Les fonds à date cible répondent-ils vraiment à vos besoins?
Pierre-Luc Trudel|Publié le 07 septembre 2022Ce sont 60 % des revenus de retraite des participants qui proviennent des rendements obtenus après le départ à la retraite. (Photo: 123RF)
ASSURANCES COLLECTIVES ET RÉGIMES DE RETRAITE. Bien que les fonds à date cible aient permis aux participants de régimes de retraite à cotisation déterminée (CD) d’améliorer les rendements obtenus sur leurs placements, ces instruments financiers demeurent peu efficaces pour offrir un bon niveau de remplacement du revenu à la retraite. Les promoteurs devraient-ils envisager une nouvelle stratégie?
« Avec les fonds à date cible, on propose de l’accumulation de capital aux participants. Or, ce qu’ils recherchent, c’est un revenu de remplacement à la retraite », a affirmé Mark S. Yamada, président et chef de la direction de Pur Investing, lors du Forum de l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA) en juin dernier à Montréal.
Selon lui, les fonds à date cible ne sont pas les meilleurs outils pour permettre aux participants d’atteindre un niveau de remplacement de revenu suffisant à la retraite en raison de leurs possibilités de personnalisation limitées et de leurs stratégies d’ajustement progressif de la répartition d’actif (glidepath) rigides.
L’approche actuelle fait en sorte que deux employés ayant exactement le même salaire, le même taux de cotisation, le même nombre d’années de service et le même portefeuille de placement, mais prévoyant de partir à la retraite à des dates de départ différentes, risquent de ne pas bénéficier des mêmes revenus de retraite.
Par exemple, un participant qui a pris sa retraite en 2021 après avoir cotisé l’équivalent de 9 % de son salaire pendant 40 ans dans un portefeuille composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations a accumulé trois fois plus d’argent qu’un autre participant ayant un profil identique, mais qui est parti à la retraite en 1980.
L’explication est simple: entre 1940 et 1980, la valeur de l’indice S&P 500 a été multipliée par 13, alors qu’elle a été multipliée par 34 entre 1981 et 2021. « Les rendements sont foncièrement injustes. Pourtant, les participants prennent tous leur retraite à des moments différents, l’approche actuelle n’est donc pas efficace », insiste M. Yamada.
S’inspirer de l’IGP
Plutôt que de suivre une trajectoire de réduction des risques à mesure que le participant vieillit, comme c’est le cas dans les fonds à date cible, le spécialiste privilégie plutôt une approche consistant à cibler le niveau de capital visé à la retraite et à gérer le portefeuille de placement de façon dynamique . « Il s’agit d’une approche inspirée de l’investissement guidé par le passif (IGP). C’est la différence entre de l’accumulation de capital et une pension », note Mark S. Yamada.
Plus précisément, la stratégie qu’il propose consiste à créer une trajectoire de gestion du risque personnalisée pour chaque participant en établissant un objectif de capital devant être accumulé à chaque âge. Selon que ces objectifs intermédiaires sont atteints ou non, le portefeuille peut ajuster à la hausse ou à la baisse le niveau de risque en fonction des besoins du participant.
« Il s’agit de gérer les placements en fonction des risques, et non d’une répartition d’actif qui évolue de façon linéaire comme dans les fonds à date cible », explique Mark S. Yamada.
Car si le niveau de risque des fonds à date cible diminue de façon constante au fil des années, ce n’est pas le cas du niveau de risque sur les marchés, qui est extrêmement volatil, poursuit-il. De là l’importance d’adopter une approche moins statique pour permettre aux participants d’atteindre leurs objectifs en matière de revenu de retraite.
Le spécialiste s’inquiète aussi du fait que les fonds à date cible n’ont jamais été éprouvés dans un environnement de marché hautement inflationniste comparable à celui que l’on connaît en ce moment.
Incontournable décaissement
Mark S. Yamada identifie un autre angle mort des fonds à date cible : le fait que 60 % des revenus de retraite des participants proviennent des rendements obtenus après le départ à la retraite. « Le problème, c’est qu’une fois à la retraite, on envoie encore trop de participants dans le marché de détail où les produits coûteux grugent leur capital », déplore-t-il.
Il se réjouit néanmoins du fait que les employeurs semblent de plus en plus sensibilisés sur la question. Selon un récent sondage d’Aon, 46 % des promoteurs de régimes d’accumulation de capital recherchent avant tout des produits financiers axés sur les revenus de retraite pour leurs participants. Il y a deux ans, cette proportion n’était que de 29 %.