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Les «tracances» engendrent leur lot de défis

Catherine Charron|Publié à 12h58

Les «tracances» engendrent leur lot de défis

«Il y a beaucoup de choses à garder en tête», rappelle Marianne Lemay, PDG de Kolegz. (Photo: 123RF)

FLEX TON TRAVAIL. «Je souhaite partir en voyage en famille pour plusieurs semaines à l’été 2025. Les destinations que j’aimerais le plus sont loin (Asie) et mon employeur exige que nous travaillions sur le fuseau horaire de Montréal si nous décidons de télétravailler de l’étranger. 12h de décalage, je n’y arriverai pas. Est-ce que je peux travailler de n’importe quel pays, pour le temps que je veux, selon l’heure locale?» – Sandrine

Condition de travail qui a gagné en popularité avec la démocratisation du télétravail, les politiques de «tracances» — soit de conjuguer travail et vacances — ont toujours la cote, selon ce qu’observe Marianne Lemay, PDG de la firme spécialisée dans l’expérience employé Kolegz. Avec l’usage, on commence toutefois à rencontrer quelques points de friction.

 «Certaines entreprises l’ont mise en place quand même rapidement, et se sont rendu compte que c’est peut-être plus complexe [à appliquer] que ce qu’on pense, dit celle qui est appelée en renfort. Il y a un aspect légal, un aspect logistique, un aspect équité entre les employés. Il y a beaucoup de choses à garder en tête.»

L’un des défis qu’engendre le fait d’avoir des salariés qui bossent de l’étranger, c’est leur disponibilité à collaborer autant avec leurs coéquipiers que leurs clients. Les conséquences varient selon le type de poste qu’ils occupent, ce pour quoi l’employeur pourrait demander un tel recoupement des horaires.

Chez Kolegz, par exemple, les membres de l’organisation qui souhaitent adjoindre à leurs vacances quelques jours de travail doivent s’assurer d’être connecté au moins quatre heures quotidiennement avec leurs collègues du Québec.

«L’important, c’est qu’on ait quatre heures de chevauchement pour pouvoir planifier des rencontres avec le client ou avec l’équipe», explique la dirigeante.

Multiples points de friction

Outre les difficultés à collaborer ou à réagir promptement aux besoins des clients, Marianne Lemay constate également que les «tracances» d’un salarié peuvent nuire à la déconnexion de ses collègues.

«Si la personne est en France et qu’elle envoie un courriel très tôt le matin, heure du Québec, peut-être que le destinataire va se sentir obligé de lui répondre rapidement, indique l’experte. Ça peut amener les autres à travailler plus tôt et à finir à la même heure. Il faut penser à ceux qui partent, mais à ceux qui restent aussi.»

L’individu qui a momentanément posé ses valises dans un autre pays doit donc s’accommoder à ses coéquipiers afin de prévenir un cumul de temps supplémentaire.

Certaines organisations peuvent imposer des modalités de travail à l’étranger plus strictes afin d’éviter de créer un précédent, surtout si elles emploient plusieurs dizaines de personnes. Dans certaines industries, cette réalité peut vite amener à un «casse-tête d’horaire».

Marianne Lemay invite également les entreprises qui permettent à leurs salariés de bosser de partout dans le monde d’éplucher leur politique d’assurances pour comprendre quelles conditions s’appliquent à cette situation. Elles devraient aussi se pencher sur les lois du travail en vigueur là où un employé compte poser ses bagages.

Par exemple, l’obtention de certaines subventions peut être compromise si un employé n’effectue pas sa prestation de services depuis le Québec, rappelle la consultante.

Elles devront également se demander ce qu’elles feront si jamais le voyageur perd ou se fait voler son ordinateur portable.

Expliquer ou pas?

Marianne Lemay suggère aux entreprises de donner à leur personnel un aperçu des raisons pour lesquelles elles encadrent de la sorte le travail à l’étranger, quitte à assouvir la curiosité de ceux qui se posent davantage de questions. Ils devront toutefois trouver le juste équilibre pour ne pas les inquiéter outre mesure.

«Des fois, trop en partager peut générer du stress chez les membres de son équipe. […] L’important, c’est que les gens puissent avoir un sentiment de justice. Ils veulent sentir que c’est pour les bonnes raisons qu’ils peuvent le faire ou non.»

Ne pas transmettre suffisamment d’informations peut, au contraire, miner la prestation de services des travailleurs ou leur engagement.

«J’observe souvent sur le terrain des gestionnaires qui omettent de donner certains détails pour différentes raisons. Les employés se créent ensuite des scénarios, et ça peut même les mener à former des clans basés sur des injustices ou des insatisfactions», prévient la dirigeante.

La personne incommodée par la décision de son organisation, quant à elle, devrait tenter de comprendre les raisons derrière les consignes. Marianne Lemay l’encourage à adopter une position de curiosité, plutôt que d’attaque, au moment de formuler sa requête.

«Le gestionnaire va avoir encore plus envie de répondre rapidement quand c’est amené sous forme de questions. S’il n’a pas la réponse, c’est une bonne idée de se tourner vers les ressources humaines.»

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