l’organisation, c’est de faire preuve de transparence, croit Marilyne Vallières. (Photo: Martin Flamand)
LES PDG DE L’ANNÉE 2023. En bordure de la 335, à Sainte-Anne-des-Plaines, dans les Basses-Laurentides, se trouve un petit terrain commercial qui ne paie pas de mine à première vue. Dans la cour, on peut apercevoir près d’une vingtaine de camionnettes — en voie de toutes devenir électriques—, quelques centaines de panneaux de signalisation routière et des piles de cônes orange pêle-mêle.
« Ça ne devrait pas être aussi entassé, mais on manque de place», explique tout bonnement la présidente de Signalisation de ville, Marilyne Vallières.
Avant qu’elle et son conjoint, Jimmy Girard, ne fondent l’entreprise il y a près de dix ans maintenant, celle qui avait la trentaine à l’époque n’avait jamais porté attention plus qu’il ne le fallait à ces travailleurs de l’ombre qui, jour et nuit, s’assurent que les chantiers vont bon train.
Depuis, la CPA de formation a porté tour à tour presque tous les chapeaux dans l’entreprise, ne craignant pas de mettre la main à la pâte pour satisfaire ses clients. Lors d’un de leurs tout premiers contrats, elle s’est même brisé un doigt en tentant de piquer au sol un panneau à l’aide d’une masse. Cela ne l’a toutefois pas empêchée de «terminer son « shift »», raconte-t-elle bien des années plus tard, n’ayant pas de bras supplémentaires pour honorer son engagement.
Ainsi, aujourd’hui, la dirigeante «ne lésine pas» sur la santé et la sécurité de ses employés qui se trouvent sur le terrain, tendant constamment l’oreille afin d’adapter ses processus. Marilyne Vallières rapporte même fièrement que l’entreprise a connu peu d’accidents graves au fil des ans. Pourtant, entre 2017 et 2022, le nombre de lésions professionnelles subies par les signaleurs routiers est en hausse de 257%, d’après la CNESST.
«Notre superviseur des signaleurs passe de chantier en chantier pour s’assurer qu’ils sont corrects, que leur sécurité est assurée. Lorsqu’ils sont sur le terrain, c’est l’entrepreneur général qui doit y veiller, mais ça demeure nos employés», souligne la patronne.
Un de ses vétérans, qui frôle les 70 ans, parcourt même les routes où sont déployés ses travailleurs, rafraîchissements en main, pour éviter que les membres de son équipe n’aient pas de coups de chaleur.
L’entreprise, dont le slogan est «L’humain sans détour», fait même signer un «contrat» à chaque employé avant qu’ils n’aillent sur la route, en gage du sérieux avec lequel il respectera les consignes de sécurité.
«Ça les rend imputables», explique la patronne.
Ça contribue aussi à ce que les employés d’expérience nouvellement embauchés y adhèrent plus rapidement, eux qui sont parfois habitués à des consignes moins sévères, observe Marilyne Vallières. «Il faut répéter, répéter, mais aussi les former», estime la présidente.
La clé pour que les employés fassent leur la mission et la vision de l’organisation, c’est de faire preuve de transparence, croit-elle. Idem pour les motiver à offrir un service hors pair : «J’aime leur expliquer les raisons pour lesquelles je demande certaines choses. Ça les motive à exécuter le travail dans le temps nécessaire, à être réactifs.»
La crédibilité que la dirigeante et ses cadres supérieurs cultivent pèse aussi lourd dans la balance. «Si je n’avais pas l’expérience terrain, ça ne passerait pas aussi bien. Les gens s’associent aux personnes qui pourraient faire leur job.»
Reconnaissance et croissance
Lorsqu’elle circule entre les différentes unités de son centre de production, Marilyne Vallières s’illumine. «Chaque jour, j’essaie d’aller voir tous les employés pour les saluer, qu’ils soient dans le garage ou dans les bureaux. Il n’y a pas de salariés plus importants que d’autres.»
Elle connaît d’ailleurs le nom de ses 225 employés, et s’assure de les remercier pour tout le travail qu’ils accomplissent, chose que la distance rend parfois plus difficile à faire aussi fréquemment qu’avant.
De cette reconnaissance, la CPA en a cruellement manqué dans ses précédentes expériences sur le marché du travail.
À tout moment, dans l’année, elle organise des activités, fait venir des «food trucks» pour les remercier après de longues journées, l’été, ou organise des «jeudis fous» pour tenter d’égayer les mois de novembre un peu gris. Des vestiges du concours de costumes d’Halloween trônent d’ailleurs encore dans la salle à manger.
«On veut offrir un emploi, un environnement de travail qu’on n’a jamais réussi à trouver ailleurs. Et si on peut y arriver, c’est parce qu’on a eu une belle croissance», d’après la dirigeante.
Le bazar qui jonche le sol — signe que l’entreprise a dépassé la capacité de son espace de travail et qu’elle s’apprête à le quitter — témoigne de la prudence avec laquelle la dirigeante mène Signalisation de ville, ne lui faisant pas prendre une bouchée qu’elle n’est pas en mesure d’avaler.
«On accepte l’ouvrage qu’on est capable d’accomplir, quitte à en refuser, pour être certain de ne pas brûler notre monde et de satisfaire nos clients. Un contrat mal fait peut avoir d’importantes conséquences», rappelle-t-elle.
Après avoir enregistré des taux de croissance de 200% à ses débuts, le chiffre d’affaires de l’entreprise grimpe dorénavant de 1 à 2 millions de dollars annuellement. Patiente et disciplinée, la CPA s’assure que l’organisation optimise l’espace et les ressources dont elle dispose déjà avant d’augmenter ses dépenses.
Et si les employés adhèrent à cette vision, d’après elle, quitte à être entassés dans un espace exigu en attendant un plus grand bureau, c’est parce qu’ils éprouvent un grand sentiment d’appartenance à l’organisation.
«Une signaleuse, qui ne vient pourtant jamais au bureau, m’a dit qu’elle était heureuse de revenir dans la grande famille SDV à son retour après une longue absence», rapporte la dirigeante, ravie.
Une ambition calculée
Pour célébrer les dix ans de l’organisation, Signalisation de ville s’apprête à plier bagages et à les déposer à Terrebonne, en bordure d’autoroute et non plus d’une route toujours plus congestionnée. Fruit de longues réflexions des dirigeants, cette nouvelle étape arrive à point.
En plus de tripler ses pieds carrés, l’entreprise rapprochera son équipe de la Rive-Nord à celle de la Rive-Sud, acquise en 2022 à la suite de la fusion avec Signalisation STP. L’opération se déroule bien, se réjouit Maryline Vallières, malgré les apparentes différences de culture organisationnelle.
«Notre objectif, c’était de rendre leur quotidien plus simple. On est super humains, et on leur a démontré qu’on a déjà “fait la job”. Grâce à ça, le message passe bien, estime-t-elle, les gens embarquent avec nous et croient en notre façon d’être.»
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