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Aux avant-postes de la crise climatique

Maxime Bilodeau|Édition d'avril 2023

Aux avant-postes de la crise climatique

Pour la période 2019 à 2021, le Canada a consacré à peine 0,4 % de son produit intérieur brut au développement de l'agriculture. (Photo: 123RF)

AGRI-AGRO. C’est dans les champs que les changements climatiques sont les plus tangibles. Et que la nécessité de concilier rendement et pratiques durables à l’aide d’outils et de solutions technologiques novatrices est la plus urgente.

Parlez-en aux agriculteurs du Bas-Saint-Laurent. Ceux-ci ont dû composer avec des sécheresses lors de quatre des cinq derniers étés, ce qui a provoqué une véritable « crise agricole » aux dires de l’association régionale de l’Union des producteurs agricoles (UPA). Ce scénario est malheureusement appelé à se répéter dans les prochaines années, et pas juste entre La Pocatière et Matane.

« Les producteurs nous parlent des bouleversements qu’ils vivent au quotidien », confirme Sylvain Morel, vice-président aux relations d’affaires et au développement des marchés agricoles et agroalimentaires chez Desjardins. L’expert sait de quoi il parle : deux entreprises agricoles québécoises sur trois feraient affaire avec la coopérative financière.

Il donne l’exemple des producteurs maraîchers, qui doivent désormais composer avec des pluies irrégulières. « Il y a quelques années, ils pouvaient fonctionner sans système de drainage et d’irrigation. Maintenant, ils n’ont plus le choix d’investir dans ces technologies, même si ça représente un investissement conséquent à court terme », explique-t-il.

La meilleure gestion de l’eau fait justement partie des priorités établies dans la Stratégie pour une agriculture durable du gouvernement du Canada. Au moment où ces lignes étaient écrites, à la mi-mars, Ottawa procédait toujours à des consultations afin de définir les orientations de ce guide pour aider « les agricultrices et agriculteurs [à] bien vivre de leur production en développant un secteur durable ».

 

Santé des sols

Québec se préoccupe aussi du sort du secteur agricole. Dans son Plan d’agriculture durable annoncé à l’automne 2020, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) établit cinq objectifs à atteindre d’ici la prochaine décennie. Il est par exemple question d’améliorer la santé et la conservation des sols en bonifiant entre autres le pourcentage de matière organique des sols agricoles.

Des intentions que salue Martin Caron, président de l’UPA. « Le premier outil en agriculture, ce sont les sols. Mieux ces derniers se portent, mieux c’est pour tout le monde », affirme-t-il en entrevue avec Les Affaires. En 2019, la gestion des sols agricoles représentait 26,3 % des émissions de gaz à effet de serre de la production agricole dans la province.

La protection des superficies cultivées en hiver, une autre manière de prendre soin des sols, figure parmi les pratiques que souhaite encourager le MAPAQ. Les agriculteurs québécois ont été nombreux à soumettre un plan en ce sens dans le cadre de l’Initiative ministérielle de rétribution des pratiques agroenvironnementales.

Cette mesure, qui reconnaît les pratiques agroenvironnementales ambitieuses et est synonyme de gains environnementaux importants, a connu un franc succès lors de sa première mouture, en 2022. Quelque 1850 entreprises agricoles s’y étaient inscrites en un peu plus de 24 heures, se partageant ainsi la totalité de l’enveloppe initiale de 56 millions de dollars (M$) prévue sur quatre ans.

La deuxième période d’inscription a connu le même engouement. Quelques jours après son lancement, début mars, plus de 1000 entreprises supplémentaires se sont enregistrées pour bénéficier de l’enveloppe additionnelle de 29 M$. Ils avaient pourtant jusqu’au 31 mars pour soumettre leur dossier en bonne et due forme.

« C’est toujours motivant de réaliser que nos actions sont reconnues et qu’elles peuvent avoir un impact positif sur notre société, déclare le producteur laitier Samuel Ostiguy, copropriétaire de la ferme Janot, en Montérégie, par voie de communiqué. L’Initiative apporte aussi l’incitatif financier souvent manquant pour justifier de mettre en place un projet agroenvironnemental. »

 

Tout n’est pas rose

Malgré ces bonnes volontés, le secteur agricole demeure sur sa faim. En cause : un soutien étatique à l’agriculture qui demeure largement insuffisant, car « non compétitif », déplore Martin Caron. « La concurrence sur les marchés est internationale. Au Québec et au Canada, les compensations ne permettent pas, à l’heure actuelle, de s’adapter aux changements climatiques », dit-il.

Une analyse récente de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) confirme ses dires. Pour la période 2019 à 2021, le Canada a consacré à peine 0,4 % de son produit intérieur brut au développement de ce secteur, un chiffre loin derrière les Philippines (2,7 %) et la Chine (1,8 %), mais aussi la Corée du Sud (1,5 %), la Suisse (1,0 %) et l’Union européenne (0,7 %).