Incohérence ou peur du changement? Certaines entreprises décident de numériser la totalité de leurs documents… tout en continuant de conserver tous les documents papier, au cas où. (Photo: 123RF)
Étape 4 de la transformation numérique: oser.
La transformation numérique peut entraîner des peurs, des mythes à déboulonner au sein des entreprises.
À quoi bon instaurer de nouvelles technologies si, à la base, la direction n’adapte pas sa culture à ces nouveaux changements ? «Certains dirigeants ont l’impression qu’ils ont juste à se procurer la quincaillerie nécessaire sans avoir à modifier leur pratique de gestion à l’interne et leurs stratégies d’affaires. Ce qui entraîne certains comportements rebelles», déplore Charles Cormier, président de Chuck & Co.
Il cite en exemple le cas des entreprises qui décident de numériser la totalité de leurs documents. «Plusieurs adhèrent à un mode de gestion sans papier. Elles continuent tout de même à conserver tous les documents papier au cas où», observe cet expert en diagnostic de maturité numérique.
En fait, ajoute Edouard Reinach, consultant chez Adviso, l’entreprise doit prendre le temps de bien réfléchir avant de se laisser tenter par une solution numérique. «Il est important de bien déterminer la source du problème ou de l’élément que l’on souhaite améliorer avant de faire un choix. La transformation numérique va se traduire par un important changement dans l’organisation. Et ce changement ne va pas se limiter qu’à un groupe de personnes. Il aura une incidence sur l’ensemble du processus d’affaires», avertit le consultant de l’agence en conseils et stratégies numériques. D’où l’importance, dit-il, de bien diriger les troupes pour éviter les écarts de conduite. La transformation numérique, précise-t-il, va devenir le moteur de l’activité de l’entreprise et non un outil de soutien à cette activité.
Attention à la procrastination
Il y a aussi ces entreprises qui ont déjà été échaudées par l’échec d’une solution. «Elles vont réagir comme l’adolescent qui garde un mauvais souvenir des premiers morceaux de brocoli avalés dans sa jeunesse. Elles risquent de ne plus vouloir en manger. Ces entreprises vont se dire : « Mais pourquoi changer quand nos méthodes fonctionnent bien depuis des années ? »«, observe Charles Cormier.
Vouloir remettre à demain est «une attitude qui finit par coûter cher», prévient Alexandre Gagnier, président de Webit Interactive. Depuis le début de la crise de la COVID-19, plusieurs commerces, y compris des restaurants, regrettent ne pas avoir développé plus tôt une plateforme d’achat en ligne. «Ceux qui disposent déjà de cet outil de transaction peuvent investir dans la promotion de leurs offres et services. Ceux qui ne le sont pas auront non seulement à investir pour rattraper leurs compétiteurs, ils risquent d’avoir à éponger de lourdes pertes au cours de l’année qui vient.»
Danger avec les solutions rebelles
Le danger, enchaîne Charles Cormier, ce sont également les initiatives que peuvent prendre les employés devant l’inaction de leur entreprise à adopter de bons outils numériques. «S’il y a absence de volonté et de leadership à vouloir améliorer les pratiques numériques au sein de l’entreprise, les employés risquent de chercher eux-mêmes, chacun de leur côté, une solution qui leur convient», avertit Charles Cormier. Ces «rebelles», dit-il, risquent de se laisser tenter par les saveurs du mois. Par conséquent, l’entreprise augmente ses risques de perdre de l’information dans l’infonuagique, voire d’être plus vulnérable aux cyberattaques. Surtout si les solutions choisies par les employés n’offrent pas de garanties suffisantes de sécurité.
Ça prend le bon coach !
Des études ont déjà montré que les jeunes sont influencés davantage par leur entraîneur que par toute autre personne (amis, parents, y compris leur professeur), signale Louis-Yves Cloutier, président de 360.Agency. Cela s’applique dans le cas de la transformation numérique.
«Dans les secteurs où il existe encore très peu de modèles auprès desquels les entreprises peuvent s’inspirer – c’est le cas notamment de l’industrie automobile -, le rôle de l’accompagnateur revêt donc une grande importance dans la phase adolescente de la transformation numérique», dit cet expert qui travaille avec près de 1 000 concessionnaires automobiles au Canada. Encore faut-il, conclut Louis-Yves Cloutier, que l’entreprise ait choisi le bon coach !