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La microbrasserie Kahnawake Brewing, une pionnière

Sophie Chartier|Édition de la mi‑juin 2024

La microbrasserie Kahnawake Brewing, une pionnière

En mai 2023, Kahnawake Brewing Co. a remporté un prix prestigieux, solidifiant la réputation de ses nectars dorés. (Photo: courtoisie)

AGROTOURISME. Dans le secteur toujours plus compétitif des microbrasseries, Kahnawake Brewing Co. fait office de pionnière. Premier établissement du genre au Canada détenu par des autochtones et installé sur le territoire d’une Première nation, l’entreprise qui se targue d’être un lieu inclusif doit une partie de son succès au soutien de sa communauté.

Il y a huit ans, Drew Stevens, qui n’est pas Mohawk, brassait de la bière pour le plaisir à la maison. Par un membre de sa famille, il a été mis en contact avec des hommes d’affaires autochtones de Kahnawake, Brooklyn Leblanc et Matt Deer, qui cherchaient à investir le secteur brassicole comme expansion à leur entreprise vinicole. « Ça a vraiment cliqué entre nous trois », dit le brasseur. C’est ainsi qu’est né le projet d’une première microbrasserie à Kahnawake.

D’abord seulement un lieu de production, la microbrasserie a connu une expansion et est devenue un bar chaleureux et inclusif deux ans plus tard, offrant un menu nourriture diversifié, des cocktails et des spectacles. « On voulait que ce soit ouvert à tout le monde, autant aux Autochtones qu’aux non-Autochtones, que le lieu donne envie de se rassembler, que ce soit un endroit confortable pour tout le monde ».

Empreint d’histoire

Accueillir tout le monde ne veut pas dire renier ses origines. Le décor de la salle et les noms des bières rendent hommage aux monteurs de charpentes en acier mohawk qui ont contribué à bâtir au début du 20e siècle le pont ferroviaire Saint-Laurent, structure appartenant au Canadien Pacific (CP) reliant la réserve à l’île de Montréal, surnommé Black Bridge, un pan d’histoire méconnu, mais ayant marqué la communauté autochtone. À son ouverture, d’ailleurs, la microbrasserie s’appelait d’ailleurs Black Bridge, un nom qui a été délaissé à cause des nombreux homonymes.

Et ce sont bel et bien les habitants de Kahnawake qui ont d’abord répondu à l’appel. « Quand on a commencé, on voulait surtout voir comment la communauté allait réagir, dit le brasseur. On a eu beaucoup de support, entre autres du conseil de bande, qui s’est beaucoup impliqué dès le début. » Assez rapidement, le mot s’est passé dans les environs « Les gens ont commencé à s’intéresser à ce qu’on faisait ici, comme on est seulement à quelques minutes de la ville de Montréal. »

Succès reconnu

C’est que la bière brassée ici commence à se faire une jolie réputation. En mai 2023, Kahnawake Brewing Co. a remporté un prix prestigieux, solidifiant la réputation de ses nectars dorés. Sa Beast, une des 14 bières brassées sur place, a remporté la médaille d’or dans la catégorie New England India pale ale (NEIPA) aux Prix canadiens de la bière. « C’était vraiment cool parce que c’est la catégorie de la compétition dans laquelle il y avait le plus de candidats [142 en tout], donc on était très flattés de ça, mais aussi très surpris. » La récompense a de plus attiré l’attention d’un public encore plus grand pour l’entreprise en terre mohawk, se souvient le brasseur. « C’était vraiment la folie quand on a gagné cette médaille d’or, plein de médias en ont fait des reportages, et ça a boosté notre réputation. C’était génial. »

Un soutien réciproque

Comme pour tous les commerces axés sur la consommation en salle, l’épreuve de la pandémie a été ardue. Mais, fidèle à sa communauté, l’entreprise a tenu à s’impliquer pour épauler cette dernière. « Nulle part à Kahnawake on ne trouvait du désinfectant pour les mains, à ce moment-là, dit Drew Stevens. Et les quelques commerces qui en avaient le vendaient 25 $ la bouteille. Donc on s’est alliés avec une distillerie, qui est elle aussi installée sur le territoire, pour en produire et en distribuer gratuitement aux gens. »

Ce type d’action allait de soi, croit Drew Stevens. « C’est vraiment les gens d’ici qui nous soutiennent depuis le début, dit-il. C’était normal qu’on fasse notre part. »

La hausse des coûts des intrants des deux dernières années est également un défi avec lequel l’industrie de la restauration doit composer. Pour la microbrasserie, le choix de ne pas augmenter le prix de leurs pintes découle un peu de ce désir d’appartenance à la communauté. « Nos pintes sont encore à 7 $, dit Drew Stevens. Je pense que pour beaucoup de gens, c’est une des raisons pour lesquelles ils viennent nous voir. On est capables de survivre parce qu’on a un bon volume et qu’on est très débrouillards, surtout les gens dans les cuisines. On ne veut pas refiler la facture à nos clients ».