La Stratégie vise l’adoption de pratiques exemplaires dans les projets menés par l’État. (Photo : 123RF)
ARCHITECTURE. Après une longue attente, les architectes du Québec voient enfin la définition de leur profession être modernisée. Le projet de loi 29, qui englobe un grand nombre de modifications au Code des professions, a été adopté le 24 septembre à l’unanimité par les députés provinciaux. La nouvelle Loi sur les architectes a été sanctionnée le jour même, une nouvelle qui réjouit la communauté.
« C’est une avancée énorme, affirme Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ). On a une très belle définition, dans laquelle on sent que l’architecte devient un joueur clé dans la création du cadre bâti. »
Même réaction du côté de l’Association des architectes en pratique privée du Québec. « Toutes les préoccupations ont été entendues, indique sa directrice générale, Lyne Parent. L’ancien projet de loi n’était pas très bavard, alors que cette nouvelle mouture donne beaucoup plus de précisions sur le champ de pratique des architectes et sur les actes qui leur sont réservés. »
Faire de la surveillance des travaux un acte réservé aux architectes représente un ajout fondamental, selon les deux intervenants. Auparavant, celle-ci pouvait être exercée par une tierce personne qui « ne possède pas nécessairement la compréhension ni la formation pour confirmer que les travaux ont été réalisés conformément aux plans et aux devis de l’architecte », souligne M. Corriveau, également associé de la firme CGA architectes.
La loi n’oblige cependant pas la surveillance des travaux de construction. Elle ne fait que préciser que si elle a lieu, cette supervision doit être confiée à celui qui a élaboré les plans, en l’occurrence l’architecte.
Or, l’obliger représente une mesure essentielle pour la protection du public, estime l’OAQ. « Des gens payent pour obtenir des plans et des devis, mais n’ont aucune garantie que la construction est conforme », fait valoir Pierre Corriveau.
Si la surveillance des travaux finit par être imposée, ce sera dans le cadre de la modification d’une autre législation. « Possiblement dans la Loi sur le bâtiment, avance Lyne Parent. Pour des questions juridiques, celle sur les architectes ne représente pas le bon véhicule. »
Une stratégie qui se fait attendre
Pendant que la Loi sur les architectes aboutit, la Stratégie québécoise de l’architecture, elle, stagne. Un an et demi après avoir été lancée, l’élaboration de ce document qui se concentre sur les notions de qualité architecturale a été mise en pause, notamment en raison de la pandémie.
Une porte-parole du ministère de la Culture et des Communications (MCC), Émilie Mercier, a expliqué à « Les Affaires » par courriel que la crise sanitaire et le patrimoine immobilier représentent actuellement les priorités. « Le Ministère concentre d’abord ses efforts et ressources […] sur la mise en œuvre du plan de relance économique pour la culture [et] consacre beaucoup de temps et d’énergie à préparer son plan d’action en patrimoine immobilier afin de répondre au rapport du Vérificateur général du Québec déposé en juin dernier », écrit-elle.
Bien que Pierre Corriveau comprenne la pression que subit le MCC, il considère que la Stratégie prend justement tout son sens alors que le gouvernement entend relancer l’économie avec le projet de loi 66, qui porte sur l’accélération de projets d’infrastructure. « Elle constitue un outil précieux pour accompagner cette relance, fait-il valoir. C’est pourquoi nous souhaitons qu’elle franchisse les dernières étapes de son élaboration afin d’être mise dès que possible au service des Québécois. »
Le document, qui s’adresse à tous les intervenants du cadre bâti, se penche aussi sur le patrimoine. Il permettrait également d’aider la rédaction du plan d’action du MCC. « Les deux sont complémentaires et mériteraient d’être déployés simultanément », ajoute le président de l’OAQ.
Lancée dans le cadre du Plan d’action gouvernemental en culture 2018-2023, la Stratégie québécoise de l’architecture pourrait concerner près de 41 % du Plan québécois des infrastructures, une somme atteignant 47 milliards de dollars, selon les données du MCC. Le Ministère a investi plus de 75 000 $ dans ce processus depuis le lancement des travaux, en avril 2019.
La Stratégie sera commentée lors d’une consultation interministérielle qui doit avoir lieu dans les prochains mois, affirme le MCC. « C’est une très belle promesse sur la valeur de l’architecture dans la création de milieux de vie de qualité », estime Pierre Corriveau, qui se dit confiant du potentiel du document lu l’automne dernier.
La Stratégie vise l’adoption de pratiques exemplaires dans les projets menés par l’État, indique le Ministère. Elle permettrait aussi de stimuler la créativité et l’innovation en architecture et en design urbain, renchérit le président de l’OAQ.
« Un bâtiment bien conçu est une jouissance pour tous, alors que s’il est mal conçu, ça devient un irritant, rappelle-t-il. Une bonne conception nécessite de prendre le temps de réfléchir et de se donner tous les moyens et les outils pour parvenir à une solution qui fonctionne esthétiquement, socialement, écologiquement… une solution tout à fait optimale, donc. »