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Tirer parti de l’analytique pour comprendre le stress

Simon Lord|Édition de la mi‑octobre 2024

Tirer parti de l’analytique pour comprendre le stress

L’heure n’est plus aux sondages annuels. Aujourd’hui, grâce à des outils comme Officevibe, les entreprises récoltent des données relatives à la santé et au mieux-être de leurs équipes sur une base beaucoup plus régulière. (Photo: 123RF)

ASSURANCES COLLECTIVES. Plus grandes sont les entreprises, plus il leur devient difficile de tâter le pouls de leur personnel de manière informelle. C’est là que l’analytique et les données deviennent utiles. Voici comment les employeurs utilisent ces outils pour comprendre l’état de santé de leurs équipes et élaborer des interventions.

L’heure n’est plus aux sondages annuels. Aujourd’hui, grâce à des outils comme Officevibe, les entreprises récoltent des données relatives à la santé et au mieux-être de leurs équipes sur une base beaucoup plus régulière.

Au lieu d’un sondage annuel envoyé à tous les employés, et qui demande 30 minutes à remplir, un petit groupe aléatoire d’employés recevra donc deux ou trois questions sur leur téléphone auxquelles ils pourront répondre en quelques secondes. Cela donne donc aux entreprises une vue en temps réel, ou presque, de l’état de santé psychologique de leurs équipes. « Ce genre d’outil vient renseigner le département des ressources humaines et les aider à faire un diagnostic de leurs équipes », explique Estelle Morin, professeure au Département de management de HEC Montréal spécialisée en santé mentale au travail. « Ça permet de détecter des symptômes d’épuisement ou des troubles de santé psychologique. »

Les indicateurs suivis peuvent être nombreux. Ils incluent des facteurs de risque psychosociaux tels que la charge de travail, le nombre d’heures travaillées par période donnée, ou encore la qualité des relations avec les collègues ou les supérieurs immédiats.

Trouver des solutions

Si les outils d’analytique aident à détecter les problèmes de stress et de mieux-être, les entreprises doivent ensuite décider elles-mêmes de ce qu’elles font de leurs analyses. « C’est vraiment ça le plus grand défi », dit Estelle Morin. Selon les résultats qui émanent de ces données, les entreprises peuvent choisir d’adapter leur offre d’assurances collectives, par exemple, ou de bonifier leurs programmes de prévention.

« Avec la modernisation du régime de santé et de sécurité, [qui est réalisée progressivement, par étapes, depuis 2021] c’est d’ailleurs devenu une obligation pour les entreprises de protéger leurs employés des risques psychosociaux », rappelle Estelle Morin.

Fortes des nouveaux développements en intelligence artificielle, les données et l’analytique permettent même de prédire l’évolution de l’état de santé psychologique des employés, note Xavier Parent-Rocheleau. Le professeur en gestion des ressources humaines (RH) à HEC Montréal, spécialisé en intelligence artificielle appliquée aux RH, explique que les algorithmes peuvent être classés en trois catégories : descriptifs, prédictifs et prescriptifs. « Actuellement, il y a beaucoup de développements et de potentiel pour les algorithmes descriptifs, dit-il. Ce sont ceux qui permettent de décrire, et de suivre de près, l’état de santé psychologie des employés. »

Les entreprises peuvent par exemple connaître l’état de santé de leurs employés en réalisant des analyses textuelles. Des applications existent pour analyser les courriels et les messages échangés sur le logiciel de messagerie du travail. En se basant sur le ton, les emojis, le vocabulaire et d’autres indicateurs, elles tentent d’évaluer l’état de santé psychologique du personnel.

D’autres applications, comme celle de l’entreprise québécoise EmoScienS, tentent d’évaluer l’état de santé psychologique des employés en utilisant l’analyse faciale. Le logiciel d’EmoScienS prend des photos du visage de l’employé au fil de la journée, pendant qu’il est devant son écran d’ordinateur, et compile dans un tableau de bord les émotions qu’il croit avoir détectées. « Mais il faut faire attention, parce qu’il y a beaucoup de technologies comme celles-ci qui sont utilisées en santé et mieux-être, mais qui ne sont pas nécessairement encore éprouvées et validées par la science », met en garde Xavier Parent-Rocheleau.

Les promesses du prédictif

Les algorithmes prédictifs sont aussi puissants, évalue le professeur. En analysant l’état de santé psychologique des employés, ils prédisent les problèmes de santé potentiels que pourrait développer le personnel. « L’algorithme arriverait par exemple à déterminer qu’un employé a 75 % de chances de développer un problème d’épuisement professionnel », illustre-t-il. Mais des dérives potentielles existent : l’employeur pourrait alors choisir d’autres solutions que d’aider son employé, comme de le mettre à pied.

En ce qui a trait à toutes ces nouvelles technologies dont la validation reste à faire, Xavier Parent-Rocheleau estime donc qu’il est un peu tôt pour en faire l’implantation à grande échelle. « Si l’application fait une erreur, et nous dit qu’un employé est en détresse alors qu’il ne l’est pas, on risque de créer plus de problèmes que l’on ne règle. » Les entreprises doivent donc utiliser l’IA « en tenant compte des risques », dit-il.