Entrevue à distance ou en personne, laquelle choisir?
Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑octobre 2021(Photo: Christina @ wocintechchat.com pour Unsplash)
RECRUTEMENT. Au plus fort de la pandémie, toute une cohorte de travailleurs s’est fait embaucher sur la base d’entrevues à distance. Puis la pratique est rapidement entrée dans les mœurs. Si bien qu’à l’été 2020, 70 % des 1 518 professionnels en acquisition de talents sondés par LinkedIn s’entendaient déjà pour dire que le « recrutement virtuel » deviendrait la norme dans l’après-COVID. Mais pas si vite.
À la sortie de la crise sanitaire, les entreprises auront l’occasion de réexaminer la question. Elles décideront alors si elles préfèrent réellement poursuivre l’expérience d’embauche virtuelle, revenir à une formule traditionnelle en personne ou explorer un mode hybride. Après tout, chacun option comporte ses avantages et ses inconvénients.
Dans une perspective d’expérience candidat, il faut tout de même admettre que l’entrevue virtuelle a conquis bien des travailleurs. « Je trouve l’entrevue en personne plus intimidante », confie le gestionnaire web Alexandre Turcotte, qui a récemment été embauché par la Ville de Longueuil sur la base d’une entrevue et de tests à distance. Cet ancien rédacteur en chef du site montréalais Nightlife.ca était bien content d’apprendre qu’il pourrait compléter les étapes de sélection de la maison. « Je n’étais pas stressé de rencontrer du trafic ou de me perdre dans l’immeuble, raconte-t-il. Je n’avais qu’à me connecter à l’heure convenue. » Il a aussi pu utiliser ses outils de rédaction – incluant Antidote – pour compléter les tests, ce qui l’a grandement mis en confiance.
Les recruteurs y voient également des avantages. Plus de la moitié (54 %) des 1 142 gestionnaires de ce secteur sondés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie par la plateforme d’entrevues vidéo préenregistrées HireVue ont par exemple récemment noté une accélération du processus de recrutement découlant de l’utilisation de l’entrevue virtuelle. Plus d’un tiers (35 %) a aussi noté une plus grande diversité parmi les candidats.
« Les outils de visioconférence permettent au recruteur et au candidat d’entrer en relation beaucoup plus rapidement, note Caroline Boyce, directrice du recrutement et de la sélection de personnel à Loto-Québec et chargée de cours à HEC Montréal. En remplaçant la très célèbre entrevue téléphonique, l’appel vidéo permet de créer une meilleure relation dès le début du processus : on met un visage sur un nom. »
Le président du réseau de recrutement pour cadres Penrhyn International, Yanouk Poirier, constate pour sa part que la formule à distance enlève la pression de devoir capter toute l’information dans une seule rencontre. « Si je compare à avant la pandémie, nous avons maintenant tendance à parler plus d’une fois aux candidats, observe-t-il. S’il nous manque une information, nous allons retourner vers eux et poursuivre la discussion. »
À l’autre bout du spectre, l’entrevue en personne n’est pas sans attrait. « Certains candidats préfèrent la tranquillité d’un bureau loin de leur maison et de leurs obligations personnelles, fait remarquer Caroline Boyce. Se présenter en personne leur permet de se concentrer sur le poste et l’entrevue. Ils n’ont pas à répondre à un livreur d’Amazon ou, dans certains cas, à la voisine! »
Les recruteurs ont aussi de bonnes raisons d’aimer l’entrevue en personne. « En virtuel, nous perdons beaucoup de la lecture du non verbal, concède-t-elle. C’est aussi plus facile de prémunir contre la fraude et la falsification d’identité. »
Vers un modèle hybride
Caroline Boyce encourage les recruteurs à offrir plusieurs options aux candidats qu’ils veulent potentiellement embaucher. « En démontrant plus de flexibilité, vous pourrez accommoder des candidats de différents statuts – avec ou sans emploi – différents profils – introverti ou extraverti – et de différentes situations personnelles, peu importe leurs responsabilités, qu’ils soient étudiant, célibataire, parent, etc. », fait-elle valoir. Il demeure toutefois souhaitable, insiste-t-elle, d’avoir au moins un contact « en présentiel » avec le candidat avant de l’embaucher.
D’ailleurs, ce contact physique peut avoir un effet positif chez le candidat. Charli Samson, un conseiller en développement organisationnel, a par exemple récemment été embauché dans un nouvel emploi sur la base d’une entrevue virtuelle. Celle-ci s’est bien déroulée. Toutefois, il admet que le fait d’avoir pu rencontrer son chef d’équipe et son gestionnaire en personne lors de son entrée en poste a été « grandement apprécié ». « Ça m’a permis de bâtir un petit sentiment d’appartenance dès le début, plutôt que de se parler uniquement par Teams », se réjouit-il. Voilà un aspect à ne pas négliger.