Âgée de 96 ans, la dessinatrice à la retraite mise sur les titres à dividende. (Photo: courtoisie)
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(Illustration: Camille Charbonneau)
«Ma tante Gisèle a toujours été une femme à ses affaires, économe, oui, mais très généreuse: on se disputait pour régler les additions au restaurant», se remémore son neveu, Me Guy Gélinas, notaire à la retraite qui est depuis près de 10 ans son mandataire, c’est-à-dire sa personne de confiance qui prend les décisions pour elle depuis qu’elle est inapte à le faire.
Après avoir fait des études à l’Académie des beaux-arts de Québec, Gisèle Gélinas s’est installée dans la capitale nationale. Elle y a trouvé un emploi à Bell Canada, où elle a passé le plus clair de sa vie professionnelle comme dessinatrice. C’est là qu’elle a adhéré au régime d’options d’achat d’actions des employés et que va naître son intérêt pour l’investissement et les valeurs mobilières. «Elle m’a souvent dit à quel point elle était heureuse d’avoir fait ce choix.»
Son neveu se souvient d’une femme vive d’esprit, qui a pleinement profité de la vie et beaucoup voyagé. « Elle a toujours été frondeuse et débrouillarde. Elle a visité l’Alaska, l’Europe, Israël et même la Chine. C’était peu commun pour l’époque. » Avant la maladie, sa tante était une personne très curieuse, qui aimait apprendre et continuait à suivre de près l’actualité. «Elle lisait les journaux quotidiennement. C’était une autodidacte et elle prenait plaisir à gérer ses placements et, surtout, à collecter ses dividendes. Même à 80 ans passés, elle suivait encore ses actions sur son ordinateur.»
Prévoyante, elle avait pris soin de désigner sa personne de confiance, son neveu du côté paternel, et de faire préparer un mandat de protection auprès d’un notaire indépendant. «La procuration notariée précise comment je dois prendre soin d’elle; elle me prodigue les pleins pouvoirs sur ses biens. Je prends des décisions dans son intérêt en tenant compte de ses volontés et de ses préférences», explique Guy Gélinas. Il recommande aux gens de réfléchir à cette avenue avant que les problèmes ne surgissent, qu’ils soient physiques ou mentaux. «Il faut penser à cette personne de confiance, à ce mandat d’inaptitude et à la personne qui prendra soin de nous et de nos biens.»
Dès qu’il amorce son rôle de mandataire, il observe que le portefeuille de sa tante est très concentré. «Elle aimait clairement les dividendes, mais ses placements se résumaient à une poignée de titres.» Il va alors diversifier ses positions, tout en restant fidèle au style de la gestionnaire première. C’est-à-dire une stratégie axée sur les titres vedettes («Blue Chips»), qui sont plutôt stables et versent de bons dividendes. «Ma tante m’avait raconté qu’elle s’était brûlé les doigts en investissant dans Nortel et j’ai cru que davantage de diversification serait à-propos.»
Actuellement, le CELI de Gisèle Gélinas, 96 ans, compte 12 titres, en majorité des positions qui génèrent un rendement de dividende d’au moins 4%. «Je considère ses positions conservatrices. Avec sa caisse de retraite et ses prestations publiques, ma tante a bien davantage de revenus que de dépenses.» S’ajoutent à cela des placements qui lui procurent un revenu additionnel que le mandataire estime entre 5000$ et 6000$ par année.
Dans l’œil d’un pro
«Je salue la clairvoyance de cette dame bien préparée et qui a adopté tôt dans sa vie professionnelle de bonnes habitudes d’épargne et d’investissement», affirme Sylvain Tremblay, vice-président de Gestion privée à Optimum Gestion de placements. Il rappelle d’ailleurs l’importance pour les conseillers financiers de bien connaître leurs clients, leur famille et les personnes désignées comme mandataires. «Cela vaut aussi pour les investisseurs autonomes. La population est vieillissante et la question des mandats de protection deviendra plus courante», dit-il.
Le gestionnaire de portefeuille aime la qualité des titres qu’il retrouve dans le portefeuille de Gisèle Gélinas. «Ce sont des entreprises bien établies avec un historique de versement de dividendes qui sont croissants.» Il mentionne que la hausse des taux d’intérêt cette année a affecté défavorablement ces titres qui sont appréciés par les investisseurs qui recherchent du revenu. «BCE (BCE, 53,31$), qui compose plus du tiers du portefeuille, a perdu 13% cette année. Les banques aussi ont écopé.»
Le portefeuille étant composé de titres dans le secteur des télécommunications (BCE représente 37%) et des banques, qu’il évalue à 38% du CELI, Sylvain Tremblay est d’avis que le mandataire devrait songer à diversifier davantage en élargissant à d’autres secteurs d’activités, la consommation de base notamment. «Un secteur plus défensif où l’on retrouve des entreprises solides comme Loblaw (L, 119,87$), Empire (EMP.A, 40,01$), Metro (MRU, 74,25$) et même Dollorama (DOL, 98,18$). Il pourrait aussi songer à un fonds négocié en Bourse (FNB) ou à un fonds indiciel qui cible ce secteur ou celui des infrastructures.»
Il croit que le mandataire pourrait se doter d’un portefeuille équipondéré, c’est-à-dire avec un poids similaire pour chacun des titres détenus. «Il faudrait rééquilibrer. Ce n’est pas nécessaire non plus de détenir toutes les banques.» Selon l’intérêt et le temps dont dispose le mandataire, celui-ci pourrait également opter pour la gestion passive avec un simple FNB d’allocation d’actifs à bas frais. «Il a un horizon de placement un peu plus long, puisqu’il gère pour les héritiers.»