«Blockchain», l’avenir de la traçabilité alimentaire?
Jean-François Venne|Édition de la mi‑avril 2019La blockchain alimentaire est utilisée pour augmenter la transparence. Le consommateur peut connaître la vie du produit, de la naissance à la mise en rayon, en passant par le lieu d’élevage ou de production et obtenir des précisions sur l’éleveur ou le producteur. [Photo : 123RF]
AGRI-AGRO. La blockchain s’offre à l’industrie alimentaire comme une nouvelle option pour assurer un haut degré de fiabilité dans la traçabilité des produits alimentaires. Malgré de belles promesses, l’utilisation de cette nouvelle technologie reste cependant ralentie par les coûts importants qu’elle engendre et par certains défis technologiques.
La blockchain est un registre distribué, c’est-à-dire une base de données sécurisée et dupliquée entre tous les participants d’un réseau. Elle conserve l’historique de l’intégralité des échanges entre eux depuis le début, sans possibilité de les modifier. Elle permet notamment d’établir des contrats intelligents.
«La blockchain permet, par exemple, de s’assurer que les données tirées du suivi de la température de conservation des aliments ou de la qualité des aliments dans toute la chaîne, de la ferme à l’épicerie, sont impossibles à modifier ou à falsifier, ce qui augmente le degré de sécurité», explique Benoît Moffet Bédard, cofondateur de Solutions Amotus, une entreprise de haute technologie spécialisée dans les objets connectés. L’information recueillie par des capteurs se voit automatiquement intégrée à un contrat intelligent, dont chaque acteur de la chaîne détient une copie.
L’option, de prime abord séduisante, a été testée par différents joueurs, mais peu l’ont adoptée jusqu’à maintenant. «Lorsqu’il y a beaucoup de transitions ou de transactions effectuées, il faut faire beaucoup de calculs informatiques, ce qui exige une forte infrastructure et fait augmenter les coûts», note M. Moffet Bédard.
En France, Carrefour a déployé, en mars 2018, la première blockchain alimentaire européenne sur le poulet d’Auvergne, sur une autre volaille en décembre dernier et sur des oranges en janvier. La pratique est utilisée pour augmenter la transparence. Le consommateur peut connaître la vie du produit, de la naissance à la mise en rayon, en passant par le lieu d’élevage ou de production et obtenir des précisions sur l’éleveur ou le producteur.
Manque d’harmonisation
Selon Francis Nadeau, PDG d’Hydralab, fournisseur de solutions blockchain sur mesure pour les entreprises, il existe des options pour réduire la quantité de calculs requis pour faire fonctionner la chaîne. On peut par exemple suivre des caisses, plutôt que des unités. Mais la démarche n’en recèle pas moins d’autres défis.
«La standardisation des procédés reste un enjeu, souligne-t-il. Tous les participants d’une chaîne doivent adopter les mêmes pratiques pour collaborer à la chaîne. Or, chacun peut devoir participer à plusieurs chaînes, car il fournit à différents clients et achète de différents fournisseurs.» Aucun consensus n’existe présentement quant aux technologies à favoriser. Certains misent sur les codes à barres, d’autres sur les puces RFID ou d’autres outils. Des standards émergent, comme le GS1, visant à harmoniser l’utilisation des données entre les entreprises, mais certains y voient parfois une certaine lourdeur et préfèrent s’en tenir à leur système de traçabilité traditionnel.
«Malgré certains obstacles, la technologie présente un bon potentiel, surtout dans un contexte où la transparence et la traçabilité deviennent de plus en plus importantes pour le consommateur, croit M. Nadeau. Reste à maîtriser les coûts et à harmoniser les technologies.»