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La protéine de larve contre le gaspillage

Maxime Bilodeau|Édition d'avril 2023

La protéine de larve contre le gaspillage

Entosystem va jusqu’à revaloriser son frass, un genre de fumier de larves constitué de déjections, de restes alimentaires non consommés et de mues. (Photo: courtoisie)

AGRI-AGRO. Convier les insectes à la table des consommateurs sans les répugner: c’est le tour de force que cherche à réaliser Entosystem avec son projet novateur d’économie circulaire dans le secteur agricole. Par la bande, la jeune entreprise de Sherbrooke revalorise les matières organiques produites par l’industrie alimentaire et améliore la santé des sols. 

Au centre de son modèle d’affaires, on trouve la mouche soldat noire, « Hermetia illucens » pour les intimes. Il s’agit d’un insecte qui pond un millier d’œufs lors de sa courte existence de quelques jours. Les larves ainsi engendrées sont détritivores, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent de déchets alimentaires avant d’être séchées et broyées en une farine hautement protéinée.

Cette farine d’« asticots des latrines » remplace celles qui sont normalement utilisées — poisson, soya et viande dans une moindre mesure — pour nourrir pitou, minou et, surtout, le bétail. « Notre objectif est de repenser le système alimentaire sous sa forme actuelle. Nous sommes convaincus que cela commence par nourrir les animaux de ferme différemment », explique Ludovic Lair, directeur des ventes et du marketing chez Entosystem.

L’élevage industriel d’insectes est bénéfique pour l’environnement, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Les insectes émettent moins de gaz à effet de serre et moins d’ammoniac que le bétail ou les porcs, et leur élevage nécessite significativement moins de surface et moins d’eau que l’élevage du bétail », peut-on lire dans un rapport de la FAO de 2013.

 

En amont…

L’originalité du projet d’Entosystem tient à ses partenaires, à commencer par Sanimax, qui est aussi un de ses actionnaires. Le géant québécois de l’équarrissage approvisionne la PME de restes provenant d’épiceries et de ses usines. « Nous arrivons à la fin de la chaîne, lorsque les aliments sont impropres à la consommation humaine », précise Ludovic Lair. 

Au lieu de terminer à la poubelle, ces fruits pourris, légumes gâtés et autres produits de boulangerie moisis font le bonheur des larves de mouches soldats noires. Entosystem contribue « de facto » à réduire le gaspillage alimentaire au Canada. En 2022, le Conseil national zéro déchet a estimé que 63 % de la nourriture jetée au pays aurait pu être consommée.

« La technologie développée par Entosystem se positionne parmi les meilleures au monde et permet une gestion innovante et durable des matières organiques de l’industrie agroalimentaire », a déclaré par voie de communiqué Martial Hamel, chef de l’exploitation de Sanimax, lors de l’annonce de la construction d’une nouvelle usine d’Entosystem, à Drummondville.

Ces infrastructures automatisées de 100 000 pieds carrés rendront possible la production de 5000 tonnes par an de larves protéinées. Ce sera 100 fois plus que le volume actuel de 50 tonnes par an que produit l’usine pilote de l’Estrie. En outre, l’entreprise estime qu’à terme, elle détournera de l’enfouissement 90 000 tonnes de matières organiques par année.

 

Et en aval

Les petites quantités de farine que produit déjà Entosystem trouvent preneur auprès d’entreprises de nourriture pour animaux de compagnie. C’est le cas de la société Hagen, qui commercialise des aliments contenant des protéines d’insectes depuis 2015. « Le succès est tel que nous avons commencé à étendre notre offre de formules à base d’insectes aux chats, aux hamsters et aux autres petits animaux », affirme Benoit Choquet, directeur général d’Hagen, par courriel.

Même chose du côté de Wilder Harrier, qui utilise la protéine de larves de mouches soldats noires pour confectionner des croquettes pour chiens. « Elle représente une solution hypoallergène intéressante pour les vétérinaires, qui l’utilise auprès de chiens souffrant d’intolérances ou d’allergies alimentaires aux protéines conventionnelles », souligne Paul Shenouda, cofondateur et chef de produit chez Wilder Harrier.

Dernier élément, mais non le moindre : Entosystem va jusqu’à revaloriser son frass, un genre de fumier de larves constitué de déjections, de restes alimentaires non consommés et de mues. Ce fertilisant obtenu lors de la culture d’insectes fait le bonheur de Jean-François Lévêque, cofondateur et directeur des Jardins de l’écoumène. 

« Il s’agit en fait d’un biostimulant qui améliore la microbiologie et la fertilité du sol, vulgarise le semencier en entrevue avec « Les Affaires ». Utilisé en combinaison avec le biochar (un amendement du sol issu de la pyrolyse de biomasse végétale), le « frass » améliore de beaucoup la croissance des plantes potagères de même que les rendements obtenus. »

 

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Selon une étude réalisée par la firme Enviro-accès, la nouvelle usine d’Entosystem réduira de près de 90 % par année ses émissions de gaz à effet de serre lorsqu’elle sera fonctionnelle. Ce chiffre a été calculé par rapport à un scénario de base où la nourriture animale est confectionnée à partir de farine de poisson.

