AVANTAGES SOCIAUX ET RÉGIMES DE RETRAITE. Pour demeurer attrayants aux yeux des travailleurs, les employeurs cherchent à bonifier leur offre d’avantages sociaux. Répondre aux attentes de tous les employés représente toutefois un gros défi. Pour le relever, mieux vaut adopter une démarche cohérente.
Avant d’augmenter son menu d’avantages sociaux, l’employeur doit recenser ce qu’il offre déjà et bien saisir comment ses programmes fonctionnent et comment leurs coûts évoluent. « Il pourra ensuite se comparer à ce que les autres entreprises de son secteur proposent, afin de vérifier si son offre est compétitive », avance Jacinthe Buteau, directrice responsable des services en rémunération globale à Solertia.
Par la suite, les employeurs devraient se tourner vers leurs salariés pour bien comprendre leurs besoins. « Encore trop peu d’employés le font de manière systématique », déplore Yves Pelletier, vice‑président aux assurances et aux rentes collectives au Groupe Cloutier. Il confie que bien des employeurs, inquiets de la pénurie de main-d’œuvre, l’appellent par exemple pour mettre un régime de retraite en place, mais sans que ce soit intégré à une stratégie et sans savoir à quel point cela répondrait aux désirs de leurs travailleurs.
Ce n’est pas anodin. Le sondage 2023 de WTW sur les tendances en matière d’avantages sociaux au Canada révèle de grandes disparités entre les priorités des employeurs et les attentes des employés. Pour les premiers, le soutien en santé mentale vient en tête de liste, suivi des soins de santé et de l’inclusion et de la diversité. Pour les seconds, c’est plutôt la planification de la retraite ou des finances à long terme, le soutien à la prise de décision en matière d’avantages sociaux et le travail flexible qui comptent le plus. Le soutien en santé mentale pointe au sixième rang et l’inclusion et la diversité, en dixième place.
Une offre bien adaptée
Ces premières étapes visent à amasser le plus d’informations possible pour comprendre à la fois ce qu’on propose déjà, ce que les employés pensent de cette offre et ce qu’ils aimeraient avoir. Cela permet de bâtir des programmes qui correspondent aux attentes des équipes, plutôt que de copier ce qui existe sur le marché.
Par exemple, le contexte économique difficile, marqué par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, impose un stress financier accru aux employés. Le retour de la volatilité sur les marchés financiers engendre en outre des inquiétudes quant à la planification de la retraite. Le premier réflexe des travailleurs consiste souvent à demander des augmentations de salaire, une réponse qui n’est pas soutenable à long terme pour plusieurs entreprises.
Quand on creuse un peu, on réalise cependant que les employés attendent aussi du soutien de leurs employeurs sur le plan du conseil, comme l’indique le sondage de WTW. « Les gens ont besoin d’aide pour gérer leur budget et leurs dettes et pour bien structurer leur épargne-retraite, indique Jérôme Dionne, vice‑président aux régimes de retraite et d’épargne à Solertia. Certains employeurs proposent donc des programmes de mieux-être financiers, qui sont très appréciés par leurs utilisateurs. »
Pour que ceux-ci soient efficaces, les employeurs doivent ici aussi bien connaître la situation financière de leurs employés. On risque de constater une grande différence entre les besoins d’un employé plus âgé qui a remboursé son hypothèque, un plus jeune qui voit arriver avec l’angoisse le moment de renégocier son prêt et un préretraité qui craint de manquer d’argent pendant sa retraite.
« On parle beaucoup de santé physique et mentale, et les programmes à ces égards sont de plus en plus répandus, mais les programmes de mieux-être financier restent moins fréquents, donc ça peut représenter une bonne façon de se distinguer », souligne Jacinthe Buteau.
Savoir parler à ses employés
La communication des avantages sociaux offerts par une entreprise représente aussi, pour beaucoup d’entre elles, un point à améliorer. Sur ce plan aussi, on n’y arrivera qu’en connaissant bien ses équipes. « On ne peut pas se contenter d’une petite communication une fois par année, note Jacinthe Buteau. On doit créer plusieurs occasions pour en parler et s’assurer que les employés comprennent bien ce à quoi ils ont droit et qu’ils les utilisent de manière optimale. »
Les canaux de communication se sont multipliés ces dernières années et certains travailleurs peuvent être plus à l’aise avec certains d’entre eux. Bien sûr, les moyens électroniques tels les textos, les webinaires et autres conférences virtuelles peuvent plaire à certains, mais d’autres préféreront rencontrer des conseillers en personne, surtout pour des sujets sensibles comme la santé ou les finances. « Comme dans tout ce qui concerne l’offre d’avantages sociaux, prévient Jérôme Dionne, la flexibilité et la diversité des moyens de communication sont essentielles. »
Optimiser chaque dollar investi dans les régimes d’avantages sociaux est un exercice éminemment complexe quand certaines dépenses en santé augmentent de près de 10 % cette année. Plus que jamais, il devient essentiel pour les employeurs de miser sur la valeur des avantages sociaux offerts aux employés afin de rester concurrentiels dans un monde du travail en grand bouleversement.
