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L’achat local, tout un défi pour les producteurs en serre

Jean-François Venne|Édition d'avril 2021

L’achat local, tout un défi pour les producteurs en serre

Les Serres royales, basées a Saint-Jérôme, ont pu tirer profit de l’augmentation de la demande locale. (Photo: courtoisie)

AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE. La pandémie a donné de l’élan à la consommation locale, notamment dans le secteur alimentaire. À la mi-novembre 2020, le gouvernement québécois a même présenté une politique d’autonomie alimentaire, assortie d’un financement de 157 millions de dollars. Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, a pour sa part mis au défi les Québécois de remplacer 12$ d’achats étrangers par des aliments locaux chaque semaine.

«Depuis le début de la crise sanitaire, beaucoup de producteurs de légumes en serre ont battu leurs records de vente, affirme Claude Laniel, directeur général des Producteurs en serre du Québec. La hausse de la demande est venue des particuliers, notamment les clients des grandes chaînes d’épicerie. »

À l’inverse, l’effondrement du secteur de l’hôtellerie, de la restauration et des marchés institutionnels privé et public (les HRI) a peu affecté l’industrie, puisque ce secteur n’achète pas beaucoup de légumes québécois produits en serre. Il s’approvisionne auprès de grossistes, qui recherchent le meilleur prix pour de forts volumes. Cela pourrait toutefois changer à la suite de l’adoption par le gouvernement du Québec d’une Stratégie nationale d’achat d’aliments québécois, qui stipule que 60 % des aliments cuisinés dans le milieu institutionnel public doivent être cultivés ici.

Claude Laniel souligne que favoriser l’achat local exigera de diversifier la production, entre autres pour éviter que tous cultivent le même légume — la tomate, par exemple —, qui verrait alors son prix s’effondrer. «Des projets existent, dont dans le poivron, l’aubergine ou les haricots, mais on se bute à une rareté de main-d’oeuvre et d’experts spécialisés», déplore-t-il.

 

Virage brusque

Pour les producteurs en serre, l’engouement pour l’achat local représente donc une occasion remplie de défis. «Nos ventes ont plus que doublé après le déclenchement de la pandémie», explique Jean-Michel Vanier, vice-président des finances des Fermes Lufa, qui possède quatre serres urbaines sur toit, en fonction toute l’année.

Cette croissance s’est accompagnée d’un changement dans la demande et dans la distribution. La majorité des ventes des Fermes Lufa provient aujourd’hui de la production de leurs fournisseurs externes, lesquels ont dû s’adapter à la situation. L’entreprise montréalaise en a aussi recruté de nouveaux, notamment pour surmonter une certaine rareté dans des aliments, comme le poulet et la farine. Par ailleurs, la distribution, qui se faisait à 80 % dans des points de cueillette, est passée entièrement en livraison à domicile.

Même avant la crise, Les Fermes Lufa surfaient sur la vague de l’achat local. Elle cultive plusieurs variétés de tomates, ainsi que des aubergines, des poivrons, des herbes et des fines herbes, des laitues et des concombres. Sa plus récente serre, inaugurée en août dans l’arrondissement de Saint-Laurent, a porté sa superficie totale de culture à 300 000 pieds carrés. «Quelques semaines après l’ouverture, nous étions sold out, ce qui a encore augmenté notre confiance dans notre modèle, indique Jean-Michel Vanier. Il y a une très grande demande pour nos produits.»

 

Soutenir la croissance

Le producteur de tomates en serre de Saint-Jérôme, Les Serres royales, a lui aussi tiré profit de l’augmentation de la demande locale depuis le début de la pandémie. «Les Québécois se sont beaucoup tournés vers nos produits et nos ventes ont connu une très bonne année en 2020», admet son PDG, Stéphan Lemieux.

L’entreprise écoule chaque année 100 % de sa production, donc l’amélioration s’est surtout fait sentir dans les prix offerts par les chaînes d’épiceries. Ils ont été meilleurs qu’à l’habitude, notamment en raison d’un approvisionnement plus faible de tomates venues de l’étranger. «Nous avons eu un bon prix toute l’année, plutôt que de le voir baisser à certaines périodes, comme c’est souvent le cas», précise Stéphan Lemieux.

La pandémie a toutefois créé des problèmes importants en matière de main-d’œuvre spécialisée, notamment celle venue d’autres pays. L’été, au moment de la production intensive, Les Serres royales emploient environ 80 travailleurs, dont la moitié provient de l’étranger. Les restrictions liées à la COVID-19 compliquent fortement le recours à ces employés depuis plus d’un an. Au début mars, Stéphan Lemieux a eu la confirmation de l’arrivée prochaine de quatre travailleurs qui étaient attendus… en janvier.