L’immobilier résidentiel surprend en ce temps de pandémie
Mathieu D'Anjou|Édition de la mi‑octobre 2020Sources: Études économiques, Desjardins
SIGNAUX FORTS. Il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 aura été l’événement marquant de l’année 2020, voire de la dernière décennie. Cette crise sans précédent a bouleversé plusieurs aspects fondamentaux de nos vies et de l’économie. On peut penser qu’elle aura des conséquences durables. Après plusieurs années de forte croissance, l’immobilier résidentiel canadien paraissait vulnérable en début d’année et certains observateurs anticipaient que la prochaine récession serait particulièrement difficile pour ce secteur. Force est de constater que le marché immobilier a finalement très bien traversé la première phase de la crise de COVID-19 et semble même encore plus vigoureux qu’avant la crise.
L’immobilier résidentiel canadien n’a pas été épargné par le choc initial du printemps dernier. La construction neuve a surtout a été touchée au Québec, où l’activité a dû cesser plusieurs semaines, au point où les mises en chantier n’ont pas été recensées au mois d’avril. Ailleurs au pays, la construction a été assez résiliente, mais la revente de propriétés existantes a très fortement ralenti durant la période de confinement. Entre février et avril, le nombre désaisonnalisé de transactions sur le marché immobilier canadien a ainsi chuté de plus de 60 %, pour descendre à son plus bas niveau depuis au moins les années 1980. Comme le recul a particulièrement été marqué à Toronto, le prix moyen des transactions a aussi lourdement baissé en mars et en avril pour afficher un recul par rapport à la même période en 2019. Dans plusieurs marchés, dont celui du Québec, les prix ont toutefois fait preuve de résilience même pendant la période de confinement.
Plusieurs craignaient que cette chute initiale soit le début d’une véritable correction. Finalement, un rebond spectaculaire de l’activité résidentielle s’est produit dès que les mesures de confinement ont été levées. La demande refoulée du début du printemps semble avoir donné une impulsion initiale tant à la construction neuve qu’à la revente, mais elle ne peut pas tout expliquer. Ainsi, même au mois d’août, alors que l’essentiel de l’activité perdue du printemps avait déjà été retrouvé, le marché immobilier canadien continuait d’afficher une vigueur tout à fait remarquable, avec un nombre de mises en chantier et de reventes bien supérieur à ce qui était observé avant la pandémie. Pour le même mois, le prix moyen des transactions sur le marché de la revente affichait une hausse annuelle de 18,5 %.
Cette performance du marché de l’habitation a de quoi surprendre au moment où le taux de chômage reste relativement élevé par rapport au taux prépandémie et où la confiance des ménages tarde à remonter la pente. Dans un contexte de soutien sans précédent du revenu par les gouvernements et d’une consommation limitée par les mesures sanitaires, plusieurs ménages ont toutefois vu leur situation financière s’améliorer depuis le début de la crise, comme l’illustre l’augmentation spectaculaire du taux d’épargne des ménages. La chute de plusieurs taux hypothécaires à des creux historiques et l’engagement de la Banque du Canada à maintenir ses taux directeurs à leur niveau plancher pour plusieurs années ont aussi apporté un soutien important aux marchés immobiliers. De plus, l’offre de propriétés à vendre demeure limitée et les mesures d’allègement des institutions financières ont permis d’éviter que les emprunteurs hypothécaires connaissant des difficultés temporaires soient obligés de mettre leur propriété en vente.
La vigueur de l’immobilier résidentiel, cet été, a dépassé toutes les attentes et pourrait même faire craindre une surchauffe dans certains marchés. La seconde vague de COVID-19 amorcée récemment risque toutefois de freiner un peu l’activité à court terme. La fin éventuelle des programmes de soutien gouvernementaux et des mesures d’allègement ainsi que l’important ralentissement de l’immigration internationale représentent aussi de bonnes raisons de penser qu’une certaine modération de l’activité résidentielle pourrait survenir au cours des prochains trimestres.