La hausse annuelle des coûts de soins se chiffre à 6 ou 7 % depuis plusieurs années au ¬Canada. Bien qu’il y ait encore beaucoup d’incertitude quant à la durée des pressions inflationnistes mondiales, ¬Aon prévoit une hausse de 7,5 % des coûts des soins médicaux offerts par les employeurs canadiens en 2023.
Outre le développement de nouveaux médicaments biologiques qui entraîne une hausse des dépenses depuis plusieurs années, certains fournisseurs de soins de santé ont augmenté de façon importante leurs tarifs en 2023. « L’Association des chirurgiens dentistes du ¬Québec a publié son guide des tarifs des soins ¬bucco-dentaires et on a vu une augmentation moyenne de 9,8 % au 1er janvier 2023, indique ¬Dominique ¬Millette, directrice, développement des affaires à iA ¬Groupe financier. Ce n’est qu’un exemple parmi toute la gamme de services, et cela a indéniablement une incidence directe sur le coût des assurances collectives. »
Par ailleurs, plusieurs pathologies exercent une pression sur les dépenses en santé, notamment les maladies ¬auto-immunes, le diabète et les troubles de santé mentale, soit en raison d’une plus grande prévalence, soit en raison de nouveaux traitements plus coûteux. Finalement, « la pandémie a entraîné d’importants retards dans les chirurgies et les tests diagnostiques, ce qui a un effet sur la santé des individus et, ultimement, risque d’entraîner des coûts plus élevés », rappelle ¬Martin ¬Charron, associé, assurance collective chez ¬Normandin ¬Beaudry.
L’année 2024 pourrait être encore plus difficile, selon ¬Cathy ¬Perron, codirectrice des Solutions pour la santé d’Aon ¬Canada. « ¬La façon dont on calcule notre tarification dans nos régimes comprend l’expérience passée, de telle sorte qu’on n’a pas l’impact de l’inflation au moment où elle arrive, ¬explique-t-elle. On peut donc s’attendre à voir l’incidence des hausses arriver de deux à six mois plus tard que ce qu’on perçoit dans notre quotidien. »
Miser sur la flexibilité… et les soins virtuels
Dans ce contexte économique difficile, combiné à une pénurie d’employés, les employeurs tentent d’optimiser les dépenses en avantages sociaux afin de rester compétitifs. Différents produits mis à la disposition des employés s’avèrent particulièrement appréciés, notamment les soins de santé virtuels. « ¬Cela représente seulement quelques dollars par mois par certificat et les taux d’utilisation de ce service sont très élevés », mentionne ¬Dominique ¬Millette. Un sondage ¬Ipsos mené en 2020 a d’ailleurs révélé que 72 % des ¬Canadiens verraient leur employeur de façon plus positive si on leur offrait un service de télémédecine.
Plus généralement, la santé et le ¬bien-être sont les piliers d’une culture d’entreprise solide. « Une personne en début de carrière a des besoins différents d’une personne près de la retraite, constate ¬Cathy ¬Perron. Il faut donc s’adapter à sa population. Un régime flexible répondra aux attentes de plus de gens. C’est un élément qui ne coûte pas très cher et qui donne énormément de satisfaction aux employés. »
Il suffit de quelques options supplémentaires, comme les soins de santé virtuels, pour rendre un régime flexible. « ¬Même une petite entreprise qui a peu de budget peut se donner de la flexibilité, ajoute ¬Cathy ¬Perron. Il suffit d’opter pour un régime plus minimaliste, de façon à procurer plus de flexibilité aux employés. L’employeur offre la base qu’il juge nécessaire. »
Les comptes de soins de santé, pour couvrir des dépenses médicales non remboursées par leur régime, et les comptes de ¬mieux-être ont également gagné en popularité. « Plusieurs employeurs en ont élargi la portée, mentionne ¬Martin ¬Charron. Au départ, ces comptes permettaient surtout de rembourser des frais pour des activités physiques ou des équipements sportifs, mais plusieurs autorisent maintenant le remboursement des frais liés au maintien de la santé mentale, des frais de garde ou d’autres services domestiques, des titres de transport en commun ou des équipements de bureau pour le télétravail. »
Et à la question : salaire ou avantages sociaux ? Cathy ¬Perron répond que les stratégies adoptées concernant les salaires et les avantages sociaux doivent être le reflet d’une culture organisationnelle. « Quand ils choisissent un employeur, les gens ne veulent pas juste accepter une offre mirobolante. On a vu des gens revenir à leur employeur précédent, parce que le salaire n’est pas tout. La culture d’entreprise, c’est très important dans le quotidien des gens. »
Encadré
73 % des employés de 18 à 34 ans et 69 % des employés de 35 à 44 ans sont susceptibles de changer d’employeur afin de profiter d’un meilleur régime d’avantages sociaux.
Dans un bon régime d’avantages sociaux, les travailleurs recherchent avant tout :
Du soutien en santé mentale : 88 %
Un compte de soins de santé : 80 %
Des couvertures facultatives
personnalisées : 79 %
Source : ¬RBC Assurance