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Phosphen et les vertus de la thérapie virtuelle

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑mai 2023

Phosphen et les vertus de la thérapie virtuelle

Le réalisateur et cofondateur de l’entreprise, Jean-François Ethier (Photo: courtoisie)

MARCHÉ DES AÎNÉS. L’entreprise montréalaise Phosphen développe un catalogue d’expériences immersives incluant un volet thérapeutique qui s’adresse aux aînés. Parmi les expériences en cours de production, le réalisateur et cofondateur de l’entreprise, Jean-François Ethier, a imaginé un concept d’immersion «collective» qui favorise la socialisation. Portrait d’une jeune entreprise innovante et créative, qui navigue entre l’art et la thérapie.

Fondée à la fin de l’année 2022, Phosphen est le nouveau vaisseau amiral d’un projet de réalité virtuelle (RV) pour aînés amorcé en 2019, tout juste avant la pandémie. À l’époque, Jean-François Ethier et son équipe avaient commencé à tester des contenus de réalité virtuelle auprès d’une clientèle d’un CHSLD à Montréal, tout en collaborant avec l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal pour développer un protocole thérapeutique de réalité virtuelle pour des gens atteints de maladie dégénérative.

«Les études montrent que la réalité virtuelle peut apaiser les symptômes d’apathie, d’angoisse et de dépression des patients atteints de maladies dégénératives comme l’Alzheimer ou le Parkinson, lorsque les expériences immersives sont utilisées dans un contexte de stimulation sensorielle et de réminiscence», explique le réalisateur de RV.

L’idée est d’exposer l’utilisateur à des contenus évoquant de «bons souvenirs». Par exemple, présenter une balade immersive sur le mont Royal à un aîné qui a vécu toute sa vie près de la montagne. Le projet de l’époque — intitulé Monarq Lab — a été interrompu pour des raisons sanitaires, alors que, paradoxalement, c’est peut-être à ce moment que la population du troisième âge en aurait eu le plus besoin.

 

Nouvel élan

Trois ans plus tard, voici que le projet est de nouveau sur les rails à l’intérieur de l’entreprise de production de contenus de réalité virtuelle Phosphen, qui a choisi d’intégrer un volet thérapeutique à son offre de services. «Nous sommes en discussion avec Vigi Santé pour déployer une offre d’expériences immersives dans leur réseau de CHSLD», explique le réalisateur Jean-François Ethier.

À ce jour, l’entreprise montréalaise compte à son catalogue une vingtaine d’expériences de réalité virtuelle en tout genre, incluant des expériences immersives produites pour le Théâtre du Nouveau Monde et l’Orchestre symphonique de Montréal. De plus, elle produit des contenus spécifiquement adaptés aux aînés sous la gouverne du directeur artistique et technologique Dominic St-Amant, aussi cofondateur de Phosphen. «Une de nos expériences est une sortie de chasse en forêt, car on sait que c’est une activité partagée par plusieurs aînés de cette génération et que c’est associé à de bons souvenirs», explique-t-il. Le ton et le style des productions devront aussi être adaptés à

une population d’aînés. «On ne veut pas les déstabiliser en leur montrant des contenus qui donnent le vertige ou qui bougent trop rapidement.»

Le but du projet thérapeutique de Phosphen est de créer une programmation qui sera personnalisée pour chaque dossier patient. «Les casques seront mis à jour à distance, pour télécharger les bons contenus selon l’horaire de visionnement et l’état de santé des patients, dit Jean-François Ethier. L’accompagnement sera fait sur place, avec une personne responsable spécialisée en art-thérapie.»

 

Une dimension «collective»

Jean-François Ethier et son équipe ont aussi imaginé un concept d’immersive collective qui offre une dimension de socialisation à l’expérience. «Nous développons un prototype de salle immersive dans laquelle, au lieu d’utiliser un casque de RV, l’expérience est projetée sur le plancher et les quatre murs, explique le cofondateur. Les personnes qui assistent à la projection ne verront pas toutes la même chose au même moment, tout dépend de la direction où elles regardent. Elles pourront ainsi partager leur expérience avec les autres résidents.» Les CHSLD sont emballés par cette idée, dit-il, car ils veulent créer des centres numériques de stimulations cognitives.

Catherine Gilbert, art-thérapeute au CHSLD Vigi Mont-Royal, est en discussion avec Phosphen pour planifier des expériences immersives dans son établissement. «Nous avons plusieurs résidents originaires d’un même pays. Des immersions collectives nous donneraient la possibilité de générer des conversations et des échanges autour de contenus en lien avec leur appartenance culturelle. Ça permettrait de créer des contenus utiles pour plus qu’une personne, tout en ayant un effet rassembleur», explique l’art-thérapeute.

Phosphen a déployé un «dôme d’immersion» à l’occasion d’un événement portant sur «l’innovation en santé» organisé par Desjardins, en juin. Le but est de démontrer le potentiel de ce genre d’expériences collectives dans un contexte de thérapeutique virtuelle à un public de professionnels de la santé.