Geosapiens a développé E-NUNDATION, une plateforme web qui permet une cartographie dynamique et prévisionnelle des risques d’inondation. (Photo: 123RF)
ASSURANCES DOMMAGES. La période d’incertitude engendrée par la COVID-19 a constitué un véritable test de « réalité numérique » pour de nombreuses entreprises. Le passage au travail à distance a par exemple contraint des institutions du secteur financier à accélérer leurs programmes d’innovation et à accroître leurs partenariats avec des start-ups de technologie financière.
Cela ne signifie pas pour autant que les fintechs sont automatiquement devenues florissantes. Certaines, qui collaborent avec de grandes institutions financières, « ont dû composer avec des changements de priorités temporaires de leurs clients, pendant que d’autres, qui s’adressent directement au grand public, ont dû jongler avec une demande accrue via leurs canaux numériques », a observé Dominique Ferst, gestionnaire associé chez Ferst Capital Partners, un fournisseur de capital de risque pour les fintechs.
Les mesures imposées par les gouvernements et l’ampleur des perturbations économiques et financières causées par la pandémie ont entraîné des effets très variables sur l’écosystème fintech québécois. Parmi eux, soulignons la fermeture temporaire des bureaux de la Station FinTech Montréal dès la mi-mars.
Créée par Finance Montréal à la demande du gouvernement du Québec, la Station FinTech est le pôle d’excellence du secteur. Installée à la Place Ville-Marie, au cœur de la métropole, elle offre en temps normal un milieu d’échanges et de travail adapté aux start-ups financières, ainsi que des services d’accompagnement et de soutien. Depuis le 6 juillet, seuls les locataires et employés y ont un accès limité, conformément aux directives de la santé publique.
L’annulation du Forum FinTech 2020, le plus important événement du domaine des technologies financières au Canada, est une autre conséquence de la pandémie. Des Rencontres Off du Forum sont toutefois organisées mensuellement « et se feront de manière virtuelle jusqu’à nouvel ordre, et la tenue d’autres activités en fintech à l’automne est actuellement considérée », signale Julie Perrone, directrice des communications et du marketing à Finance Montréal.
Un stress test
L’activité de financement en capital-risque a aussi ralenti au cours du deuxième trimestre, ce qui a forcé de nombreuses start-ups à revoir leurs dépenses.
Certaines ont choisi de réduire temporairement leur personnel afin de préserver leur capital, ainsi que « pour prévenir des cycles de vente B2B plus longs » en raison de la COVID-19, estiment David Nault et Laviva Mazhar, respectivement associé directeur et associée en investissements chez Luge Capital, un fonds de capital de risque pour les sociétés de technologie financière en démarrage.
Les start-ups déjà financées n’ont toutefois pas vu les investisseurs retirer leurs billes, selon eux. « Les assurtechs qui étaient déjà bien financées en ont même profité pour embaucher les meilleurs talents issus d’entreprises qui ont dû les laisser partir », ajoutent-ils.
« Au cours des premiers mois de la pandémie, moins d’investisseurs cherchaient à faire de nouveaux investissements, car ils se concentraient sur le soutien aux entreprises déjà présentes dans leur portfolio. Luge Capital a réalisé deux nouveaux investissements au cours de cette période », indiquent David Nault et Laviva Mazhar. Ils précisent continuer de rencontrer activement des entreprises avec leurs co-investisseurs, en vue d’« en faire d’autres ».
Ils sont d’avis que la pandémie a accéléré et continuera d’accélérer l’adoption de solutions numériques par les opérateurs historiques tels que les assureurs et les courtiers, ce qui activera directement la demande pour les solutions proposées par les assurtechs.
Selon eux, la crise découlant de la COVID-19 a aussi permis de « tester et continuera de tester la force et la viabilité des solutions développées par les assurtechs, et aidera à séparer les gagnants des perdants ». Pour cette raison, ils croient que la situation entraînera des conséquences « globalement positives pour l’écosystème assurtech et pour des fonds comme Luge Capital qui financent ces entreprises ».
Cinq assurtechs proposant des solutions au Québec
Baseline Télématique, de Laval, a été fondée en 1994 par Paul-André Savoie, qui en dirige toujours la destinée. L’une des pionnières des assurtechs au Canada, elle a introduit la télématique dans le secteur des assurances en 2009 en développant le premier produit d’assurance UBI (basé sur les habitudes de conduite) au Canada pour l’Industrielle Alliance, Mobiliz.ca.
Geosapiens, de Québec, a développé E-NUNDATION, une plateforme web qui permet une cartographie dynamique et prévisionnelle des risques d’inondation. Elle produit un rapport détaillé sur le niveau de risque d’inondation et les dommages financiers associés. Constituée en 2017, Geosapiens a remporté le premier prix à la compétition technologique Aquahacking 2018. Hachem Agili, le cofondateur et PDG, s’est mérité le Prix Mitac Entrepreneur social 2019.
IMETRIK Global, de Montréal, est un fournisseur de services télématiques et un guichet unique de solutions M2M (communication machine à machine) spécialisé dans l’industrie automobile. Sa gamme de services inclus notamment la solution UBI pour l’assurance basée sur le comportement de conduite lancée en 2013 avec le programme Ajusto de Desjardins Groupe d’assurances générales, et le programme Intelauto de La Personnelle. C’est en 2003 que Guy Chevrette, fondateur et président d’IMETRIK, a créé dans son sous-sol Connectif Solutions, une première ébauche de ce qu’allait devenir l’entreprise.
Technologie Keal est l’un des principaux fournisseurs de systèmes de gestion d’assurance et de solutions de courtage au Canada. Il est issu de l’acquisition en 2000 de BMS, une division de système de gestion de courtage, par Pat Durepos, un courtier de profession. En 2016, Keal a joint l’Américaine Vertafore, un leader nord-américain en technologie d’assurance — celle-ci a été acquise le 13 août dernier par Roper Technologies. Elle possède des bureaux à Montréal, Toronto et Grand-Sault.
En février dernier, Zesty.ai, une assurtech fondée à Oakland, en Californie, a annoncé l’ouverture du laboratoire Zesty.ai Lab à Montréal. Ses activités seront axées sur la recherche et le développement d’applications concrètes en intelligence artificielle (IA) pour le secteur de l’assurance. L’objectif du laboratoire installé à la Place Ville-Marie est de mieux comprendre les risques liés aux catastrophes naturelles.