(Photo: 123RF)
EN MANCHETTE. La chaîne des épiceries Loco n’était encore qu’un bébé de trois ans quand la pandémie de COVID-19 a déboulé sur le Québec. Allait-elle méchamment accuser le coup, comme tant d’autres commerces nouveau-nés ? Aucunement, elle a même ouvert une succursale sur le Plateau en juin, en pleine récession économique.
«Loco est née de mon envie personnelle de réduire au maximum mon empreinte écologique et, surtout, de permettre aux autres de le faire aussi, raconte Andréanne Laurin, directrice générale et cofondatrice. Nos épiceries sont donc basées sur le concept du zéro déchet, la nourriture et les produits d’usage courant que nous vendons étant tous écoresponsables. Un concept qui répond visiblement à des attentes profondes, car les clients – crise, ou pas crise – sont au rendez-vous.»Ce surprenant succès s’explique en grande partie par la démarche altruiste de l’entreprise:«Nous mettons en avant les produits de PME québécoises, et tirons une grande fierté de reverser aux producteurs 65 % des revenus tirés des ventes, et pas le 14% standard de l’industrie», illustre Andréanne Laurin, en soulignant que sa solution pour garder le cap en dépit des turbulences actuelles consiste à «toujours agir en accord avec ses valeurs».
C’est d’ailleurs ce qu’a récemment saisi Nicolas Langelier, directeur d’Atelier 10, une entreprise sociale montréalaise à la tête, entre autres, du magazine Nouveau Projet:«Nous étions certifiés B Corp, une des certifications les plus exigeantes en matière de responsabilité sociétale, et puis nous avons laissé tomber – trop de paperasserie, trop de coûts, etc., dit-il. Nous avons réalisé que nous ferions mieux de consacrer le temps passé à répondre aux évaluateurs du B Lab à faire directement du bien autour de nous. C’est comme ça que nous sommes aujourd’hui en pleine réflexion sur la manière dont nous pourrions nous intégrer dans le tissu social immédiat, auprès des gens qui ne sont pas des clients naturels de nos produits et services. Nous tenons vraiment à ce projet, et nous savons que nous pouvons le mener à bien sans avoir le logo B Corp sur notre site web.»Autrement dit, pour bien faire, une entreprise se doit à présent de faire le bien. Par pur altruisme.
Dans leur livre L’Entreprise altruiste (Albin Michel, 2019), le professeur de comportement organisationnel Isaac Getz et l’innovateur social Laurent Marbacher montrent, études à l’appui, que l’altruisme est payant. «La performance financière supérieure des entreprises altruistes est la conséquence directe de leur focalisation sur quatre priorités, dont l’ordre d’importance est rigoureusement le suivant:les salariés, les clients, les fournisseurs, puis les collectivités locales», notent-ils. Et ils soulignent:«Au cours de toutes ces étapes, il n’est jamais question de l’actionnaire, car les entreprises doivent avant tout servir leurs interlocuteurs de manière inconditionnelle, sans subordonner ce service à des conditions financières. Pour toutes les entreprises, PME comme multinationales, qui ont adopté cette approche, la performance financière a toujours suivi.»Et ils enfoncent le clou:«L’idée, c’est de servir, pas de se servir d’autrui.
Les entreprises altruistes servent leurs clients au mieux, même si cela ne rapporte pas d’argent, parfois même si cela leur en coûte. Pourquoi ? Parce que lorsque vous prenez soin d’autrui, vous n’êtes pas dans le calcul, vous ne comptez pas. Et qu’obtenezvous toujours en retour ? L’attachement de votre client.»Vincent Fortin, le président de l’agence montréalaise de communication marketing Republik, a pris la résolu-tion d’aller à fond dans cette direction:«Peu avant la pandémie, nous nous étions fixé comme but de ne plus faire affaire qu’avec des entreprises responsabilisées socialement d’ici 2021, dit-il. Les événements imposent un certain bémol, mais nous poursuivons en ce sens. D’autant plus que nous ne sommes plus très loin du but:presque 100 % de nos clients partagent d’ores et déjà l’ensemble de nos valeurs, certains étant en train d’évoluer pour entrer totalement en phase avec nous, et d’autres – une minorité – ayant tout bonnement préféré rompre leur lien d’affaire avec nous.»