En 2023, l’Ozempic et le Rybelsus arrivaient en tête des médicaments les plus réclamés. (Photo: 123RF)
ASSURANCES COLLECTIVES. Les employeurs vivent des pressions inflationnistes du côté des avantages sociaux, en particulier de l’assurance collective. Ceux qui offrent des régimes de retraite complémentaires doivent plutôt composer avec le risque de longévité et une éventuelle baisse des taux d’intérêt.
Jeremie Clarke, vice-président régional pour l’Est du Canada, distribution assurances collectives d’Empire Vie, rappelle que l’inflation affecte plusieurs aspects des entreprises, que ce soit le coût des intrants, des salaires, des avantages sociaux, des immobilisations ou encore la capacité de payer de leurs clients. Empire Vie sert surtout des PME de moins de 250 salariés.
L’assurance collective contribue fortement à l’augmentation des dépenses en avantages sociaux, surtout en raison des hausses de coûts en médicaments. Le taux d’emploi des travailleurs âgés de 55 à 69 ans a grimpé de 6,8 % entre 2013 et 2023. « Or, les employés plus âgés réclament plus de médicaments contre les maladies chroniques comme le diabète », note Jeremie Clark. En 2023, l’Ozempic et le Rybelsus arrivaient en tête des médicaments les plus réclamés.
Lors d’une table ronde sur le sujet en janvier 2024, à laquelle Empire Vie participait, le PDG de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) parlait même d’une crise, rappelant que plus de 30 000 clients canadiens d’assurance collective ont déjà un coût annuel de médicaments supérieur à 10 000 dollars.
« Beaucoup des employeurs qui font affaire avec nous recherchent des garanties de contrôle des coûts sur quelques années, par exemple un plafonnement qui limite les hausses de coûts possibles », explique Jeremie Clarke. D’autres mesures peuvent être prises, comme la comparaison du prix de médicaments similaires ou du prix de vente entre les pharmacies, le recours aux médicaments génériques, ou encore demander des prescriptions qui couvrent une plus longue période, afin de réduire les frais lors d’achats en pharmacie.
Les participants épargnent moins
Pour ce qui est des régimes de retraite, l’inflation a surtout un impact sur les participants. En 2023, 16 % d’entre eux ont réduit leurs cotisations en raison de l’inflation, selon un sondage d’Avantages et de Benefits Canada. De plus, à peine la moitié soutenait des initiatives qui augmentent ces cotisations au fil des ans, contre 64 % en 2014.
« Les régimes à prestations déterminées (RPD), mais aussi de plus en plus de régimes à cotisations déterminées (RCD), offrent aux participants un accès à des placements alternatifs, comme l’immobilier ou les infrastructures, qui sont moins vulnérables à l’inflation, afin de protéger leur épargne-retraite », constate Stacy Beaulieu, associée, solutions pour le patrimoine à Aon. L’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite prévient toutefois, dans l’ébauche d’une prochaine ligne directrice sur la gestion des risques, que ces placements sont plus difficiles à évaluer.
Pour les gestionnaires et les promoteurs de régimes, les risques ne se trouvent pas tant du côté de l’inflation que de celui des taux d’intérêt et de l’augmentation de la durée de vie des retraités. Le risque de longévité est particulièrement important pour les RPD, puisque l’employeur devra renflouer la caisse en cas de déficit.
Quant aux taux d’intérêt, ils ont pour l’instant un effet très positif sur la santé des caisses de retraite, qui se calcule en comparant leurs actifs à leur passif (les promesses de rentes futures des régimes envers leurs participants). Les taux d’intérêt élevés diminuent la valeur de ce passif en augmentant les perspectives de rendement à long terme des assureurs. Mercer, par exemple, soutient que 85 % de ses 450 clients affichaient un degré de solvabilité de plus de 100 % au 29 mars 2024.
Cependant, une baisse éventuelle des taux jumelée à la forte volatilité des marchés boursiers pourrait fragiliser la santé des régimes dans les prochaines années.
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En chiffres
Les assureurs ont payé 114 milliards de dollars en prestations de soins de santé et de retraite en 2022. C’est une augmentation de 60 % en dix ans.
Près de 44 milliards venaient de réclamations de soins de santé, une hausse de 7,7 % depuis 2021.
Les assureurs ont versé 14,3 milliards de dollars en règlement de médicaments d’ordonnance, une hausse de 8 % par rapport à 2021.
Ils ont payé 650 millions de dollars pour les soutiens à la santé mentale, une augmentation de 10 % sur un an, et de près de 100 % depuis 2019.
Source : Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes
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Améliorer l’impact sur la rétention des employés
« Les entreprises veulent limiter leurs dépenses en avantages sociaux, tout en demeurant compétitives pour attirer et garder leurs travailleurs, dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre », souligne Jeremie Clarke, vice-président pour l’Est du Canada d’Empire Vie.
Un récent sondage de Dialogue indique que les employeurs ont encore du chemin à faire de ce côté. En 2023, à peine 29 % des employés canadiens indiquaient que leurs avantages sociaux leur donnaient envie de rester dans leur organisation.
La moitié les jugeaient insuffisants ou éloignés de leurs besoins. Deux éléments pourraient expliquer ce sentiment. Moins d’un leader en ressources humaines sur dix associe les travailleurs au choix d’un fournisseur d’avantages sociaux. Par ailleurs, à peine un salarié sur quatre connaît très bien ses avantages sociaux.
« On doit savoir communiquer avec nos employés, pour bien cerner leurs attentes, mais aussi pour leur faire connaître les avantages qu’on leur offre », conseille Sébastien Lavoie, vice-président principal chez Aon.