(Photo: Chris Montgomery pour Unsplash)
TÉLÉTRAVAIL. Un autre piège insoupçonné concerne ce qu’on appelle à présent la « fatigue Zoom ». Cette dernière se présente sous la forme de lourdeur, d’engourdissement mental à la suite d’une visioconférence, qui peut se prolonger quelques minutes et qui peut perdurer plusieurs heures si jamais on a enchaîné ce type de réunions virtuelles dans la journée. Ce qui peut finir par se traduire par des maux de crâne, ou encore par du mal à s’endormir, le soir venu.
C’est que notre cerveau est particulièrement stimulé à ce moment-là : non seulement il nous faut recueillir des informations visuelles (ex.: signaux non verbaux des participants, données écrites présentées à l’écran, etc.), mais aussi il nous faut en absorber d’autres, auditives (ex.: le ton et les débits des propos des autres, les émotions véhiculées par la voix, etc.). Et cet effort est littéralement épuisant, davantage que lors d’une réunion «normale ».
Willi Wiesner est professeur de management à l’Université McMaster, à Hamilton (Ontario). Dans le cadre d’une étude, lui et son équipe de chercheurs ont regardé comment se comportaient les gens qui participaient à un entretien d’embauche mené par visioconférence. Aussi bien les candidats que les recruteurs. Il a ainsi noté que tous les participants peinaient à regarder la caméra de leur laptop, à tel point qu’ils finissaient tous par porter leur regard ailleurs. À la clé, chacun avait l’impression d’avoir fait « mauvaise impression » aux autres : candidats comme recruteurs étaient convaincus d’être passés pour des personnes « peu aimables » et « en qui on ne peut pas avoir vraiment confiance ».
Ce n’est pas tout. M. Wiesner a également noté que ceux qui avaient conscience de ce phénomène avaient, en général, le réflexe de redoubler de concentration lors des visioconférences suivantes. Ce qui les épuisait mentalement.
D’où la « fatigue Zoom », qui fait tant de ravages ces temps-ci…
La solution ? Elle est évidente : réduire la charge cognitive des visioconférences. Une mission que se doivent de remplir ceux qui les organisent, à savoir les leaders d’équipe. Voici trois suggestions à ce propos, dénichées ici et là auprès de télétravailleurs habitués à communiquer à distance :
1. Tenir des réunions courtes, douces et ciblées
Courtes, c’est-à-dire d’une vingtaine de minutes (notre cerveau a une capacité d’attention de 18 minutes, après quoi il décroche pendant quelques minutes avant de pouvoir se reconcentrer; d’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les fameux TED Talks durent très exactement 18 minutes…). Douces, ce qui signifie qu’elles ne doivent pas faire l’objet de vives discussions, pour ne pas dire de chicanes. Ciblées, enfin, pour indiquer qu’elles doivent traiter d’un sujet précis et prédéterminé, l’organisateur devant veiller à ce que tout le monde s’y tienne, quitte à mettre immédiatement fin à toute discussion qui en déborderait.
2. Inviter à couper la caméra
Chacun devrait être libre de mettre la caméra, ou pas. Pourquoi ? Parce que les visioconférences sont les seules formes de communication où… l’on se voit en train de parler aux autres. Ce qui est très déstabilisant. À cela s’ajoute le fait que si votre caméra est coupée, cela fera moins d’informations à traiter mentalement pour les autres ; la charge cognitive sera d’emblée allégée pour toute l’équipe.
3. Éviter de surcharger l’information visuelle
Certains présentent des graphiques ou des tableaux lors d’une visioconférence. Le hic, c’est qu’il est quasiment impossible pour un cerveau humain d’intégrer alors ce type d’informations, étant déjà occupé à gérer plein d’autres choses en même temps (ex.: ses propres expressions du visage, les informations véhiculées par la voix, etc.). Mieux vaut, dans un tel cas, se contenter de mettre à l’écran une image forte accompagnée d’un mot-clé : l’attention des participants se portera tout naturellement sur l’audio, sans surcharge cognitive perceptible.
Voilà. Le télétravail n’a pas que du bon, il peut même se révéler sournoisement néfaste, en particulier auprès de ceux qui ont un a priori négatif à son sujet. Et ce, en raison d’effets pervers de la technologie de communication à distance. Fort heureusement, la bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas sorcier d’en venir à bout. Pourvu que les leaders d’équipe en prennent conscience et agissent en conséquence…