Travail hybride ou 100% virtuel: comprendre l’impact sur les RH
Philippe Jean Poirier|Publié le 14 Décembre 2020Julie Tardif, CRHA, cofondatrice du cabinet-conseil en ressources humaines Iceberg Management (Photo: courtoisie)
ORGANISATION DU TRAVAIL. Plusieurs organisations doivent actuellement se positionner entre un retour au bureau progressif – dans le respect des mesures sanitaires – et la poursuite du travail à distance. Ces deux modes d’organisation du travail présentent des avantages et des inconvénients, à la fois pour les gestionnaires et les employés.
Une façon de rendre le modèle hybride – certains jours à la maison et les autres au bureau – avantageux pour l’employeur est de mettre en place un système de bureaux partagés, afin de diminuer ses besoins d’espace. Mais « est-ce que les employés accepteront de renoncer à leur bureau personnel, rempli de photos de famille ? », se demande Martin Delage, le gestionnaire responsable d’élaborer la nouvelle politique de télétravail au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval.
« Ça pose aussi un enjeu d’équité, poursuit-il. Dans le contexte hospitalier, on risque de se retrouver avec deux classes d’employés : ceux qui ont la chance de travailler de la maison et ceux qui doivent venir au bureau, parce que leurs tâches ne peuvent être accomplies à distance. »
Bien que séduisant, le modèle hybride comporte en effet des défis inédits. « Comment ces entreprises s’y prendront-elles pour tenir une rencontre de six personnes, si deux d’entre elles sont à la maison ? » demande Katie Bussières, présidente de Nubik, une firme informatique travaillant de manière 100 % virtuelle. Elle doute également des chances de succès d’une politique de télétravail qui donnerait carte blanche à l’employé de venir ou non au bureau. « Comment bâtit-on une culture d’entreprise si certains employés décident de toujours rester à la maison ? »
Julie Tardif, CRHA, cofondatrice du cabinet-conseil en ressources humaines Iceberg Management, rappelle qu’une salle de téléconférence bien équipée permet à des collègues à distance et au bureau de mener une conversation fluide. La politique de télétravail doit cependant énoncer des balises claires. « Les employés ont-ils des heures de présence obligatoire ? Sont-ils libres de faire leur horaire, sans nuire aux opérations ? », illustre-t-elle.
L’employeur conserve son droit de gestion, rappelle la consultante. Il peut donc forcer la présence au bureau pour certains types de rencontres.
Loin des yeux, loin du cœur ?
Les entreprises aux méthodes 100 % virtuelles ont elles aussi leurs défis à relever. Les plus consciencieuses aideront leurs employés à rendre leur environnement de télétravail ergonomique en leur accordant un budget discrétionnaire ou en leur fournissant des équipements adaptés.
Bâtir un sentiment d’appartenance et une réelle culture organisationnelle peut aussi demander plus d’effort à distance. « Ces entreprises doivent mettre en place des mécanismes de communication constante, qui imposent des rendez-vous incontournables », conseille Caroline Thomson, CRHA, consultante en ressources humaines chez Iceberg Management. Le choix des outils technologiques est varié : une application collaborative de gestion de tâches, une application de messagerie instantanée ou encore un forum de discussions.
L’équipe des ressources humaines (RH) doit pour sa part réfléchir à la manière d’interagir avec les employés. « À distance, on ne retrouve pas le même effet “porte ouverte” que dans une entreprise physique, note Julie Tardif. Les employés sont moins enclins à poser leurs questions spontanément. » Les responsables RH doit être plus proactive en matière de communication et de soutien professionnel – mais aussi personnel.
Comment trancher
Avant de statuer sur l’organisation du travail à adopter, une entreprise doit prendre en considération plusieurs facteurs. Les dirigeants doivent bien sûr écouter leurs employés. Ils doivent aussi respecter l’ADN de leur entreprise. « C’est à la direction de donner une vision et des objectifs clairs pour l’entreprise, puis de se donner les moyens de les atteindre », rappelle Julie Tardif.
Ultimement, l’entreprise doit réfléchir à la meilleure manière de desservir ses clients et mener ses opérations. « On ne doit pas se buter à des enjeux technologiques qui peuvent être facilement résolus en 2021, prévient la consultante. Il ne faudrait pas qu’une entreprise s’empêche de faire du travail hybride ou virtuel parce qu’elle ne parvient pas à donner un VPN [réseau privé virtuel] à tout le monde. »
Les dirigeants doivent aussi s’attendre à faire quelques essais-erreurs avant de trouver la formule gagnante pour leur entreprise et leurs employés. « Les employeurs n’auront pas toutes les réponses en 2021, prévient la cofondatrice d’Iceberg Management. Il y aura encore des changements à faire en 2022. Les entreprises feront des projets-pilotes, puis des post-mortems et ils verront ce qui fonctionne le mieux. » Inutile, donc, de se mettre en quête d’un modèle définitif.