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L’agriculture de précision, un atout pour l’environnement

Claude Fortin|Édition d'avril 2022

L’agriculture de précision, un atout pour l’environnement

Modèle de caméra qui pourrait composer l’outil de dépistage des doryphores actuellement en développement au centre de recherche INO. (Photo: INO)

AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE. Un nouveau concept s’est ajouté au lexique du monde agricole depuis quelques années: l’agriculture de précision. L’idée est assez simple: intervenir là où il le faut, quand il le faut, avec la bonne méthode. Le centre de recherche INO, dont le siège social se trouve à Québec, développe des technologies pour favoriser un mode de production plus chirurgical.

«On a un projet qui démarre pour aller détecter la présence de doryphores sur les plants de pommes de terre, de telle sorte que l’épandage va par la suite être beaucoup plus ciblé», explique François Châteauneuf, directeur de l’unité d’affaires des ressources durables, de l’agriculture et des infrastructures à l’INO.

«Des applications pour drone existent déjà, précise le chercheur. Ce que nous visons, ce sont des caméras installées sur des extensions de tracteur et sur des épandeurs directement, pour contrôler les buses.» Il précise que c’est l’appareil qui décidera par ses propres moyens s’il faut épandre des pesticides ou non. «L’idée consiste à obtenir l’information en temps réel pour agir sur le champ.»

Pour aider algorithme à bien identifier les doryphores et à prendre les bonnes décisions d’épandage, il faut savoir sur quoi il se base. C’est là qu’entre en scène Philippe Parent, directeur de la qualité et de l’agronomie chez Patates Dolbec, de Saint-Ubalde, dans la région de Portneuf. «Je sers de consultant à l’INO, résume l’agronome. Je les oriente sur des détails techniques importants, comme le nombre de doryphores à partir duquel ça mérite une intervention.»

Les gains pour l’environnement d’algorithmes bien développés seraient considérables, soutient François Châteauneuf. «Ce qu’on vise, c’est une réduction de 27% de l’utilisation d’insecticide pour le doryphore, chiffre-t-il. Ce serait majeur pour l’industrie de la pomme de terre.»

 

Algorithmes et gains de productivité

À Conception Ro-main, à Saint-Lambert-de-Lauzon, dans Chaudière-Appalaches, on considère la réduction de l’empreinte environnementale sous un autre angle. Ici, c’est par les gains de productivité que l’on veut réduire l’incidence environnementale des entreprises porcines. Ainsi, l’un des outils développés par la PME permet d’optimiser la reproduction des truies. «Les femelles sont envoyées en cage individuelle pendant les quelques jours que durent leurs chaleurs. Des caméras sont installées au-dessus des cages et des algorithmes de vision numérique captent leurs changements de comportement en temps réel, explique Jacquelin Labrecque, directeur de la recherche et du développement et de la gestion de produits de l’entreprise. Une truie en chaleur est naturellement plus active. Elle recherche le mâle. Elle vocalise même de façon différente.»

Les informations sur les changements de comportement d’une truie permettent de déterminer le meilleur moment pour l’inséminer. «La façon traditionnelle de détecter la chaleur de la truie, c’est en faisant parader un mâle devant sa cage, souligne Jacquelin Labrecque. Comme on ne sait pas à l’avance combien de jours cela va durer, on insémine chaque jour qu’on croit la truie en chaleur. C’est ça qu’on remplace: des inséminations répétées par une insémination unique, qui est prédite pour se dérouler au meilleur moment.»

La technologie permet de réduire les coûts d’insémination, d’économiser le temps qu’exige cette manipulation, en plus d’augmenter le taux de fécondité. «Ce n’est pas rare qu’on voie des améliorations de 1%, 2%, voire de 4% d’augmentation du taux de fertilité, soutient le producteur. On a même déjà vu 10% ou 11% d’amélioration.»

«On est vraiment plus dans les effets indirects, mais qui ne sont pas du tout négligeables, poursuit-il. Si on améliore la productivité d’une ferme de 2%, à la fin, on arrive tout de même à produire plus d’animaux avec les mêmes ressources.»

 

Tirer le maximum des données

Si cette agriculture de précision permet de réduire l’empreinte environnementale d’une industrie souvent mise au banc pour la pollution qu’elle génère, l’information colligée par la technologie «intelligente» qui s’y greffe peu à peu pourrait aussi lui permettre d’améliorer son bilan d’émission de carbone. Chaque machine utilisée en agriculture produit des quantités phénoménales de données qui, si elles étaient partagées à l’échelle d’une région, par exemple, permettraient de trouver des solutions durables à des problèmes environnementaux endémiques, soutient Annie Royer, professeure agrégée en agroéconomie au Département d’agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval.

«Prenez la pollution des cours d’eau par bassin versant», illustre-t-elle. Si toutes les fermes environnantes, mais aussi les municipalités, avaient des données sur la qualité de l’eau «on pourrait éventuellement détecter la source de la pollution, ce qui permettrait d’agir de façon plus chirurgicale et de régler le problème plus rapidement», explique-t-elle. Pour y arriver, il faudrait toutefois que les données soient partagées, mais c’est un tout autre chantier.

 

 

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Pas si simple qu’on le croit, compter les cochons

Le nombre de cochons qui passent de l’éleveur au transformateur constitue un point de litige permanent entre le vendeur et l’acheteur des bêtes. «Très régulièrement, on ne s’entend pas sur le nombre, donc il faut recompter et recompter encore les cochons pour arriver à s’entendre», explique Jacquelin Labrecque, directeur de la recherche et du développement et de la gestion de produits à Conception Ro-main. «C’est une tâche qui paraît très, très simple, mais quand on en a 2000 à compter dans une journée, et qu’on veut être certain de ne pas se tromper, on va les compter deux fois, raconte-t-il. Si les deux fois tu n’arrives pas au même résultat, tu recommences une troisième fois. Ça demande énormément de temps.» C’est pourquoi sa PME a développé un compteur automatisé de cochons. «L’outil compte par vision numérique: il y a une caméra installée dans un corridor, et quand les cochons courent sous la caméra, ils sont comptés très précisément. Avec ça, tout le monde économise du temps.»