 

Convier les insectes à la table des consommateurs sans les répugner : c’est le tour de force que cherche à réaliser Entosystem avec son projet novateur d’économie circulaire dans le secteur agricole. Par la bande, la jeune entreprise de Sherbrooke revalorise les matières organiques produites par l’industrie alimentaire et améliore la santé des sols. 

Au centre de son modèle d’affaires, on trouve la mouche soldat noire, « Hermetia illucens » pour les intimes. Il s’agit d’un insecte qui pond un millier d’œufs lors de sa courte existence de quelques jours. Les larves ainsi engendrées sont détritivores, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent de déchets alimentaires avant d’être séchées et broyées en une farine hautement protéinée.

Cette farine d’« asticots des latrines » remplace celles qui sont normalement utilisées — poisson, soya et viande dans une moindre mesure — pour nourrir pitou, minou et, surtout, le bétail. « Notre objectif est de repenser le système alimentaire sous sa forme actuelle. Nous sommes convaincus que cela commence par nourrir les animaux de ferme différemment », explique Ludovic Lair, directeur des ventes et du marketing chez Entosystem.

L’élevage industriel d’insectes est bénéfique pour l’environnement, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Les insectes émettent moins de gaz à effet de serre et moins d’ammoniac que le bétail ou les porcs, et leur élevage nécessite significativement moins de surface et moins d’eau que l’élevage du bétail », peut-on lire dans un rapport de la FAO de 2013.

En amont…
L’originalité du projet d’Entosystem tient à ses partenaires, à commencer par Sanimax, qui est aussi un de ses actionnaires. Le géant québécois de l’équarrissage approvisionne la PME de restes provenant d’épiceries et de ses usines. « Nous arrivons à la fin de la chaîne, lorsque les aliments sont impropres à la consommation humaine », précise Ludovic Lair. 
Au lieu de terminer à la poubelle, ces fruits pourris, légumes gâtés et autres produits de boulangerie moisis font le bonheur des larves de mouches soldats noires. Entosystem contribue « de facto » à réduire le gaspillage alimentaire au Canada. En 2022, le Conseil national zéro déchet a estimé que 63 % de la nourriture jetée au pays aurait pu être consommée.
« La technologie développée par Entosystem se positionne parmi les meilleures au monde et permet une gestion innovante et durable des matières organiques de l’industrie agroalimentaire », a déclaré par voie de communiqué Martial Hamel, président de la division Amérique du Nord de Sanimax, lors de l’annonce de la construction d’une nouvelle usine d’Entosystem, à Drummondville.
Ces infrastructures automatisées de 100 000 pieds carrés rendront possible la production de 5000 tonnes par an de larves protéinées. Ce sera 100 fois plus que le volume actuel de 50 tonnes par an que produit l’usine pilote de l’Estrie. En outre, l’entreprise estime qu’à terme, elle détournera de l’enfouissement 90 000 tonnes de matières organiques par année.
Et en aval
Les petites quantités de farine que produit déjà Entosystem trouvent preneur auprès d’entreprises de nourriture pour animaux de compagnie. C’est le cas de la société Hagen, qui commercialise des aliments contenant des protéines d’insectes depuis 2015. « Le succès est tel que nous avons commencé à étendre notre offre de formules à base d’insectes aux chats, aux hamsters et aux autres petits animaux », affirme Benoit Choquet, directeur général d’Hagen, par courriel.
Même chose du côté de Wilder Harrier, qui utilise la protéine de larves de mouches soldats noires pour confectionner des croquettes pour chiens. « Elle représente une solution hypoallergène intéressante pour les vétérinaires, qui l’utilise auprès de chiens souffrant d’intolérances ou d’allergies alimentaires aux protéines conventionnelles », souligne Paul Shenouda, cofondateur et chef de produit chez Wilder Harrier.
Dernier élément, mais non le moindre : Entosystem va jusqu’à revaloriser son « frass », un genre de fumier de larves constitué de déjections, de restes alimentaires non consommés et de mues. Ce fertilisant obtenu lors de la culture d’insectes fait le bonheur de Jean-François Lévêque, cofondateur et directeur des Jardins de l’écoumène. 
« Il s’agit en fait d’un biostimulant qui améliore la microbiologie et la fertilité du sol, vulgarise le semencier en entrevue avec « Les Affaires ». Utilisé en combinaison avec le biochar (un amendement du sol issu de la pyrolyse de biomasse végétale), le « frass » améliore de beaucoup la croissance des plantes potagères de même que les rendements obtenus. »
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Selon une étude réalisée par la firme Enviro-accès, la nouvelle usine d’Entosystem réduira de près de 90 % par année ses émissions de gaz à effet de serre lorsqu’elle sera fonctionnelle. Ce chiffre a été calculé par rapport à un scénario de base où la nourriture animale est confectionnée à partir de farine de poisson.