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Soigner les régimes d’assurance médicaments avec le biosimilaire

Jean-François Venne|Édition de la mi‑octobre 2021

Soigner les régimes d’assurance médicaments avec le biosimilaire

(Photo: Laurynas Mereckas pour Unsplash)

ASSURANCES COLLECTIVES ET RÉGIMES DE RETRAITE. Les dépenses des régimes d’assurance médicaments publics et privés augmentent fortement depuis plusieurs années, notamment en raison des médicaments biologiques, dont plusieurs coûtent très cher. L’arrivée de versions biosimilaires pourrait changer la donne.

Bien qu’ils fassent beaucoup parler d’eux, les médicaments biosimilaires restent mal connus, peu utilisés et parfois confondus avec les médicaments génériques. « Les médicaments génériques copient les molécules chimiques des médicaments d’origine et contiennent les mêmes ingrédients actifs, en même quantité ; ils peuvent ainsi être considérés comme équivalents, explique le pharmacien et conférencier Marc Parent. Cependant, les médicaments biologiques sont fabriqués à partir de cellules vivantes et sont souvent très complexes. Donc, les biosimilaires ne sont jamais identiques aux médicaments de référence. » 

Avant d’obtenir l’approbation de Santé Canada, un médicament biosimilaire doit subir plus de tests qu’un générique pour démontrer son efficacité. Ses effets secondaires sont en général très semblables à ceux du médicament biologique de référence. Il ne peut entrer sur le marché tant qu’un brevet protège le médicament d’origine. 

Omnitrope, un traitement d’hormone de croissance produit par Sandoz, est devenu le premier biosimilaire autorisé par Santé Canada en 2009. En date de mai 2021, le pays comptait 36 biosimilaires approuvés qui soignent des maladies aussi variées que l’ostéoporose, la maladie de Crohn, le psoriasis, l’arthrite, le cancer du sein ou les embolies pulmonaires. Mais l’usage reste peu répandu. Ces médicaments représentent à peine 3 % des prescriptions admissibles au Québec, contre près de 80 % dans certains pays européens, selon l’association Biosimilaires Canada.

 

Épargner 100 millions de dollars par année

« Si les médecins ont continué de prescrire les médicaments d’origine, les payeurs — comme les régimes d’assurance médicaments publics — s’intéressent de près aux biosimilaires, qui coûtent beaucoup moins cher », note Martin Papillon, PDG d’AGA Assurances collectives. L’industrie des biosimilaires espérait donc un geste des gouvernements provinciaux pour débloquer la situation.

Leurs prières ont été entendues. En mai dernier, le gouvernement du Québec a annoncé qu’à partir d’avril 2022, il ne remboursera plus les médicaments biologiques qui peuvent être remplacés par un biosimilaire. Les femmes enceintes (jusqu’à 12 mois après leur accouchement), les mineurs et les patients qui ont vécu des échecs thérapeutiques avant de trouver un médicament biologique efficace pour eux sont exemptés. 

La Colombie-Britannique, l’Alberta et le Nouveau-Brunswick ont aussi effectué ce tournant récemment. L’Ontario comptait les imiter en 2020, mais la pandémie a bousculé ses plans.

« Maintenant que le gouvernement du Québec prend ce virage, l’approche des médecins envers les biosimilaires va forcément évoluer, puisqu’une grande partie des Québécois sont couverts par le régime public, avance Martin Papillon. À moyen terme, cela pourrait changer leur comportement de prescription même pour les participants à un régime privé. »

Québec compte ainsi épargner plus de 100 millions de dollars par année, car les médicaments biosimilaires coûtent en moyenne 30 % moins cher que les biologiques, avec des pointes à 50 %. « Le producteur du médicament d’origine a assumé les dépenses de la recherche liée à son développement, ce qui explique une partie de la différence de prix », précise Marc Parent. Le pharmacien ajoute que les prix sont également largement établis en fonction de stratégies commerciales axées sur la valeur pharmacoéconomique, qui tient compte par exemple des bienfaits pour la santé du patient ou des coûts de le traiter sans ce médicament.

« Les producteurs de médicaments biologiques bénéficient d’un monopole pendant plusieurs années, donc ils peuvent fixer les prix, rappelle pour sa part le président de Biosimilaires Canada, Jim Keon. L’arrivée des biosimilaires amène de la concurrence dans ce marché. » 

 

La résistance s’organise

La différence de prix des biosimilaires a une influence potentielle importante sur les régimes d’assurance médicaments, qui peinent à contrôler leurs dépenses. D’autant plus que, rappelle Marc Parent, la plupart des médicaments en développement sont biologiques. Plusieurs d’entre eux risquent donc de coûter assez cher. 

« Au Québec, les médicaments biologiques représentent à peine plus de 1 % du volume des prescriptions, mais environ 30 % des coûts pour l’ensemble des médicaments d’ordonnance », explique Jim Keon.

Les médicaments similaires n’ont cependant pas que des défenseurs. L’Alliance for Safe Biologic Medicines (ASBM) — une coalition mondiale de médecins et d’organisations de patients — milite déjà activement contre ce qu’elle appelle les « politiques de substitution forcée », qui éroderaient la liberté de choix des médecins et des malades. L’ASBM ne se gêne pas pour laisser entendre que certains malades n’obtiendront pas des effets aussi satisfaisants avec les biosimilaires. 

« Les fabricants de médicaments biologiques ne resteront pas les bras croisés devant le virage vers les biosimilaires pris par les gouvernements provinciaux. Ils tenteront de défendre leurs parts de marché », prévient Marc Parent.

CHIFFRES

En 2018, au Québec, les médicaments biologiques représentaient 1,1 % des ordonnances, mais 30,5 % des coûts.

Sources : IQVIA, données des ventes en pharmacie et dans les hôpitaux et Compuscript

 

7 des 10 médicaments les plus vendus au Canada — qui représentent 5,3 milliards de dollars de ventes annuelles — sont biologiques.

Source : The 20Sense Report, janvier 2021

 

36 : Nombre de médicaments biosimilaires autorisés par Santé Canada en date de mai 2021

Source : Santé Canada

 

Les médicaments biosimilaires coûtent en moyenne 30 % moins cher que les médicaments biologiques.

Source : Biosimilaires Canada

 

100 millions de dollars par année : économie potentielle du virage vers les biosimilaires du gouvernement du Québec 

Source : gouvernement du Québec