La sauvegarde et la valorisation du patrimoine immobilier aurait une portée économique, environnementale et sociale. (Photo: 123RF)
ARCHITECTURE. Selon le commissaire au développement durable du Vérificateur général du Québec (VGQ), Paul Lanoie, la «réhabilitation d’un bâtiment existant peut s’avérer plus économique que la construction d’un nouvel édifice». S’exprimant à propos de la sauvegarde et la valorisation du patrimoine immobilier dans le tome de juin 2020 du rapport du VGQ, il souligne qu’une intervention sur des édifices existants aurait dans les faits une portée économique, environnementale et sociale.
Il donne entre autres l’exemple d’un bâtiment de 1908 sis dans la municipalité manitobaine de Neepawa, dont la réhabilitation a engendré des économies de 22 % par rapport à une nouvelle construction équivalente.
Des cycles
Pour arriver à ce constat, il faut procéder à l’analyse du cycle de vie de l’édifice, explique l’architecte spécialiste en patrimoine Anne Vallières, de la firme STGM architectes. «Un bâtiment préservé sera peut-être un peu moins performant du point de vue de l’économie d’énergie, par exemple, mais quand on considère qu’il existe depuis une centaine d’années, qu’il a subi l’épreuve du temps, plusieurs cycles de gel et dégel, qu’il a résisté à des tremblements de terre… on détient la preuve qu’il est durable», précise celle qui est aussi chargée de cours à l’École d’architecture de l’Université de Laval. Elle souligne également que «plusieurs bâtiments neufs vieillissent mal, parce que les matériaux synthétiques n’étaient pas aussi performants» que prévu.
«La plupart du temps, les analyses comparatives de coûts démontrent que la réhabilitation d’un bâtiment est plus économique que la construction d’un nouvel édifice équivalent, à condition de considérer le cycle de vie et non seulement le coût des travaux de construction», poursuit Anne Vallières.
Impacts diminués
La protection d’un bâtiment existant serait aussi moins néfaste pour l’environnement que la construction d’un édifice neuf équivalent. «Dans plusieurs cas, pour des bâtiments de même taille destinés au même usage, la réutilisation d’édifices a moins d’impact sur l’environnement que la construction d’édifices neufs», peut-on lire dans le rapport du VGQ.
C’est notamment pourquoi Anne Carrier, présidente de l’Association des architectes en pratique privée du Québec, déplore le sort des écoles. «On a tendance à vouloir toutes les détruire, parce qu’elles ne sont plus appropriées, alors qu’il existe des recherches très pointues sur comment les réutiliser en intégrant les visions éclatées d’aujourd’hui, où l’on n’enseigne plus de la même façon», fait valoir celle dont la firme, Anne Carrier architecture, possède une expertise en bâtiments patrimoniaux.
Durer longtemps
Construire un nouvel édifice nécessite à peu près autant d’énergie que le faire fonctionner pendant 40 à 80 ans, chiffre Paul Lanoie. Les déchets de destruction d’édifices occupent quant à eux une importante place dans les sites d’enfouissement des grandes villes, ce qui est non seulement néfaste pour l’environnement, mais aussi coûteux. Enfin, l’immobilier représente le secteur offrant le plus d’occasions de réduire, à coûts raisonnables, les émissions de gaz à effet de serre en apportant des améliorations en matière d’efficacité énergétique, rapporte le commissaire.
«On peut arriver à conserver davantage de bâtiments existants, croit Anne Carrier. Mais pour bien le faire, il faut réfléchir avec des architectes – notamment en pratique privée -, mais aussi avec des chercheurs. Cela pourrait être une bonne combinaison afin de répondre aux attentes du VGQ.»
Grand employeur
Le commissaire Lanoie indique également dans ses observations sur la valorisation du patrimoine immobilier que «comme la restauration d’immeubles implique en général un travail très méticuleux, elle participe au maintien ou à la création d’emplois». Selon une étude citée dans le rapport du VGQ, la réhabilitation de bâtiment nécessite en moyenne 66 % plus de main-d’oeuvre qu’une nouvelle construction en Ontario.
D’ailleurs, une étude de 2016 portant sur les retombées économiques du patrimoine de Québec conclut que si l’«écosystème patrimonial» représentait un seul donneur d’ouvrages, celui-ci se placerait au cinquième rang des dix plus grands employeurs des régions de Québec et de Chaudière- Appalaches. Selon cette analyse réalisée à la demande de la Ville, le secteur est à l’origine de plus de 6400 emplois et contribue à l’économie régionale à hauteur de 380 millions de dollars.
«Tous les emplois liés à la valorisation du patrimoine ont un réel impact économique, assure Anne Vallières. Ce sont les gens de la construction, les experts-conseils d’architecture et d’ingénierie, mais aussi les centres d’interprétation, les musées, les salles de spectacle, le tourisme…»
En juin, Paul Lanoie a aussi mentionné l’importance du tourisme généré autour des sites historiques, ainsi que la revitalisation des centres-villes, qui «peut accroître la valeur foncière de l’ensemble des propriétés et gonfler l’assiette fiscale des municipalités».