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Comment se porte la santé mentale des assurés?

Jean-François Venne|Édition de la mi‑octobre 2021

Comment se porte la santé mentale des assurés?

Frédéric Leblanc, pharmacien et conseiller stratégique en gestion des médicaments (Photo: courtoisie)

ASSURANCES COLLECTIVES ET RÉGIMES DE RETRAITE. Depuis plusieurs années, les réclamations liées à la santé mentale sont en hausse dans les régimes d’assurances collectives. Les assureurs tentent maintenant d’évaluer si la pandémie qui s’étire exacerbe ce problème.

Les dépenses pour des médicaments qui combattent la dépression ont augmenté en 2020 par rapport à 2019, selon le gestionnaire de régime de soins de santé Express Scripts Canada. Cette famille de médicaments a même dépassé l’hypertension artérielle, pour s’établir au quatrième rang du classement de la firme. 

Industrielle Alliance a par exemple remarqué une hausse de 15 % à 20 % du nombre de personnes qui ont présenté des réclamations pour des antidépresseurs depuis le début de la crise sanitaire. Les assurés auraient aussi pris ces médicaments sur une plus longue période. « C’est un signal clair que les preneurs de régime doivent continuer à prendre des mesures pour aider leurs membres à préserver ou améliorer leur santé mentale dans le contexte de la pandémie », avance Frédéric Leblanc, pharmacien et conseiller stratégique en gestion des médicaments.

 

Les jeunes très affectés

En juillet, l’Indice de santé mentale des Canadiens de Solutions Mieux-Être LifeWorks restait en moyenne 10 points sous le score de référence. L’Indice établit un score de base de « 0 » pour l’année 2017 et calcule ensuite si la situation s’améliore ou se détériore par rapport à cette année-là. Le Québec (-9,2) se portait un peu mieux que la moyenne canadienne (-10,1).

« Certains groupes de personnes semblent plus affectés, comme les gestionnaires, les femmes et surtout les jeunes de 20 à 29 ans, dont l’Indice de santé mentale demeure deux fois moins bon que la moyenne », indique Sophia Veilleux, directrice clinique régionale à Solutions Mieux-être LifeWorks.

Ces données illustrent bien l’impact de la pandémie sur la santé mentale. Celle-ci s’est détériorée fortement à partir de mars 2020, avant de s’améliorer durant l’été lorsque le nombre de cas de COVID-19 a diminué, pour replonger lors de la deuxième vague, puis remonter un peu de nouveau. 

Sophia Veilleux déplore que les travailleurs aient pris plus de temps avant de contacter leur programme d’aide aux employés au début de la crise sanitaire. « Là, nous voyons une nette hausse des demandes d’aide, mais dans certains cas l’attente a empiré le problème », indique-t-elle.

 

Une situation dure à lire

Beneva constate quant à elle une tendance à la hausse des réclamations d’invalidités liées à la santé mentale depuis au moins le tournant des années 2010. « Cependant, cette hausse ne s’est pas poursuivie depuis le début de la pandémie, relève Éric Trudel, vice-président exécutif et leader en assurance collective. C’est inquiétant, dans la mesure où ça pourrait refléter un sous-diagnostic. » 

Même le retour à des conditions de vie plus normales pourrait générer certains problèmes. « Nous ne savons pas, par exemple, à quel point le retour au bureau causera de l’anxiété à des gens qui restent à la maison depuis plus d’un an et demi ni quel sera l’impact du travail hybride sur la santé mentale des employés », illustre-t-il.

Beneva a contribué au lancement, en juin 2020, de la nouvelle Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail de l’Université Laval, avec un financement de 1 million de dollars. Celle-ci visera notamment à développer les connaissances et les outils en autogestion de la santé mentale.

 

Des années difficiles

De son côté, RBC Assurances a aussi noté une stabilisation des réclamations en santé mentale en 2020. « Depuis le début de 2021, nous recommençons à voir des hausses dans ces demandes, mais nous approchons à peine des niveaux prépandémiques », précise Julie Gaudry, directrice générale principale, assurance collective.    

De manière générale, RBC Assurances ne relève pas d’augmentation importante de la proportion des réclamations qui sont liées à la santé mentale. En observant certains sous-groupes cependant, le portrait devient plus alarmant. « Chez les travailleurs de moins de 35 ans, cette proportion avoisine présentement 50 %, alors que traditionnellement elle se situe plus autour de 40 % », estime Julie Gaudry. 

L’assureur constate également une hausse significative du nombre de demandes au Québec. Il s’agit normalement de la province où RBC Assurances enregistre le plus de réclamations liées à la santé mentale, mais aussi l’endroit où celles-ci durent le moins longtemps. Cela peut indiquer que les Québécois consultent plus tôt lorsqu’ils éprouvent des ennuis de ce type. Un bon réflexe que la crise sanitaire pourrait avoir émoussé.

« Les réclamations en santé mentale ont toujours représenté une portion importante du total, mais la pandémie a exacerbé cette situation, reconnaît Julie Gaudry. Nous nous préparons maintenant à affronter des années plus difficiles sur ce plan. »