Chaque année, CGI réalise un sondage auprès de ses clients. Ce qui en ressort ? Une grande différence entre définir une stratégie et l’exécuter pour en tirer des bénéfices. (Photo: Getty Images)
Étape 5 de la transformation numérique: planifier.
Si vous ne savez pas où vous allez, vous risquez fort d’aboutir ailleurs. Cela vaut aussi pour le virage numérique. Si l’on veut que notre transformation porte ses fruits, on doit d’emblée la planifier. Comment y arriver ?
Pour Simon Chamberland, propriétaire et conseiller principal de Brome Conseil, une entreprise qui accompagne les PME dans leur transformation numérique, tout part de la planification stratégique. «Si vous voulez que je vous dise comment utiliser le numérique pour atteindre vos objectifs d’affaires, vous devez évidemment d’abord avoir des objectifs d’affaires, dit-il. Il faut un plan stratégique. C’est l’assise du virage numérique. Les initiatives technologiques doivent venir soutenir ces objectifs-là.»
Toutes les entreprises n’ont toutefois pas fait un travail aussi élaboré. Certaines ont un plan à jour, avec des orientations stratégiques et opérationnelles claires. À l’opposé, d’autres entreprises, souvent les plus petites, ne sont pas aussi avancées. «Elles n’ont pas vraiment de plan stratégique», dit Simon Chamberland. Elles ont des objectifs assez flous du genre «augmenter les ventes de 10 %», mais sans savoir, par exemple, si elles veulent augmenter les ventes d’une gamme de produits plutôt qu’une autre, ou sur quel marché elles désirent faire augmenter leurs ventes. Il importe alors de clarifier les objectifs.»
Simon Chamberland suggère de préciser les orientations stratégiques en élaborant des objectifs SMART (spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et ayant un horizon de temps défini). «C’est vraiment le point de départ. Je peux déterminer beaucoup d’initiatives numériques pour n’importe quelle société», dit-il. C’est seulement quand l’entreprise sait précisément où elle s’en va qu’elle peut cependant choisir les projets qui créeront le plus de valeur.
«J’ai fait un mandat avec un manufacturier distributeur d’équipement industriel, dit Simon Chamberland. Il voulait augmenter ses ventes, mais lui, il savait comment. Il voyait le marché évoluer, et il voulait vendre lui-même plutôt que de passer par des distributeurs.»
Deux initiatives numériques ont donc été déterminées : vendre davantage grâce au site web de l’entreprise, mais aussi sur des places de marché en ligne comme Amazon. Un bon exemple d’initiative numérique pertinente qui vient soutenir des objectifs clairs.
Rester réaliste
Comment faire en sorte que nos objectifs soient réalistes et respectent notre capacité financière et nos ressources humaines ? Le président de Brome Conseil estime que c’est là une question de communication.
Si le président prend ses décisions seul sans consulter adéquatement ses équipes, par exemple, il est possible que ses objectifs numériques soient irréalistes, explique Simon Chamberland. «Moi, comme consultant, je peux avoir mon avis sur le sujet, à savoir si les objectifs sont réalistes ou pas, mais pas toujours. Il faut consulter l’équipe de direction, et les gens impliqués dans l’entreprise.» Les canaux de communication doivent donc rester ouverts.
Chaque année, CGI réalise un sondage auprès de ses clients. Les chiffres en disent long. Au sujet du virage numérique, les résultats suivants sont frappants. «Environ 96 % des firmes déclarent avoir une stratégie numérique, mais seulement 11 % disent en voir les bénéfices», dit Charles Richard, vice-président aux services-conseils chez CGI, qui offre des services d’accompagnement aux entreprises de divers secteurs – notamment manufacturier, télécoms, détail, finance, secteur public – dans leur transformation numérique. La leçon à en tirer ? Il y a une grande différence entre définir une stratégie et l’exécuter de sorte à en tirer des bénéfices. Autrement dit, la mise en oeuvre du plan est un élément-clé du succès du virage numérique.
Travailler sur deux fronts
Selon lui, c’est là-dessus qu’il faut agir. De là, il faut travailler sur deux fronts. Le premier est plus en amont : le plan est-il réaliste par rapport aux capacités d’exécution de l’entreprise ? Le second vient par la suite : comment est-ce que je m’assure d’avoir une bonne capacité de transformation de l’organisation pour être capable de mener à bien les changements requis ?
À cet égard, Charles Richard estime que les entreprises auraient avantage à s’inspirer des méthodes agiles. «La grande majorité des firmes québécoises ont adopté un mode de livraison de projets en mode agile. Elles livrent donc leurs projets plus rapidement. Mais en ce qui a trait à la planification stratégique, on reste sur des horizons de une, de deux ou de trois années.» C’est trop long. Selon lui, puisque les changements technologiques s’accélèrent, il faut davantage d’agilité dans la planification : celle-ci doit être revue aux trimestres. Il faut aussi que le tout s’accompagne d’une gestion du changement (change management) adéquate.
«Beaucoup d’entreprises veulent entamer une transformation numérique, mais se heurtent au poids de l’historique, des habitudes et des façons de faire», dit Charles Richard. Il faut pourtant se lancer, et faire un travail de fond. «C’est ce qui va nous permettre de nous projeter sur les 10 à 15 prochaines années.»