La pharmacogénétique, une formule gagnante pour Ubisoft
Pierre-Luc Trudel|Édition de la mi‑octobre 2019«Quand tu regardes les coûts humains et financiers de l’invalidité, ça ne prend vraiment pas beaucoup de journées d’absence en moins pour payer un test de quelques centaines de dollars», selon Louis-François Poiré, directeur, Rémunération globale chez Ubisoft Montréal. (Photo: courtoisie)
ASSURANCES COLLECTIVES ET RÉGIMES DE RETRAITES. Ubisoft Montréal a été l’une des premières entreprises du Québec à croire au potentiel de la pharmacogénétique d’aider ses employés à se remettre plus vite sur pied… et de mieux gérer les coûts de son régime d’assurance invalidité.
«Mon but, c’est de faire en sorte que les employés puissent être au travail et en pleine forme pour produire les meilleurs jeux vidéo du monde», résume Louis-François Poiré, directeur, Rémunération globale chez Ubisoft Montréal.
Depuis 2016, tout employé qui a reçu un diagnostic de trouble de santé mentale peut passer un test pharmacogénétique, qui sera alors remboursé à 100 % par l’employeur. «On n’a aucune résistance des employés. Ils disent tous oui quand le médecin leur explique que c’est gratuit pour eux et que ça va les aider à guérir plus vite», assure M. Poiré. S’ils le jugent nécessaire, les praticiens peuvent également proposer à leurs patients de se soumettre à un test pharmacogénétique même si leur diagnostic n’est pas lié à la santé mentale. Ubisoft en assumera tout de même les coûts.
Le succès de ce programme repose en grande partie sur la clinique implantée dans les bureaux du développeur de jeux vidéo depuis déjà une dizaine d’années. Les médecins qui y travaillent ont tous inclus les tests pharmacogénétiques dans leur pratique. L’entreprise québécoise qui les fournit, BiogeniQ, s’est d’ailleurs rendue sur place pour donner une formation.
«Notre clinique interne est le plus grand propagateur d’information sur ces tests. On compte beaucoup sur le bouche-à-oreille», explique M. Poiré, qui précise que le programme est aussi offert aux employés qui consultent ailleurs qu’à la clinique d’Ubisoft. Le défi est alors de sensibiliser les travailleurs au fait d’aborder la question des tests pharmacogénétiques avec leur médecin.
Un «no-brainer»
Lors du lancement du programme, il y a trois ans, Ubisoft s’est assurée de mettre en place une stratégie de communication claire et transparente. En plus d’insister sur le fait que l’employeur n’aurait jamais accès aux résultats des tests, l’entreprise a pris bien soin d’expliquer la différence entre la pharmacogénétique et la génétique prédictive. «On a vraiment voulu clarifier que ces tests permettent uniquement de savoir si une molécule sera métabolisée rapidement ou lentement par un individu, c’est tout. Aucune donnée potentiellement discriminatoire n’est recueillie», affirme M. Poiré.
Il admet toutefois ne pas avoir un volume de données suffisamment important pour dégager des résultats statistiquement significatifs en ce qui concerne le bilan du programme trois ans après son implantation, mais dit observer une réduction de la durée des absences des employés. «Pour moi, les tests pharmacogénétiques, ça fonctionne : c’est un no-brainer. Quand tu regardes les coûts humains et financiers de l’invalidité, ça ne prend vraiment pas beaucoup de journées d’absence en moins pour payer un test de quelques centaines de dollars.»
L’utilisation de la pharmacogénétique permet non seulement de réduire la durée des périodes d’invalidité, mais aussi d’améliorer la qualité de vie – et donc la productivité – des employés qui se présentent au travail tout en consommant des médicaments. «La prise de certains médicaments peut causer des nausées, des problèmes de sommeil ou encore des palpitations, ce qui nuit à la concentration au travail. En réduisant la période où les employés sont incommodés par des effets secondaires, on réalise des gains de productivité», indique le directeur.
M. Poiré ne se fait pas d’illusion non plus : la pharmacogénétique a ses limites. «Ce n’est jamais une certitude ; ce n’est pas toutes les molécules que l’on peut tester, et ce n’est pas parce qu’il y a un crochet vert à côté d’une molécule sur le rapport qu’elle va forcément bien fonctionner. Ce n’est pas une science exacte.»