Cessez de qualifier votre entreprise de «grande famille»
Catherine Charron|Publié le 11 novembre 2021Voici pourquoi vous ne devez plus propager cette métaphore au sein de votre organisation. (Photo: Helena Lopes pour Unsplash)
RHéveil-matin est une rubrique quotidienne où l’on présente aux gestionnaires et à leurs employés des solutions inspirantes pour bien commencer leur journée. En sirotant votre breuvage préféré, découvrez des astuces inédites pour rendre vos 9@5 productifs et stimulants.
RHÉVEIL-MATIN. «Nous sommes comme une grande famille.»
Vous l’avez tous entendu à un moment ou à un autre de votre carrière. Peut-être avez-vous même utilisé ce terme pour décrire ce lien très fort qui semblait vous unir à vos collègues.
Ce qualificatif à l’apparence anodine peut toutefois entraîner des conséquences bien plus grandes que le sentiment d’affiliation qu’il engendre affirme le spécialiste du leadership Joshua A. Luna dans un papier paru dans le Harvard Business Review.
Ce serait selon lui une grave erreur de perpétrer une telle idée auprès de votre équipe. Après tout, une famille ne met pas à la porte un de ses membres si elle manque de fonds…
Certes, Joshua A. Luna rappelle que des recherches ont démontré que de faire une comparaison du genre crée un environnement positif et motivant qui génère un attachement à l’entreprise. Si on y voit de plus grands élans de collaboration et d’entraide entre les membres, ce contexte «familial» est aussi fertile à des débordements, aux excès de loyauté de la part de ses employés.
«Ça peut se traduire par des heures de travail impossibles, ou encore à garder secrets des manquements de l’organisation, car c’est dans l’intérêt de la compagnie (lire famille)», illustre le spécialiste. Ce n’est qu’une question de temps avant que la performance et la productivité de vos troupes ne soient affectées, au bord de l’épuisement.
On crée un contexte où le surmenage foisonne, car vos collègues ne sentent pas avoir le pouvoir de dire non et suivent sans broncher les commandes de leur supérieur, un peu comme un enfant ferait avec un parent.
Quitter son emploi deviendrait donc d’autant plus difficile, à cause de toute la charge émotionnelle qui est associée à ce départ, ce faux sentiment d’affiliation sous-entendant que cette relation ne connaîtra jamais de fin.
Joshua A. Luna recommande plutôt de comparer votre culture d’entreprise à une équipe de sport. L’empathie, l’esprit de communauté, l’appartenance, et le partage d’objectifs y sont autant tout aussi présents, sans le lourd bagage émotionnel qui y est connoté. C’est l’atteinte d’un but commun qui vous unit.
D’ailleurs, de clairement identifier la mission de votre organisation bonifiera la loyauté et l’engagement de vos salariés, surtout si celle-ci raisonne avec leurs valeurs.
Cela vous permettra d’énoncer vos attentes à l’égard de la performance de vos employés, «tout en démontrant qu’il y a une ligne bien distincte qui sépare le boulot de la vie personnelle […] si elle se brouille, retracez-la et aidez vos employés à la maintenir», conseille-t-il. Ça s’applique aussi au nombre d’heures travaillées et aux périodes de pauses qui doivent être respectées.
Les gestionnaires comme les employés doivent se rappeler que cette relation est temporaire, et, surtout, transactionnelle. À mesure que l’organisation évolue, les compétences requises feront de même. Un salarié qui progresse cherchera inévitablement à relever de nouveaux défis. Il n’est donc pas étonnant que ces rapports aient une fin. Les liens familiaux peuvent être contraignants et il n’y a rien de pire que des contraintes pour freiner sa croissance.
Pour ne plus louper ce rendez-vous, recevez votre RHéveil-matin dans votre boîte de courriels!