MAUDITE JOB! Vos interrogations. Les solutions d’Olivier Schmouker.
Q. « Mon patron est sur le dos de tout le monde : il nous dit comment rédiger un courriel, exige d’être toujours en c. c., envoie même des alertes pour nous rappeler certaines tâches. On n’est plus capables. Au secours ! » – Valérie
R. – Chère Valérie, courage ! Votre patron ne réalise pas qu’à vouloir tout contrôler il nuit plus qu’autre chose à ceux qui l’entourent. Des études montrent que d’être victime de micromanagement « déresponsabilise », « démotive » et « mène à l’échec ». D’où l’intérêt de l’amener subtilement à changer d’attitude, en s’inspirant des travaux de Wendy Grolnick, professeure de psychologie à l’Université Clark de Worcester (États-Unis) :
> Atténuez son sentiment d’insécurité. Par exemple, de vous-même, multipliez les rencontres avec lui pour le tenir informé de vos faits et gestes, jusqu’au jour où il vous fera comprendre que c’est assez, qu’il n’a pas besoin de savoir tout ça.
g Prouvez-lui votre compétence. Par exemple, soulignez-lui à répétition chacun de vos bons coups, aussi petits soient-ils, jusqu’au jour où il vous dira que ça va, qu’il sait que vous travaillez bien.
g Ajustez son centre d’attention. Par exemple, chaque fois qu’il vous rappelle une échéance, remerciez-le en lui confirmant que tout est OK à ce sujet et en lui demandant ses lumières sur un autre point qui, lui, nécessite vraiment son aide.
Croyez-moi, si toute l’équipe agit ainsi, il va vite changer…
Narcisse et nous autres
Q. – J’ai un collègue qui n’en fait pas une et qui s’attribue tout le mérite des succès de l’équipe. Les patrons l’adorent. Comment faire passer le message à la direction sans que ce soit perçu comme de la jalousie ou une vendetta ? » – Isabelle
R. – Chère Isabelle, vous vivez, comme nous tous, un paradoxe : le travail se fait en équipe et les récompenses sont individuelles. Autrement dit, il nous faut collaborer pour réussir, tout en poursuivant un intérêt purement personnel, pour ne pas dire égoïste. Ce qui favorise malheureusement l’émergence de narcissiques au bureau.
Pour contrer cette dynamique négative, vous et vos plus proches collègues devez agir de manière concertée auprès du principal intéressé ainsi que de votre gestionnaire.
– Le narcissique. Les personnalités narcissiques sont centrées sur elles-mêmes, exagèrent leur performance et manquent d’empathie. L’idée est donc d’intervenir à répétition sur chacun de ces trois points. Par exemple, rencontrez-le à plusieurs pour lui dire que tel bon coup a été le fruit du travail de toute l’équipe, pas d’un seul individu, et que chacun de vous est blessé du fait que ce n’est pas reconnu comme tel par les patrons ; les narcissiques ont du mal à décrypter les émotions des autres, il faut les leur expliciter pour qu’ils puissent les comprendre, et y réfléchir par la suite. Idem, rédigez les ordres du jour des réunions de telle sorte que chacun soit obligé de présenter sa contribution réelle au projet commun en cours ; cela le forcera à mettre l’épaule à la roue (ou à paraître sous son vrai jour).
– Le gestionnaire. Vous et vos plus proches collègues, invitez-le à prendre un café. Expliquez-lui que vous avez la conviction que l’équipe ne donne pas son 110 %, faute de cohésion. Proposez-lui de fonctionner autrement sur un projet spécial : non plus en équipe, mais en escouade – comme cela se fait chez Spotify. La nuance, c’est que l’objectif commun est subdivisé en miniobjectifs individuels. Chacun est alors chargé d’atteindre son objectif personnel et de venir en aide à un collègue en difficulté. Point important : si récompense il y a, celle-ci ne doit pas être individuelle, mais collective.
Isabelle, votre narcissique sera déstabilisé de tout ça, et c’est tant mieux. Soit il partira à toutes jambes, soit – idéalement – il changera. Dans tous les cas de figure, votre quotidien au travail en sera amélioré.
En passant, le philosophe français Louis Lavelle a écrit dans L’Erreur de Narcisse : « Le plus grand bien que nous faisons aux autres personnes n’est pas de leur communiquer notre richesse, mais de leur révéler la leur. »