Sarah Jodoin-Houle, fondatrice de La Talenterie (Photo: courtoisie)
PÉNURIE DE TALENTS. Dans le domaine de la consultation, la compétition est féroce. Pour alléger cette pression, La Talenterie, cabinet boutique qui accompagne les organisations désirant se positionner comme des employeurs de choix, mise entre autres sur le bien-être numérique et le droit à la déconnexion. Une façon de se démarquer et d’attirer les meilleurs, dans un contexte de pénurie.
Quand elle a lancé La Talenterie, en 2020, Sarah Jodoin-Houle voulait à la fois proposer des solutions créatives à ses clients, tout en préservant le bien-être de ses équipes. « Dans notre industrie, le stress est élevé. Souvent, on travaille le soir et on se sent obligé de répondre aux clients dans les 24 heures. Comme c’est un travail qui demande beaucoup d’investissement cognitif, c’était important pour moi de protéger la santé de mon équipe. »
Si la firme a toujours misé sur une grande flexibilité pour son équipe, composée d’une douzaine de travailleurs à temps plein et à temps partiel ainsi que de collaborateurs à la pige, un aspect était resté dans l’angle mort : le droit à la déconnexion. « Sarah et moi, on était sur Messenger 7 jours sur 7, à s’envoyer des textos même en soirée, explique Jimmy Côté, associé et expert-conseil. On savait qu’on ne pouvait pas demander une telle disponibilité à nos employés, mais il nous arrivait quand même d’envoyer des messages dans nos groupes, en leur disant qu’ils n’avaient pas besoin de répondre tout de suite. »
Or, cela ne suffit pas, souligne Laurie Michel, cofondatrice de Vivala, firme spécialisée en bien-être numérique qui a accompagné La Talenterie dans sa démarche. « Quand on reçoit une communication en dehors des heures de travail, on se demande automatiquement s’il y a une urgence. Cela peut générer de la télépression, soit le besoin d’ouvrir le message sur-le-champ, du stress et de l’anxiété. » En discutant avec les membres de l’équipe, les dirigeants de la La Talenterie ont réalisé que les employés se sentaient obligés d’être sans cesse sur le qui-vive pour ne rien manquer.
Simplifier les communications
Pour tracer la ligne entre vie privée et professionnelle, les deux dirigeants ont d’abord fait le grand ménage de leurs plates-formes, explique Sarah Jodoin-Houle. « On a tout centralisé sur Teams et ce, même si notre ancien logiciel de gestion de projet était plus performant. » Ainsi, fini les notifications sur Messenger qui interfèrent sur la vie personnelle. De plus, chacun est libre de se connecter quand il travaille, mais aussi de fermer boutique à la fin de la journée.
Les membres de l’équipe ont aussi défini ce qu’est une urgence et mis en place une stratégie de communication pour y faire face. « Cette discussion a permis de clarifier les attentes, ajoute Jimmy Côté. Depuis, les gens se sentent légitimes de ne pas répondre immédiatement à toutes les demandes. » Même les clients sont avisés, dès la prise de leur premier rendez-vous que La Talenterie mise sur l’équilibre travail-vie. « C’est même inscrit dans nos offres de services que les dynamiques de type “toujours dans l’urgence” ne fonctionnent pas avec nous. Il nous est même arrivé de refuser des contrats, ou plutôt de suggérer de les reporter, pour éviter de surcharger nos employés », précise la fondatrice.
Résultat ? Un rythme de travail apprécié par l’équipe. « On a toujours pensé que c’était nos bonnes conditions de travail, nos contrats intéressants qui faisaient une différence dans la fidélisation de nos employés, souligne Jimmy Côté. Mais nous avons réalisé que, pour plusieurs, le droit à la déconnexion jouait aussi un rôle important dans la balance. »
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Trois conseils pour amorcer le virage vers la déconnexion
1. Sensibiliser ses équipes
Près de 70 % de la population souffrirait de nomophobie, c’est-à-dire de la peur de se séparer de son téléphone cellulaire, cite Laurie Michel. Pas étonnant qu’il soit parfois difficile de convaincre ses équipes de s’offrir des pauses. Or, la surexposition aux écrans apporte des problèmes de concentration, de sommeil et même de l’épuisement. « La première étape, c’est vraiment de rassembler tout le monde, de les former, de les sensibiliser à ces impacts », indique-t-elle. Cela permet non seulement d’ouvrir le dialogue à ce sujet, mais aussi de s’outiller pour améliorer le bien-être numérique au sein de son entreprise.
2. Montrer l’exemple
Le plus difficile pour Jimmy Côté et Sarah Jodoin-Houle ? Réfréner leur envie de communiquer en dehors des heures de travail, alors que leurs horaires sont plutôt atypiques. Or, les gestionnaires doivent montrer l’exemple, sans quoi, les travailleurs risquent de conclure qu’il s’agit de paroles en l’air, notent-ils. « Les gestionnaires sont souvent les plus à risque d’hyperconnexion, d’où l’importance de les outiller aussi », ajoute Laurie Michel.
3. Clarifier ses intentions
Qui contacter pendant qu’un travailleur est en vacances ? Y’a-t-il un horaire pour communiquer avec les autres ? Comment gérer les demandes urgentes ? Quelles plates-formes utiliser et dans quelles circonstances ? Pour améliorer le bien-être numérique, Laurie Michel suggère d’établir des règles de communication à l’interne. « C’est impératif d’avoir une procédure d’urgence pour que les équipes puissent lâcher prise », ajoute-t-elle. Et il est possible de faire de même avec ses clients.