Selon les experts et assureurs auxquels Les Affaires s’est adressé, le soutien des pairs et du supérieur immédiat joue justement un rôle central dans la préservation de la santé mentale des travailleurs. (Photo: 123RF)
ASSURANCES COLLECTIVES ET RÉGIMES DE RETRAITE. Avec la rareté de la main-d’œuvre, la numérisation des entreprises et la crise pandémique qui ont augmenté le stress au travail et modifié le visage de la détresse psychologique du personnel, les assureurs doivent revoir leurs propositions de service et développer une nouvelle relation avec les employeurs pour que ces derniers contribuent à réduire les risques de troubles de santé mentale chez leurs employés.
La Ferme Pinard et Frères, de Sainte-Monique, au Centre-du-Québec, n’enregistre aucun cas de détresse psychologique parmi ses presque 40 employés.
Pour le propriétaire, Benoit Pinard, il ne fait aucun doute que l’esprit de corps qui unit les membres du personnel y est pour quelque chose. « On choisit notre personnel en fonction de l’équipe », explique-t-il. « S’il y a un candidat qu’on ne croit pas compatible avec les autres employés, on ne l’embauche tout simplement pas », dit-il.
Selon les experts et assureurs auxquels Les Affaires s’est adressé, le soutien des pairs et du supérieur immédiat joue justement un rôle central dans la préservation de la santé mentale des travailleurs. « C’est le facteur psychosocial de protection le plus puissant », soutient Brigitte Marcoux, directrice nationale, excellence des pratiques et solutions d’accompagnement en santé organisationnelle au sein de Beneva.
La charge de travail, la reconnaissance, l’autonomie décisionnelle et une communication interne déficiente complètent l’éventail des principaux facteurs de risque que devraient surveiller les employeurs, souligne Michèle Parent, fondatrice et conseillère principale de Hygie Santé Organisationnelle.
Prévenir la détresse psychologique
Les employeurs peuvent agir sur ces facteurs de risque, signale Brigitte Marcoux dont la firme n’hésite pas à en faire le rappel aux employeurs, lorsque nécessaire. « Si l’incidence de santé mentale chez un client est trop élevée par rapport à l’ensemble de nos groupes, on intervient pour orienter l’employeur vers les meilleures pratiques », indique la gestionnaire. « On peut mettre en place des programmes de prévention des facteurs de risques psychosociaux, des comités de prévention qui mettent l’accent sur la santé mentale, ou encore donner de la formation aux gestionnaires qui se sentent souvent démunis devant ce type de problèmes », énumère Brigitte Marcoux.
La refonte de la loi sur la santé et la sécurité au travail [loi 59] prévoit d’ailleurs que « chaque employeur doit se doter d’un programme de prévention où il identifie et analyse les risques, dont les risques psychosociaux », souligne Michèle Parent. « La nouvelle loi oblige l’employeur à se préoccuper de la santé physique et psychique de ses employés », ajoute la consultante.
L’illusion d’un meilleur salaire
La pression que la rareté de la main-d’œuvre exerce sur les salariés constitue un autre risque auquel font face les employeurs et leurs assureurs.
« Le roulement de personnel est important », remarque Patrick Dufault, président et partenaire stratégie bien-être et engagement de Ki-Aï Conseils RH. « On observe diverses pénuries dans les processus de production, poursuit-il. Ça contribue à accentuer le stress chez les travailleurs. »
Pour compenser cette difficulté, des employeurs choisissent d’augmenter le salaire de leur personnel. Une fausse bonne idée, croit Patrick Dufault. « Les gens vont s’épuiser plus lentement parce qu’ils sont motivés par un meilleur salaire, mais si rien ne change dans l’organisation du travail, la hausse de rémunération ne fera que retarder l’apparition des risques psychosociaux et de santé mentale chez les employés », estime le consultant.
Réduire les coûts
Au-delà de la prévention, les compagnies d’assurances collectives souhaitent aussi réduire la valeur des indemnités en matière de soins, de médicaments et d’invalidité. « Les régimes sont devenus de moins en moins généreux avec l’explosion des coûts », signale Michèle Parent.
Les assureurs revoient donc leur offre de service. Des plans de couverture plus flexibles, avec des taux de remboursement plus ou moins élevés selon les besoins, apparaissent sur le marché.
Il peut cependant s’agir d’une arme à double tranchant, prévient Martin Nadon, directeur principal du développement de produit et formation au sein de Desjardins Assurances. « Le côté financier est le premier frein des personnes à se faire soigner. Plus l’employé doit débourser de sa poche, moins il se fait soigner et plus il peut être invalide longtemps », dit-il.
La technologie, comme la télémédecine et les tests pharmacogénétiques, qui permettent d’identifier quel médicament sera le plus efficace pour soigner une personne atteinte d’anxiété ou de dépression, par exemple, contribue aussi au contrôle des coûts des assureurs. « Le patient est gagnant parce qu’il va avoir accès au bon médicament plus rapidement, l’employeur aussi parce que la durée d’absence se trouve réduite. Quant à l’assureur, ça lui permet de débourser moins en médicaments et absence d’invalidité », explique Martin Nadon.