Inflation, taux d’intérêt: une année compliquée pour les PME
Jean-François Venne|Édition de la mi‑octobre 2022« La pénurie de main-d’œuvre, l’inflation et les difficultés d’approvisionnement compliquent vraiment la vie des PME », confirme François Vincent, vice-président du Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). (Photo: courtoisie)
300 PME: SANTÉ MENTALE DES DIRIGEANTS. Les 300 plus grandes PME du Québec employaient près de 54 000 travailleurs en 2021. Elles affrontent un contexte compliqué marqué par l’inflation, la remontée des taux d’intérêt, les problèmes d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre.
Le premier rang du classement est partagé par dix entreprises qui comptent 300 salariés. La moitié d’entre elles (et 10 des 15 premières) évoluent dans le secteur de la fabrication. Près des deux tiers des 300 PME exportent leurs produits ou leurs services à l’extérieur du Québec.
Certaines de ces entreprises sont toutes nouvelles, comme Recyclage de métaux intégré, une coentreprise fondée en 2020 et détenue par ArcelorMittal Produits longs Canada et Triple M Metal. Cette PME en croissance a réalisé l’acquisition de Société des métaux recyclés en mars dernier. Cependant, d’autres tracent leur sillon depuis le 19e siècle, telles la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central (1873), Les industries fil métallique Major (1884), UV Assurance (1889), Whyte’s (1892), e2ip Technologies (qui inclut GGI Solutions, créée en 1894) et Thomas O’Connell (1895).
L’inflation fait mal
Pour assurer une telle pérennité à leur PME, les entrepreneurs d’aujourd’hui devront redoubler d’ardeur, car le contexte est loin d’être facile. Il affecte d’ailleurs la confiance des dirigeants de PME. En septembre 2022, leur niveau de confiance pour les 12 prochains mois plafonnait à 52,3, selon l’indice du Baromètre des affairesmd de la FCEI. En 2019, il frôlait le 70.
« La pénurie de main-d’œuvre, l’inflation et les difficultés d’approvisionnement compliquent vraiment la vie des PME », confirme François Vincent, vice-président du Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
En mars dernier, dans un sondage réalisé pour le compte de la FCEI auprès de propriétaires de PME, les trois quarts confiaient avoir augmenté leurs prix pour atténuer les effets de l’inflation. Plus d’un tiers avait réduit leurs marges bénéficiaires pour rester concurrentiels. En février, les prévisions de hausse des prix (+4,6 %) et de hausse des salaires (+3 %) sur un an atteignaient un sommet inégalé depuis que la FCEI a commencé à compiler ces données en 2009.
Manque de bras
La pénurie de main-d’œuvre constitue aussi un casse-tête de premier ordre pour les PME. Les données préliminaires du sondage Votre voix de la FCEI, réalisé en septembre, le montrent bien. On y constate que 71 % des propriétaires de PME ont compensé le manque en travaillant eux-mêmes plus d’heures et que plus de la moitié ont demandé à leurs employés de les imiter. Cette situation augmente le risque de voir se développer des problèmes d’épuisement et des troubles de santé mentale dans l’entreprise, comme le détaille notre numéro spécial. On voit aussi que près de la moitié des PME ont réduit leur offre de service ou refusé des ventes ou des contrats.
« La pénurie de main-d’œuvre nuit clairement à la croissance des PME, soutient François Vincent. D’autant que les propriétaires qui travaillent plus pour pallier leur pénurie de main-d’œuvre manquent de temps pour s’occuper des questions stratégiques ou encore pour trouver des programmes d’aide gouvernementaux. »
La rareté de la main-d’œuvre a elle-même un effet inflationniste pour les dirigeants de PME, puisque leurs employés demandent des augmentations de salaire pour protéger leur propre pouvoir d’achat. Cependant, la hausse du prix des intrants et celle du coût de l’énergie frappent davantage les PME que cette pression salariale, selon une récente étude de la FCEI.
Sans surprise, le même sondage révèle que l’aide pour compenser la pénurie de main-d’œuvre représente la principale attente de près des trois quarts des dirigeants de PME envers les gouvernements. Celle-ci peut prendre plusieurs formes, que ce soient les crédits d’impôt pour la formation, la simplification des programmes d’immigration ou le soutien à l’automatisation.
Donner de l’air aux PME
François Vincent souhaite pour sa part que l’on donne de l’oxygène aux PME en allégeant à la fois le fardeau fiscal et la paperasserie. La FCEI s’était d’ailleurs réjouie, en juin, du dépôt d’un second projet de loi en deux ans visant la réduction des formalités administratives.
« Au Québec, la fiscalité est plus que défavorable envers les PME », déplore François Vincent. Il rappelle que les taxes sur la masse salariale de ces entreprises dépassent la moyenne canadienne de 30 %. Le taux d’impôt réduit est par ailleurs plus bas dans huit autres provinces et nous sommes la seule qui exclut les plus petites entreprises des secteurs de la construction et des services de cet avantage fiscal.
Malgré toutes les difficultés, François Vincent reste optimiste. « Le nouveau gouvernement québécois affiche une très forte sensibilité entrepreneuriale, croit-il. Nous devons simplement continuer collectivement à placer les PME au cœur de nos décisions, car elles sont au cœur de notre économie. »
Chiffres provenant de la FCEI
- Pertes liées à la pénurie de main-d’œuvre par les propriétaires de PME du Québec en 2021 : 10,7 milliards de dollars
- 79 % des PME ont augmenté leurs prix plus que d’habitude entre septembre 2021 et septembre 2022
- 32 % des PME prévoient augmenter leurs prix de 6 % ou plus au cours des douze prochains mois
- 7 PME sur dix anticipent que les hausses de taux d’intérêt auront un effet négatif sur leurs activités