En Angleterre, des tours de télécommunication ont été incendiées, et la police soupçonne des conspirationnistes d’être à l’origine du vandalisme. (Photo: Getty Images)
TÉLÉCOMMUNICATIONS. «Le masque ne sert pas à protéger [du coronavirus], écrit une internaute sur le groupe Facebook Regroupement contre le port du masque obligatoire. Il sert à écoeurer les gens au point qu’ils diront oui à leur cochonnerie de vaccin qui contiendra de la nanotech qui fonctionnera avec la 5G. C’est ce [dont] ils ont besoin pour nous connecter aux machines. Avis aux tatas qui veulent rire de ça : informez-vous au lieu de rire.»
Si vous n’avez pas tout compris, c’est normal. À bien des égards, les adeptes des théories du complot analysent l’actualité comme un patient regarde la célèbre image du test de Rorschach. Avec une licence d’interpréter ce que bon leur semble, au gré de leurs intuitions.
Il suffit, par exemple, à un conspirationniste de savoir que Bill Gates a prononcé une conférence TED sur les risques d’une pandémie mondiale en 2015 pour en déduire que le fondateur de Microsoft a lui-même créé le virus en laboratoire pour s’enrichir avec un vaccin. Logique, non ?
Une autre théorie identifie la technologie 5G comme la source et le vecteur de propagation du coronavirus. «La COVID-19 a débuté à Wuhan, rappelle un autre membre du groupe Facebook mentionné plus haut. Et c’est là que le réseau [5G] a été mis en marche sur la planète en premier ! Bon, disons qu’on peut tous [tirer] nos propres conclusions», conclut-il avec assurance.
Une théorie «dangereuse»
Aussi farfelue soit-elle, cette dernière théorie a maintenant des répercussions dans le monde réel. En Angleterre, des tours de télécommunication ont été incendiées, et la police soupçonne des conspirationnistes d’être à l’origine du vandalisme. Au Québec, un couple «anti-5G» a été accusé d’avoir incendié des tours de télécommunication appartenant à Rogers et à Telus dans les secteurs de Laval, de Piedmont et de Prévost, dans les Laurentides.
«Nous prenons la situation très au sérieux, confirme Bernard Bureau, vice-président à la stratégie réseau et à l’architecture de Telus. Nous gérons tous les risques auxquels nous faisons face et, donc, nous avons renforcé la sécurité sur nos sites avec des technologies de surveillance.»
Le vice-président insiste sur la dangerosité de tels actes de vandalisme. «Le feu peut blesser la personne qui le manipule ou d’autres personnes qui se trouvent dans les parages. On s’attaque à des infrastructures importantes pour la population : des gens dépendent de ces infrastructures pour appeler les ambulances, la police dans les cas d’urgence. C’est très problématique.»
Précisons que les vandales, sans doute par méprise, se sont attaqués à des tours de télécommunication de type 4G, et non 5G. Rogers a dit à Les Affaires n’avoir subi aucune interruption de service, tandis que Telus a mentionné avoir observé «un impact sur la performance du service sans fil». À la suite de ces incidents, l’Agence de la santé publique du Canada a senti la nécessité de publier une mise au point sur le lien allégué entre la technologie 5G et la propagation de la COVID-19. «Il n’existe aucun fondement scientifique pour corroborer ces allégations», peut-on lire sur le site de l’Agence. L’organisme a inclus des hyperliens vers une déclaration de l’Organisation mondiale de la Santé qui souligne que la «COVID-19 se propage dans de nombreux pays qui n’ont pas de réseau mobile 5G» et vers le communiqué de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, qui rappelle qu’il faut «physiquement être en contact avec la COVID-19 pour en être infecté».
Une utilisation bien en deçà des normes
La méfiance d’une certaine frange de la population envers la technologie 5G date de bien avant la pandémie. Le 26 janvier dernier, un petit groupe de manifestants déambulait dans les rues de Montréal en scandant «refusons la 5G, refusons la 5G…» Sur Facebook, plusieurs groupes «STOP 5G» militent activement contre le déploiement de cette technologie dans leur localité respective.
Brunilde Sansò, professeure titulaire au Département de génie électrique de Polytechnique de Montréal, s’explique mal l’attention que ces gens portent à cette technologie en particulier. «C’est un peu ironique que des gens aient peur de la 5G, car on utilise déjà quotidiennement des fréquences semblables aux bandes basses et moyennes de la 5G, détaille-t-elle. Les routeurs Wi-Fi fonctionnent à 2,4 ou à 5 GHz, alors que le spectre qui sera mis aux enchères pour la 5G se situe à 3,5 GHz.»
De plus, souligne la professeure, des recommandations ont été faites par plusieurs organismes de recherche «non partisans» sur les types de mesures à prendre et sur les valeurs à respecter pour écarter les risques d’endommager thermiquement les tissus du corps avec des fréquences. «Le rang d’opération des systèmes de télécommunication est généralement bien en deçà des valeurs stipulées», assure-t-elle.