Comment aider vos employés à adopter les robots
Karl Rettino-Parazelli|Mis à jour le 28 novembre 2024«Le succès de nos projets passe plus par la gestion des ressources humaines que par la technologie qu’on développe», affirme Alexandre Paré, cofondateur de Revtech Systèmes. (Photo: 123RF)
AUTOMATISATION. Pour automatiser une ligne de production, un processus de fabrication ou encore le partage d’informations au sein d’une entreprise, il ne suffit pas d’acheter des machines. Il faut aussi considérer les humains qui les verront débarquer dans leur milieu de travail.
« Le succès de nos projets passe plus par la gestion des ressources humaines que par la technologie qu’on développe », affirme Alexandre Paré, cofondateur de Revtech Systèmes, une entreprise de la région de la Beauce qui élabore des projets d’automatisation sur mesure pour des compagnies de tailles et de secteurs variés. « Le robot qu’on installe peut être performant, mais ce qui compte aux yeux du client, ce sont les résultats en termes de production. Et ça dépend de l’apport des employés », dit-il.
On ne peut pas simplement mettre un robot en place et espérer que la productivité augmente comme par magie, confirme Elaine Mosconi, professeure à l’Université de Sherbrooke qui s’intéresse notamment aux effets des nouvelles technologies dans les organisations. « Il faut se demander : quelles sont les implications pour la gestion ? Quelles sont les implications pour les personnes ? Quels sont les éléments éthiques qu’on doit considérer ? », énumère-t-elle.
Deux cas de figure
Selon Elaine Mosconi, les entrepreneurs sous-estiment trop souvent l’importance des ressources humaines dans l’implantation d’un projet de robotisation. Il existe à son avis deux profils types de dirigeants dans cette situation : ceux qui sont très motivés et qui croient que leur enthousiasme sera suffisant pour convaincre les employés d’adhérer aux changements à venir, et ceux qui ne comprennent pas bien toutes les implications du projet qu’ils ont décidé de mettre en place.
« Si le dirigeant ne comprend pas l’ampleur des bouleversements que la technologie va amener sur le terrain, ça peut entraîner des problèmes », comme des craintes, du désengagement et des frustrations, explique la professeure.
Il ne faut cependant pas croire que toutes les entreprises qui implantent des robots négligent ce que cela représente pour leurs employés, soutient le professeur au Département de management de HEC Montréal Kevin J. Johnson, qui dirige le Centre d’études en transformation des organisations et qui a fait de la gestion du changement l’un de ses champs d’expertise.
« Je connais des dirigeants conscientisés à cet enjeu, qui intègrent la gestion du changement dans leur manière de réfléchir au quotidien, alors que d’autres le font beaucoup moins, dit-il. On peut avoir la meilleure technologie possible, mais si on ne fait pas une gestion adéquate des ressources humaines, les résultats ne seront pas là. »
Répercussions variables
On pourrait penser qu’une entreprise qui robotise son usine le fait pour accroître sa productivité, mais aussi pour réduire son nombre d’employés et ainsi faire fondre ses coûts de main-d’œuvre. Or, la réalité est beaucoup plus nuancée.
« Les dirigeants veulent souvent robotiser certaines tâches parce qu’ils ont de la difficulté à trouver des opérateurs pour certains postes », observe Éric Côté, PDG de Tecking Automatisation, une compagnie sherbrookoise spécialisée dans la conception d’équipements industriels et l’automatisation de procédés. « Ils ne veulent pas perdre leurs employés, ils veulent les relocaliser ailleurs sur la ligne de production à des postes à plus grande valeur ajoutée », précise-t-il.
« L’adoption des robots au Canada n’est pas motivée par la volonté de réduire les coûts de la main-d’œuvre, mais plutôt par la volonté d’améliorer la qualité des produits et des services. Ces améliorations sont associées à une plus grande productivité », conclut également une étude de Statistique Canada publiée en 2020 au sujet des répercussions des robots sur l’emploi.
« L’étude révèle que les investissements en robotique sont associés à des diminutions de l’emploi des travailleurs moyennement spécialisés, mais aussi à des augmentations de l’emploi des travailleurs peu spécialisés et très spécialisés, ce qui pourrait modifier les activités des cadres que requiert l’entreprise », écrit également son auteur, Jay Dixon. L’étude souligne néanmoins que le fait d’investir en robotique est lié à une augmentation de l’emploi total des entreprises canadiennes analysées.
Une autre étude de Statistique Canada publiée en août 2024 concernant l’adoption de technologies robotiques au Canada relève par ailleurs que la difficulté à recruter du personnel qualifié est le principal frein à l’intégration de robots au sein des entreprises canadiennes de technologie de pointe. Au Québec, plus de 41 % des entreprises sondées ont évoqué cet obstacle.
Ouvrir la réflexion
« Auparavant, on disait aux gestionnaires d’aviser leurs employés que le robot s’en venait pour que les gens ne soient pas surpris et qu’ils craignent de perdre leur travail, raconte Alexandre Paré, de Revtech Systèmes. Aujourd’hui, des opérateurs qui craignent de perdre leur travail, ce n’est plus vraiment d’actualité », dit-il en précisant que la résistance est surtout causée par des employés froissés de ne pas avoir été impliqués dans le projet.
Voilà pourquoi il est primordial d’inclure le personnel dans la transformation, souligne Kevin J. Johnson. « Pour espérer compter sur l’engagement des employés, il faut au préalable les intégrer dans la réflexion », affirme-t-il.