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Quatre technologies qui vont propulser votre entreprise très loin

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑avril 2020

Quatre technologies qui vont propulser votre entreprise très loin

­CAE a développé des simulateurs de patient. Une de leurs technologies phare est une expérience de réalité mixte se déroulant avec un casque et un mannequin qui simule des trauma-tologies complexes. (Photo: CAE)

Étape 6 de la transformation numérique: anticiper.

Vous avez atteint votre maturité numérique il y a un moment déjà. Tout comme votre concurrent, peut-être. Pour se démarquer, il est maintenant temps d’explorer les technologies de demain : le registre distribué (distributed ledger ou chaîne de blocs), la réalité étendue (extended reality) et l’informatique quantique, parfois regroupées sous l’acronyme «DARQ». Portraits d’entreprises qui n’ont pas attendu la crise avant de plonger dans ces nouvelles technologies.

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1. L’intelligence artificielle

L’environnement qui nous entoure regorge d’information : l’expression d’un visage, la vélocité du vent, le bruit d’un appareil, etc. Jusqu’à récemment, toute cette information était inutilisable pour alimenter des modèles prédictifs.

«Les ordinateurs traditionnels n’ont pas les capacités cognitives d’interpréter des informations qui n’ont pas d’abord été standardisées dans une base de données, explique Yvan Foster, conseiller senior au Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO). Grâce à l’apprentissage profond, on est maintenant capables de tenir compte de données non structurées et de les combiner à d’autres informations pour faire des prédictions extrêmement précises.»

À Québec, l’entreprise de vêtements Surmesur compte sur des modèles prédictifs pour déduire la taille des chemises et de complets de ses clients. «On a bâti des algorithmes capables de nous dire avec une précision de 95 % à 98 % quel est le «perfect fit» d’une personne, à partir de sa taille, de son poids et de sa grandeur de souliers», explique le cofondateur Vincent Thériault.

Luc Veilleux, un éleveur de porcs de la Beauce, compte sur un système vidéo intelligent pour déterminer le début de l’ovulation de ses truies, afin de les inséminer au bon moment. «Quand les truies sont en chaleur, elles ont un comportement caractéristique : elles figent devant le verrat. Le système détecte ce mouvement et nous informe du début des chaleurs. Notre taux de conception est ainsi passé de 88 % à 95 %.»

Dans le domaine des assurances, c’est tout le volet opérationnel qui a été transformé par l’intelligence artificielle (IA). Éric Marcoux, vice-président des solutions d’affaires TI à La Capitale, témoigne de ce qui se fait dans son entreprise : «On utilise l’apprentissage machine pour comparer l’information saisie lors d’une réclamation avec la photo soumise comme preuve par le client. Ça nous permet d’automatiser les remboursements tout en détectant la fraude.»

L’IA est aussi derrière la soumission en ligne en mode «3 minutes» de La Capitale. «On génère des hypothèses pour réduire le nombre de questions. Notre algorithme peut par exemple déduire s’il y a une borne-fontaine sur le terrain d’une personne en entrant son adresse civique dans une application de cartographie en ligne.»

2. La chaîne de blocs

Expliquée grossièrement, une chaîne de blocs est une sorte de livre numérique public et décentralisé, impossible à falsifier. C’est d’ailleurs en raison de ce caractère «infalsifiable» qu’elle est utilisée pour créer des cryptomonnaies. C’est toutefois loin d’être sa seule application.

Des institutions bancaires comme Desjardins et BMO l’utilisent comme identifiant numérique, par une application nommée Vérifiez.Moi, servant à authentifier une personne qui effectue une transaction bancaire.

Des entreprises de différents secteurs d’activités songent à utiliser la chaîne de blocs pour automatiser des transactions et des décisions opérationnelles, à l’intérieur de ce qu’on appelle un «contrat intelligent». Peu d’entreprises passent cependant à l’action.

L’application coopérative Eva, qui offre un service de transport à la Uber, est d’ailleurs une des rares organisations québécoises à avoir adopté cette technologie. «Nous avons remplacé notre serveur par un contrat intelligent crypté sur une chaîne de blocs», explique le cofondateur Raphaël Gaudreault.

Tous les déplacements des conducteurs y sont inscrits, de même que les transactions entre les clients et les conducteurs, qui se font par l’intermédiaire d’un «token» payé par carte de crédit. «Le premier avantage, c’est la transparence que l’on obtient par rapport à notre assureur, qui peut consulter notre registre à tout moment. Ensuite, ça nous donne un réseau très robuste à l’égard des attaques informatiques.»

3. Réalité étendue

«Ce qu’on propose, c’est une expérience de téléportation, lance Hakim Azrour, fondateur de HausValet, une entreprise de Brossard qui a développé une application de magasinage immobilier en réalité virtuelle. On permet aux gens, par la pensée, de visiter des propriétés situées partout dans le monde.» HausValet offre aux courtiers immobiliers un service de photographie 3D et de visite en réalité virtuelle afin de les aider à mettre en valeur les maisons de leur catalogue. «Le client utilise son téléphone ou un casque de réalité virtuelle pour visiter la représentation 3D de la maison qu’il a sélectionnée. Le courtier, qui partage le même espace virtuel que son client, peut lui parler et le guider. C’est complètement immersif.»

On comprend que la réalité étendue (qui inclut les réalités virtuelle, augmentée et mixte) est un puissant outil de marketing. Mais c’est aussi un redoutable outil pédagogique. En 2008, l’entreprise CAE a décidé de mettre son savoir-faire au service de la médecine en développant des simulateurs de patient. Une de leurs technologies phares est une expérience de réalité mixte se déroulant avec un casque HoloLens et un mannequin qui simule des traumatologies complexes.

«C’est un peu comme quand Neo, dans La Matrice, croise la frontière entre les mondes réel et virtuel, illustre Marc St-Hilaire, vice-président à la technologie et à l’innovation à CAE. L’étudiant voit non seulement les os et les organes internes du patient, mais il voit aussi le cathéter physique qu’il est en train de poser se prolonger virtuellement à travers le corps du mannequin.» Le simulateur permet aux apprentis médecins d’accumuler de précieuses heures d’expérience.

4. L’informatique quantique

Les ordinateurs quantiques ont une puissance de calcul phénoménal. En 2019, Google a annoncé qu’il avait utilisé sa technologie quantique pour résoudre en trois minutes un calcul qui aurait nécessité à un superordinateur… 10 000 ans !

«Il ne faut pas s’attendre à trouver ce genre d’ordinateur en entreprise, prévient Yvan Foster. C’est une technologie qui implique un processus de refroidissement près du zéro absolu. C’est un service qui sera offert dans le nuage quand on aura un calcul précis et très complexe à faire.»

En cette ère de coronavirus, on peut se réjouir qu’une des applications annoncées soit d’accélérer la découverte de nouveaux médicaments.

Therence Bois est cofondateur de la start-up de recherche médicale InVivo AI, qui utilise l’IA pour repérer les molécules les plus prometteuses dans le développement de médicaments contre le cancer. Sans se prétendre expert en informatique quantique, il voit cette technologie d’un bon oeil. «Les règles sous-jacentes au fonctionnement de l’informatique quantique sont similaires à celles de la chimie, où l’on tente de générer des designs de molécules, explique-t-il. C’est assurément une technologie que l’on va explorer dès que les chercheurs de ce domaine auront fait des avancées et qu’elle sera applicable à l’extérieur du champ théorique.»