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Transparence salariale: une tendance qui va perdurer

Kévin Deniau|Publié le 12 avril 2023

Transparence salariale: une tendance qui va perdurer

Au quatrième trimestre 2021, 66 % des nouveaux emplois affichés sur Indeed au Canada contenaient des informations sur les salaires, selon les données de la plateforme. (Photo: 123RF)

RÉMUNÉRATION GLOBALE. « Salaire concurrentiel » ou encore « rémunération parmi les plus généreuses du marché » : on trouve ces deux formulations évasives dans de nombreuses offres d’emplois au Québec. Pourtant, elles brillent surtout par leur absence de clarté chiffrée. Une opacité qui s’inscrit aujourd’hui à rebours de l’envie des salariés québécois : 90 % d’entre eux indiquent qu’il est important de connaître le salaire d’un emploi avant d’y postuler, selon un sondage réalisé par Léger en septembre dernier pour le site d’emplois Talent.com. État des lieux. 

« La transparence salariale est une tendance qui est sur toutes les lèvres depuis l’an passé et qui va perdurer », assure Yannick Paradis, directeur des ventes à Talent.com, dont le siège est situé à Montréal. « Du côté des employés, la demande est clairement là, ce qui met une pression accrue sur les employeurs », confirme Mélissa Allard, CRHA, conseillère en rémunération au sein du cabinet PCI rémunération-conseil. 

L’évolution est fulgurante. Au quatrième trimestre 2021, 66 % des nouveaux emplois affichés sur Indeed au Canada contenaient des informations sur les salaires, selon les données de la plateforme. En septembre dernier, ce chiffre atteignait 74 %. À l’échelle du Québec, la proportion est passée de 60 % à 68 % sur la période. Il faut dire que les retombées sont immédiates : un affichage d’emploi qui fournit des données sur le salaire reçoit jusqu’à 90 % de candidats en plus, d’après la plateforme américaine. Un afflux de candidatures bienvenu en cette période de pénurie de main-d’œuvre.

 

Un élan législatif émergent 

En France, Indeed vient même de rendre obligatoire la divulgation des salaires sur les offres d’emploi publiées. Pour les entreprises récalcitrantes, le site affichera une fourchette estimative que ces dernières pourront moduler. Il est fort possible qu’à l’avenir la contrainte vienne directement des législateurs. Depuis juin dernier, les entreprises de l’Île-du-Prince-Édouard doivent lever le voile sur l’échelle salariale de leurs offres d’emploi. La Colombie-Britannique vient de déposer un projet de loi également en ce sens.

Des initiatives qui s’ajoutent à celles, similaires, de la Ville de New York, des États américains de Washington, du Colorado et de Californie ou de l’Union européenne. Bien souvent, ces législations s’accompagnent d’une obligation pour les employeurs de publier l’écart de rémunération entre hommes et femmes ainsi que d’une interdiction de demander des informations sur l’historique de rémunération des candidats ou de prendre des mesures contre les employés qui partagent leurs salaires.

Au sein de la province, plus des trois quarts des Québécois (76 %) seraient favorables à l’instauration d’une loi sur la transparence salariale, d’après l’enquête de Talent.com. Pour la plupart, ce serait une façon de réduire les iniquités existantes. Dès la première expérience professionnelle après un diplôme postsecondaire similaire, les femmes gagnent en moyenne 9 % de moins que les hommes selon une étude coécrite par l’Institut du Québec en juin dernier. Près d’une Québécoise sur trois (29 %) a d’ailleurs déjà connu une forme de discrimination salariale, selon le coup de sonde de Léger. Ce chiffre est deux fois inférieur chez les hommes. Statistique Canada pointe également des rémunérations plus faibles que la moyenne nationale pour les minorités visibles. Contacté par « Les Affaires », le ministère du Travail du Québec confie qu’il n’y a pas, présentement, d’initiatives législatives en cours sur cette question, rappelant que la Loi sur l’équité salariale (LES) contribue à la réduction de l’écart salarial entre les femmes et les hommes au sein des entreprises visées.

 

Un changement culturel progressif

« La transparence salariale est un sujet particulièrement important pour les nouvelles générations », ajoute Anna Potvin, CRHA, associée et cheffe de pratique rémunération chez Normandin Beaudry. Sensibles aux questions d’inclusion, ces jeunes salariés baignent en effet dans un monde où l’information est devenue plus accessible. En ce sens, la divulgation du salaire devient nettement moins tabou. 

D’après un sondage effectué par le réseau social professionnel LinkedIn aux États-Unis en juin 2022, un tiers (32 %) des moins de 25 ans partageraient sans sourciller leur rémunération avec des collègues de confiance. Un ratio qui chute respectivement à 17 % et 9 % pour la génération X (de 42 à 57 ans) et les boomers (au-delà de 58 ans). 97 % des 18-34 ans québécois trouvent important de savoir le salaire d’un métier avant d’y postuler, soit 10 points de pourcentage supplémentaires que les plus de 35 ans, d’après Talent.com.

« Le succès de comptes Tik Tok qui demandent ouvertement les salaires de gens dans la rue démontre l’intérêt de ces préoccupations chez les plus jeunes », affirme l’experte en marketing RH Emilie Pelletier, pointant Salary Transparent Street aux États-Unis, Canadian Income en Ontario ou Cache Cash au Québec. Indéniablement une nouvelle ère.