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Une industrie qui a plus d’un tour dans son panier

Sophie Chartier|Édition de la mi‑juin 2024

Une industrie qui a plus d’un tour dans son panier

«Ce qu’on a beaucoup vu depuis l’année dernière, c’est que les gens font plusieurs partenariats», dit Caroline Delorme, directrice du marketing et des partenariats de Terroir et saveurs Québec. (Photo: Terroir et Saveurs)

AGROTOURISME. En 2023, le mauvais temps et la hausse des coûts ont passablement miné le plaisir des vacanciers… et ont causé des maux de tête aux producteurs en agrotourisme ! Qu’à cela ne tienne, pour contourner ces obstacles, ces derniers ont misé sur des stratégies inventives, notamment en multipliant les partenariats et en diversifiant leur offre.

Selon le Bilan de la saison touristique 2023 de l’Association de l’agrotourisme et du tourisme gourmand du Québec (AATGQ) — mieux connu sous son appellation commerciale Terroir et saveurs du Québec — les deux plus grands défis pour les producteurs en agrotourisme ont été l’inflation (selon 73 % des répondants) et la météo (69 %). S’il est encore trop tôt pour prédire à quoi ressemblera l’été 2024, les craintes, notamment celles liées aux coûts des intrants, sont toujours là : selon de récentes données colligées par le Centre d’intelligence d’affaires en tourisme ce printemps, 64 % des entreprises en tourisme au Québec se disaient préoccupées par la hausse de l’inflation.

Selon ces mêmes données, 51 % des entreprises interrogées disaient entrevoir une hausse de leurs dépenses pour faire face à la situation. L’an dernier, 72 % des producteurs en agrotourisme ont dû adopter cette stratégie, selon le Bilan 2023. Toutefois, d’autres solutions ingénieuses ont pu voir le jour : les artisans ont été nombreux à opter pour le développement de maillages et de partenariats avec des confrères et consœurs de l’industrie (53 % des répondants) et le développement de nouveaux services, activités et expériences offerts sur place (52 %).

Ensemble, c’est mieux

« Ce qu’on a beaucoup vu depuis l’année dernière, c’est que les gens font plusieurs partenariats », dit Caroline Delorme, directrice du marketing et des partenariats de Terroir et saveurs Québec. « Donc, par exemple, disons qu’on a un éleveur qui fait de la viande bio, il pourrait s’associer avec son voisin qui a une production viticole et ensemble ils peuvent proposer une offre plus variée. »

La gestionnaire est d’avis que le secteur est particulièrement porté sur ce type de maillage. « Je pense que c’est la beauté de notre industrie. Ce sont vraiment des gens qui se serrent les coudes, qui veulent s’entraider et ça marche bien. Ce sont des gens tellement pas compétitifs ! Ils savent que le monde attire le monde, donc c’est mieux pour eux de s’allier. Les Associations touristiques régionales (ATR) y sont pour beaucoup également, elles organisent beaucoup d’activités communes, des circuits, etc. »


Nouvelles propositions

Une autre avenue empruntée par les entrepreneurs est de diversifier l’offre d’activités sur place, notamment afin de retenir les gens le plus longtemps possible, dit Caroline Delorme. « Plusieurs se sont lancés dans l’événementiel, avec des 5 à 7 thématiques, ou encore des soupers avec des dégustations de vin. Il y en a d’autres qui proposent des spectacles, des shows d’humour. Il y en a pour tous les goûts », dit-elle.

Carl-Éric Guertin, directeur général de la Société du réseau des Économusées (SRÉ), fait la même observation. « De plus en plus de nos membres font l’ajout d’une dimension “nourriture”, sans nécessairement se transformer en restaurants, dit-il. On a des membres qui ont commencé à servir de l’alcool, ou des plateaux de charcuteries et fromages, par exemple. En s’inspirant du tourisme lent, on veut que les gens restent longtemps, passent du temps sur place, plutôt que d’aller dans la boutique et puis c’est fini. On veut que les gens en profitent. »


De nouveaux joueurs

Cette volonté de diversifier les activités se reflète d’ailleurs dans l’arrivée de producteurs dans l’arène de l’agrotourisme. Selon Martin Caron, président de l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA), de plus en plus d’agriculteurs ont récemment réalisé qu’ils pouvaient tirer des revenus intéressants de la rencontre avec le public. « Beaucoup de fermes de proximité s’y sont mises, parce qu’elles voient qu’elles peuvent tirer des revenus additionnels, avec la même production. Et ça leur permet d’échanger, de transmettre leur passion et de faire connaître leurs produits », dit-il.

Une tendance que Caroline Delorme confirme : « on a plusieurs nouveaux joueurs, puisque plusieurs se rendent compte que le volet agrotourisme peut aider à allonger leur saison et à apporter des revenus supplémentaires ».

Peu importe les solutions qui seront préconisées cette année, Martin Caron tient à célébrer le grand pouvoir d’adaptation des producteurs. « Il faut le mentionner, ces dernières années, nos membres ont fait les investissements nécessaires, ils sont fiers d’accueillir les gens, de partager leur histoire. Ils sont débrouillards, ils s’adaptent et ils s’investissent. Il faut continuer de mettre ça en valeur. »