Un cadre réglementaire pour mieux protéger les consommateurs
Richard Cloutier|Édition de la mi‑mai 2019(Photo: 123RF)
ASSURANCES DE DOMMAGES. C’est à compter du 13 juin 2019 qu’entreront en vigueur au Québec les modifications législatives visant à encadrer la vente de produits d’assurance par Internet pour les assureurs et les cabinets.
Ces modifications législatives ont été introduites lors de l’adoption par l’Assemblée nationale en juin 2018 du projet de loi 141, soit la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières. Elles prévoient notamment le remplacement de la Loi sur les assurances par la Loi sur les assureurs. Bien qu’elles se veuillent flexibles de manière à pouvoir s’adapter « au fil de l’évolution de la technologie, des pratiques du marché, des besoins et des préoccupations des consommateurs », tel que l’indiquait lors de son adoption Carlos J. Leitão, alors ministre des Finances du Québec, la Loi précise différents paramètres dans le but de protéger le consommateur.
Ces précisions concernent par exemple des règles de propriété des cabinets de courtage, mises en place afin de préserver l’indépendance des courtiers en assurance de dommages et veiller à ce que le consommateur fasse réellement affaire avec un courtier lorsqu’il le désire. Elles concernent aussi l’encadrement des activités de courtage des cabinets et, bien qu’elles n’obligeront pas le courtier à présenter au client trois soumissions d’assureurs différents dans le cas d’assurance des particuliers, le courtier devra pouvoir démontrer « que son cabinet possède des ententes de distribution avec trois assureurs qui ne font pas partie du même groupe financier », explique la Chambre de l’assurance de dommage (ChAD). Finalement, ces précisions stipulent les encadrements applicables à la distribution par Internet de produits et services.
Parmi ces encadrements, soulignons que l’assureur doit voir à ce qu’un représentant certifié par l’Autorité des marchés financiers (AMF) soit disponible afin de pouvoir agir auprès d’un consommateur internaute qui en exprime le besoin, et que celui-ci doit avoir été informé de cette disponibilité d’un représentant. L’assureur doit aussi veiller à ce que ce consommateur dispose de toutes les informations nécessaires afin de prendre une décision éclairée relativement à l’exécution du contrat d’assurance, par exemple l’étendue de la garantie considérée, ses exclusions, et les délais à l’intérieur desquels un sinistre doit être déclaré.
« L’adoption et l’entrée en vigueur de la Loi constituent sans nul doute une avancée importante dans l’évolution du secteur InsurTech au Québec en fixant les assises réglementaires sur lesquelles cette industrie pourra s’appuyer et qui l’aidera à se développer dans les prochaines années au Québec », prévoit le cabinet d’avocats Norton Rose Fulbright dans une analyse publiée en août 2018.
L’AMF doit pour sa part bonifier cette ouverture à la distribution en ligne de produits d’assurance et de services financiers, par une réglementation comprenant des « balises claires ». Son Projet de règlement sur les modes alternatifs de distribution, publié en octobre 2018, a d’ailleurs fait l’objet d’une consultation publique menée auprès de l’industrie et des consommateurs pendant 60 jours.
La Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ) y a déploré dans son mémoire, par exemple, le fait que le projet de règlement de l’AMF repose « sur l’illusion qu’il suffit d’informer massivement les consommateurs pour les protéger ».
La publication de la version finale du projet de règlement, revue à la suite des consultations publiques, est attendue avant la fin du mois de mai. L’exercice aurait par ailleurs mené certains secteurs d’activités à être exclus du champ d’application de la Loi, par exemple l’assurance collective et les sites de comparaison de produits, selon ce qu’a indiqué Frédéric Pérodeau, surintendant à l’assistance des clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’AMF, lors de la Journée de l’assurance de dommages 2019 tenue en avril dernier.
Au Canada
Pendant ce temps au Canada, le projet de loi C-74, qui stipule que la Loi sur les banques ne sera pas révisée avant 2023, a reçu la sanction royale en juillet 2018. Par ce geste, le gouvernement fédéral maintient la séparation entre les activités des banques et des assureurs, prévue à la Loi sur les banques, une mesure qui a réjoui l’Association des courtiers d’assurances du Canada (ACAC) et le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ). Ces organisations estiment que cette mesure « garantit aux consommateurs un accès à une expertise ainsi qu’à des conseils objectifs lors de l’achat d’une assurance de dommages ».
« Alors que le gouvernement se prépare à élaborer une réglementation pour le secteur des technologies financières, la séparation de longue date qui existe entre les activités des banques et des assureurs doit être maintenue. Il est important de ne pas négliger les conséquences non intentionnelles qui pourraient survenir et qui pourraient affaiblir les dispositions en matière de protection du consommateur et des renseignements personnels », a évoqué Peter Braid, chef de la direction de l’ACAC, au lendemain de l’adoption du projet de loi.